En 2000, après une période de travail à Tahiti, Moetai Brotherson est arrivé à New-York plein d’enthousiasme. Il avait été recruté en tant que responsable de l’architecture technique chez Bertelsman. "J’ai adoré. Je vivais à 400 à l’heure. Il y avait des projets tous aussi passionnants les uns que les autres. Les débuts du E.commerce. Amazon commençait à se construire. On bâtissait des plates-formes qui n’existaient pas. Les téléphones portables étaient à leur balbutiement".
Ingénieur en informatique, Moetai Brotherson était comblé professionnellement, mais aussi personnellement. Sa famille était avec lui et puis New-York, il en rêvait. "C’est une ville magique. New-York j’adore car je suis un fan de jazz et donc là j’avais la possibilité d’aller toutes les semaines au Blue note au village Vanguard", raconte-t-il à Outre-mer La 1ère.
Il y a un an, lors d’une interview dans #MaParole, le député a évoqué cette journée du 11 septembre 2001. Il avait rendez-vous à 9h dans l’une des Twin Towers. "J’habitais dans le quartier des expatriés à Westchester. Il faisait super beau ce jour-là, se souvient-il. Il fait souvent très beau à New-York grâce aux vents qui chassent les nuages. Je me dis ça va être une super journée pour faire des photos. Donc je prends mon matériel avec moi. J’avais rendez-vous à 9h dans la tour B. Juste après le rendez-vous, je me disais, je vais sortir, je vais faire des photos dans le lower district de Manhattan. Donc je m’installe dans le train à écouter du jazz avec mes écouteurs et à un moment donné, on était sur le point d’arriver à Ground central et là quelqu’un s’écrit dans le train :"un avion a heurté les Twin towers !" La même personne se remet à crier : "ce n’est pas un petit avion, c’est un jet liner". Et là, les premiers mots sont lâchés : "c’est un attentat". On était tous très inquiets. Je sors, j’arrive sur la 6e avenue et là je vois le deuxième avion qui heurte les Twin towers".
"J’avais l’impression d’être dans un film, poursuit-il. Je vois les deux tours en feu. Tout le monde dans la rue hébété. On entend les sirènes de pompiers. On voit les premiers camions de pompiers qui arrivent. Les gens applaudissent, c’est le positivisme américain. On se dit d’ici une heure, on en parle plus de cet incendie. Moi je me dis, j’ai rendez-vous dans la Tour B. Il faut que j’y aille. Il n’y avait plus de taxis. Je me dis je vais y aller à pied et je marche vers les Twin Towers. Je n’étais pas très loin quand la première tour s’est effondrée et là, c’était juste hallucinant parce que du coup, on était tous couverts de poussière avec le souffle de l’effondrement. On était juste comme des zombies dans la rue. On voit des gens qui se tiennent par la main avant de sauter. On voit toute l’horreur de cette matinée. Et la deuxième tour s’effondre et on se dit : le monde a basculé (...) C’est l’incrédulité. Des gens tombent évanouis juste à côté. Des gens qui pleurent car ils n’arrivent pas à contacter leurs proches dans les tours. Moi-même j’avais un collègue de travail. J’ai essayé frénétiquement de l’appeler et je me disais : "non ce n’est pas possible, ce n’est pas possible". Et il est d’ailleurs décédé dans ces événements-là".
Cet ami se nommait Robert Cloud. Moetai Brotherson l’avait rencontré dans le cadre du travail. Il était spécialiste de la documentation technique. "C’était un noir-américain qui travaillait pour Siemens, raconte le député de la Polynésie. Un très bon copain. On passait des week-ends ensemble. Il avait fait ses études en Chine et parlait parfaitement le Chinois. Ça faisait toujours son petit effet quand on allait au restau chinois ensemble", se rappelle-t-il.
Pour Moetaï Brotherson, le 11 septembre 2001 a été "une journée hors du temps". Après la chute des Twin towers, il y a eu le "lockdown", se souvient-il. "On se retrouvait prisonnier dans Manhattan". Le Polynésien ne pensait plus qu’à une chose : prévenir sa famille. Il a dû alors marcher jusque vers son bureau du côté de Time Square afin d’utiliser une ligne fixe. "Ma femme n’était pas au courant. Je lui ai dit : allume la télé". C’était la consternation. Ensuite le député a appelé ses parents à Huahine en Polynésie. "Mon père a décroché, il était un peu endormi. Je lui ai dit: "les Twin towers n’existent plus". Il ne me croit pas. Il allume sa télé. J’entends un grand silence et là il me dit : "Mon fils revient". Moetai Brotherson a suivi ses conseils. Il est reparti peu de temps après les attentats à Tahiti avec sa famille.
Le député confie qu’aujourd’hui encore, il lui arrive de faire des cauchemars au sujet du 11 septembre. Chaque année, à la même date, où qu’il se trouve, il allume deux bougies. Cette année, il ne le fera pas. Il a décidé de prendre son vol de Paris pour Tahiti ce 11 septembre. "Il faut être capable de voir cette journée comme une journée normale", explique-t-il à La1ère.
►Ecoutez ci-dessous l’intégralité de l’interview de Moetai Brotherson au sujet du 11 septembre 2001 (enregistrement en novembre 2020 pour #MaParole)
Moetai Brotherson