Nouvelle-Calédonie : Coutume au Musée du Quai Branly

Cérémonie coutumière au Musée du Quai Branly
A la veille de l'ouverture à la presse et au public de l'exposition "Kanak, l'art est une parole", une cérémonie coutumière s'est tenue au Musée du Quai Branly. Des mots et des cadeaux ont été échangés entre les commissaires, le directeur du musée et les chefs coutumiers kanak.
Les chefs coutumiers y tenaient. L'exposition "Kanak, l'art est une parole" ne pouvait pas se faire sans coutume. Alors à 9h30, ce dimanche, une bonne vingtaine de représentants des conseils coutumiers, le directeur général du musée, Stéphane Martin et les deux commissaires de l'exposition, Emmanuel Kasarhérou et Roger Boulay se sont prêtés de très bonne grâce à cette cérémonie.

"Changer le cour de notre histoire"

Tour à tour, les sénateurs coutumiers, Armand Goroboredjo et Octave Togna ont pris la parole pour dire à quel point cette exposition est importante à leurs yeux. "Merci de montrer la richesse de notre culture, a lancé Octave Togna, car c'est à travers ces murs que nous pouvons changer le cours de notre histoire".

Le sénateur coutumier Armand Goroboredjo
Le sénateur coutumier Octave Togna

La parole a du sens

A ces discours en français et en langues kanak, les deux commissaires de l'exposition ont répondu avec beaucoup de solennité. Emmanuel Kasarhérou, ancien directeur du Centre culturel Tjibaou a déclaré que cet échange de paroles est essentiel "car en invoquant ainsi les esprits, les gens qui viendront dans les jours qui viennent auront les oreilles et les yeux grands ouverts". 


Emmanuel Kasarhéou, commissaire de l'exposition

Une histoire d'amitié

Roger Boulay, l'autre commissaire de l'exposition a expliqué qu'il travaille depuis 30 ans sur l'art kanak. Cette exposition est pour lui une longue histoire d'amitié. Roger Boulay a connu Jean-Marie Tjibaou dans les années 70. C'est le leader du FLNKS qui lui a fait découvrir son pays, la Nouvelle-Calédonie. Et dès 1979, ils ont imaginé ensemble ce que pourrait être une exposition d'art kanak. Roger Boulay a alors parcouru les musées du monde entier à la recherche d'objets kanak.

Roger Boulay, commissaire de l'exposition

Musique au Musée

Après les discours, les chefs kanak ont présenté leurs cadeaux sur un drapeau aux couleurs du Sénat coutumier. On pouvait y voir un igname, "symbole de l'homme" et des monnaies kanak. Les responsables du musée ont offert, de leur côté, des beaux livres. Et puis c'est en musique, au son de l'harmonica, des sifflets, des cris, des chants et des  bois que toute la délégation coutumière s'est élancée dans les couloirs de l'exposition. Regardez ci-dessous le film. 


"Installer nos esprits"

Parmi les nombreuses personnalités du caillou présentes, Caroline Machoro, élue du Congrès de la Nouvelle-Calédonie semblait très heureuse. Elle a parcouru en musique l'exposition au côté de Marie-Claude Tjibaou, tout sourire. "On ne pouvait pas faire découvrir notre histoire, notre culture aux yeux du monde, explique Caroline Machoro, sans faire ces gestes préalables pour remercier et aussi installer nos esprits dans ces lieux".

Caroline Machoro et Marie-Claude Tjibaou

Le retour d'Ataï

Parmi les objets qui ont marqué l'élue du Congrès figure le moule de la tête du chef Ataï. "Ca me touche beaucoup, explique Caroline Machoro, car l'on discute en ce moment du retour chez nous du crâne de ce chef qui se trouve toujours à Paris". Ataï a mené  l'insurrection de 1878 contre les colons français et il fait partie de ces chefs kanak qui ont marqué l'histoire de la Nouvelle-Calédonie. "Fin 2014, le crâne d'Ataï va revenir en Nouvelle-Calédonie, déclare le sénateur coutumier Octave Togna qui précise que des démarches coutumières sont en cours afin qui le "vieux" puisse retrouver son pays apaisé". 

Photo du portrait du chef Ataï

"Une renaissance"

Emmanuel Tjibaou n'a pas boudé son plaisir lors de cette visite en musique de l'exposition. Le directeur du Centre culturel Tjibaou s'est dit aussi ému par la présence de portraits de son père. "Tjibaou apparaît comme l'ancêtre de tout le monde et cela me touche beaucoup", explique-t-il. A 36 ans, Emmanuel Tjibaou se souvient que son père parlait déjà, quand il était petit, d'une grande exposition d'art kanak. "Ca fait partie de notre renaissance. On est passé de l'image de sauvage, d'anthropophage à une toute autre identité. Maintenant, grâce à cette exposition, notre culture fait aujourd'hui partie de l'histoire de l'humanité". 

 

Emmanuel Tjibaou, le directeur du Centre culturel Tjibaou