Le général Dumas : grandeur et déchéance du comte noir

Portrait du général Dumas (peinture d'Olivier Pichat datant de 1860), musée Alexandre Dumas, Villers-Cotterêts
Les éditions Flammarion publient une traduction de la biographie détaillée du général franco-haïtien Dumas, père du romancier Alexandre Dumas, écrite par le journaliste américain Tom Reiss. Cet ouvrage, « Dumas, le comte noir », a obtenu le prix Pulitzer en 2013. 
« A ce jour, il n’existe toujours en France aucune statue érigée au général Dumas ». Le constat de Tom Reiss est regrettable, et sans appel. En fait, il y avait bien une statue, érigée à l’automne 1912 à Paris, mais elle fut détruite avec d’autres par les nazis durant l’occupation, vraisemblablement durant l’hiver 1941-42, car ils avaient besoin de bronze pour leur effort de guerre. Mais depuis, rien.
 

Esclave racheté par son père

Comment donc le général Dumas, qui devint le premier général d’origine antillaise sous la Révolution française, héros militaire des batailles d’Egypte sous Bonaparte, et par ailleurs père vénéré par son fils le grand écrivain Alexandre Dumas, a-t-il pu ainsi tomber dans l’oubli ? Dans sa biographie très exhaustive, « Dumas, le comte noir » (éditions Flammarion), le journaliste et écrivain américain Tom Reiss se penche sur la question.
 
Thomas Alexandre Dumas, premier du nom, est né en 1762 dans la colonie française de Saint-Domingue. Sa mère était une esclave noire dénommée Marie-Cessette Dumas et son père un aristocrate en délicatesse avec la justice, du nom d’Alexandre-Antoine Davy, marquis de la Pailleterie. En août 1776, Thomas Alexandre débarque en France au Havre, avec le statut d’esclave, avant d’être racheté par son père arrivé avant lui. Il s’appellera dorénavant Thomas Alexandre Davy de la Pailleterie, et prend le titre de comte, son père étant marquis.
 
Dix ans plus tard, en 1786, soldat athlétique et affûté, il entre au service du régiment des dragons de la Reine. Mais il s’engage sous le patronyme de sa mère, Dumas, à la suite d’une brouille avec son père. Il conserve seul le prénom d’Alexandre. 

 
Couverture du livre de Tom Reiss, "Dumas, le comte noir" (Flammarion)

Ascension dans l’armée

A la faveur de la révolution française de 1789, Dumas commence son ascension dans les rangs de l’armée. En 1792, il devient lieutenant-colonel dans l’unité de « hussards noirs » du chevalier de Saint-George, le célèbre officier mulâtre originaire de Guadeloupe. Unanimement loué pour ses qualités militaires, Dumas est nommé général de division un an plus tard, à la tête de dizaines de milliers de soldats.
 
Sous Bonaparte, il commande la cavalerie de l’armée d’Orient lors de la première expédition d’Egypte en mars 1798. Mais, opposés idéologiquement, les deux hommes en viennent à se détester. Capturé par les Italiens durant une escale à Tarente en 1799, il est retenu deux ans et torturé. Malade et handicapé, tombé en désuétude à son retour en France, il est mis à la retraite en septembre 1802. Ignoré du nouveau pouvoir, il meurt dans le dénuement à Villers-Cotterêts en février 1806.
 
Dans son livre, fruit de considérables recherches historiques, Tom Reiss retrace avec minutie le parcours du général Dumas, le mettant en parallèle avec les œuvres de son fils Alexandre, auteur du légendaire « Comte de Monte-Cristo ». Le destin littéraire de ce personnage, d’ailleurs, est symboliquement inspiré des tribulations de la vie du père de l’écrivain, ce père adulé mais à peine connu, mort peu avant ses quatre ans, qui laissera néanmoins une empreinte indélébile.
 

Tom Reiss, « Dumas, le comte noir (Gloire, Révolution, Trahison : l’histoire du vrai comte de Monte-Cristo) » - éditions Flammarion, octobre 2013 - 472 pages, 23 euros.