L'Indonésie et Mitsubishi secouent Nouméa et le "métal du diable"

Usine du Nord en Nouvelle-Calédonie
Réalité et spéculation se mélangent autour de l'Indonésie : embargo sur le nickel, présidentielle à venir, construction d'une usine métallurgique à Weda Bay. Didier Julienne expert international des matières premières, nous livre son analyse et l'envers du décor de l'industrie mondialisée du nickel.
Outre-Mer 1ère: L'élection présidentielle indonésienne se tiendra le 9 juillet prochain. Du résultat de cette élection dépendra le maintien ou pas de l'embargo de Djakarta sur le nickel. On apprend que le groupe japonais Mitsubishi construirait, mais seul, la grande usine de nickel de Weda Bay. Plus largement, quelles seraient les conséquences d'une éventuelle reprise des exportations indonésiennes sur les cours mondiaux du nickel ?
Didier Julienne - Les cours du nickel à Londres baisseraient vers les 10 000 dollars par tonne avant de revenir vers les 13 500 dollars par tonne de métal. Les principaux analystes financiers parient sur un maintien de l'embargo indonésien sur le nickel, après les élections de juillet.

Tout d'abord avant de lire ces analyses financières, il faut se poser la question de la finalité de leur publication. Elle n'est pas toujours neutre et je lis des mea-culpa d'analystes qui avouent avoir été trop optimistes ou bien trop pessimistes à propos des cours du nickel. Je préfère me construire mon idée de prix, indépendamment d'influences diverses et variées. Aucun évènement ne la modifiait récemment, elle est entre 16 000 et 18 500 dollars la tonne. 

Elle repose sur des éléments rationnels incluant la production notamment des Philippines, les coûts, la consommation, les substituts, les stocks de nickel, mais également d'acier... Si des éléments changent fondamentalement, alors mon estimation sera à réévaluer.

 
L'Indonésie aurait finalement obtenu l'engagement concret de Mitsubishi à construire l'usine de Weda Bay Nickel ?
L'augmentation de production de métal en Indonésie dès l'an prochain, annulera progressivement, en l'espace de 18 mois, les effets de l'embargo. Je note que le nombre de projets de constructions d'usines va de 12 à 50 ! Le plus symbolique serait, en effet, le projet à 5 ou 6 milliards de dollars de Weda Bay Nickel qui, si j'en crois la presse indonésienne de la semaine dernière, est finalement lancé par Mitsubishi dès cette année pour produire une matte à 97 %.
 
Au total, toutes ces usines représenteraient peut-être l'équivalent de 250 000 tonnes à 400 000 tonnes de nickel. Où se situeront les prix du nickel lorsqu'elles fonctionneront ?


En attendant, ce sont les mineurs indonésiens du nickel qui souffrent et se sacrifient pour les autres ?
L'Indonésie, environ 250 millions d'habitants, 7 000 iles, 300 ethnies, 700 langues et dialectes, a bien évidemment sacrifié une industrie qu'elle tente de rééquilibrer de manière différente, mais avec une bureaucratie endémique. Les enjeux et les obstacles comme l'énergie, les routes et les ports sont loin d'être négligeables. 

En outre, je me demande combien de temps les centaines de milliers d'employés directs et indirects accepteront d'avoir perdu leurs emplois à cause de l'embargo et combien de temps le pays pourra continuer sans encombre social à diminuer son PIB et aggraver sa balance commerciale ?

 
Qui a bénéficié de l'embargo indonésien sur le nickel ?
Premièrement, les spéculateurs et les banquiers qui ont joué, j'emploie le passé-composé parce qu'ils sont déjà quelques-uns à avoir pris leurs gains depuis la mi-mai. Deuxièmement, les mineurs pour autant qu'ils n'étaient pas basés en Indonésie.

Cela démontre à quel point une organisation du type « OPEP du Nickel » est encore une grande illusion. Après l'élection indonésienne, je n'exclus pas une expression différente de cet embargo.

 
Quelle doit-être la stratégie de la Nouvelle-Calédonie ?
L'intérêt pour la Nouvelle-Calédonie est de profiter de cette embellie pour se réformer, et réellement construire une Doctrine Nickel qui n'a pas encore atteint le stade du balbutiement.