Brésil, le jour d'après

Au lendemain de sa déroute historique face à l'Allemagne, le Brésil tout entier s'est réveillé hier avec une abominable gueule de bois. Et la presse brésilienne rivalise d'imagination et de cruauté envers la Seleçao. 
Le Brésil s'est réveillé sans voix. J'ai rarement vu ce pays si silencieux. C'est bien un cauchemar pour tout le peuple jaune et vert et pour son équipe nationale. Sans voix et sans mot. Les unes des quotidiens brésiliens sont historiques. Elles sont à l'image de la magnitude du séisme footballistique vécu. "Je n'ai jamais vu cela", confie Ruben, vendeur dans un kiosque à journaux de Rio, "tout est parti ! Les clients achètent, mais il est très difficile de vous décrire le sentiment général. J'veux pas parler. Pthhhhhhh", me repoussant d'un petit geste de la main.

Inutile d'insister, voici quelques-unes que l'on pouvait découvrir dans son kiosque. Décryptage.

Meia Hora : " Não vai ter capa"


En juin 2013 des millions de Brésiliens descendaient spontanément dans la rue. Une fronde populaire inattendue, en Pleine coupe des confédérations, pour demander des changements profonds de la société brésilienne et pour protester contre le coût global du mondial 2014. Leur slogan " não vai ter copa" signifiait "Il n'y aura pas de coupe." Cette fois, il n'y a pas eu de une. Elle est noire. La rédaction "revient demain"

O dia : "Vai pro inferno você, Felipão." 


Les journalistes règlent leurs comptes: "Vas-y toi en enfer, Felipão." Dans un encadré, on peut lire : "Il gagne près de 300 000 euros par mois. Il est celui qui fait le plus de publicité au Brésil. Il n'a pas fait son travail, et n'a pas fait les bons choix ni les bons changements. Il est responsable de la plus grande humiliation de la Seleção en plus d'un siècle d'histoire. La semaine dernière, questionné sur ses attitudes, il répondit : Je vais agir comme je le veux. Vous aimez. C'est bien. Ceux qui n'aiment pas peuvent aller en enfer." Le retour de bambou est sans détour, sans pitié.

Lance : une page blanche
 

"Indignation, révolte, douleur, frustration, irritation, honte, peine, désillusion... Dites ce que vous ressentez et faites vous-même la une de Lance." Une page blanche pour une Une. Pas de mot. Le lecteur peut se lâcher.

Extra : " Félicitations"

Extra choisit l'ironie en adressant des "félicitations" à la Seleçao de...1950 !
"Félicitations aux vice-champions du monde de 1950 qui ont toujours été accusés de la plus grande honte du football brésilien. Hier, on a connu la vraie honte !". La page de la défaite face à l'Uruguay en finale de la coupe du monde de 1950, à la maison au Maracana, n'a jamais été tournée. 64 ans de drame national et de discussions interminables. Le naufrage de Belo Horizonte aura paradoxalement permis de réhabiliter les vice-champions du monde 1950... 64 ans plus tard.

Fred, Hulk, Julio Cesar et toute la génération 2014 savent désormais ce qui les attendent : 64 ans de purgatoire. Minimum.