Les cargos, cache idéale pour les espèces invasives

Cargo
Les espèces invasives provoquent dans l’Outre-mer un recul de la biodiversité. Ces espèces arrivent notamment à bord des cargos. Le WWF dénonce dans son dernier rapport la mauvaise gestion des eaux de ballast.
C’est l’une des "menaces les plus significatives des temps modernes pour l'environnement marin", confie le secrétaire général de l'Organisation maritime internationale (OMI), Koji Sekimezu à l’AFP. Selon le dernier rapport de l’ONG WWF, les espèces invasives font partie de la liste des coupables incriminés dans la diminution des populations d'espèces d'eau douce (-76% entre 1970 et 2010). Dans les fonds marins de Mayotte et de Moorea en Polynésie française, l’acanthaster, une étoile de mer introduite se reproduisant très vite a ainsi mis à mal les récifs coralliens.   
Acanthaster / Moorea Polynésie française


Dix milliards de tonnes d'eaux de ballast 

Ballast
Chaque jour, les mers du globe sont brassées par les innombrables cargos qui pompent leurs eaux de ballast à Shanghaï ou au Havre, et les rejettent dans les ports, pour équilibrer le bateau au moment du chargement et déchargement du fret. Avec un transport maritime représentant près de 80% du commerce mondial, environ 10 milliards de tonnes d'eaux de ballast sont déplacées par an. Et avec elles, jusqu'à 7.000 espèces différentes par jour: larves et petits poissons, algues, crustacés, mais aussi virus et bactéries, selon le WWF.
 

Une convention qui se fait attendre

Dix ans après son adoption en 2004, la Convention internationale pour le contrôle et la gestion des eaux de ballast n'est toujours pas entrée en vigueur, faute de ratifications suffisantes. C'est pourtant en amont qu'il faut agir. "Une fois que l'espèce invasive est sur place, il n'y pas de moyen de s'en sortir", a expliqué à l'AFP Simon Walmsey, responsable des questions maritimes au WWF. "Elle entre en compétition avec les espèces indigènes, et souvent gagne. Le risque est alors énorme pour les écosystèmes, les pêcheries... comme l'est le coût environnemental, mais aussi socio-économique".
 

Canada, Australie et Nouvelle-Zélande  

Certains des pays les plus touchés,  comme les Etats-Unis, l'Australie, le Canada, la Nouvelle-Zélande, se sont dotés de réglementations nationales et poussent à la ratification la plus rapide possible de la Convention. Le texte prévoit notamment d'équiper les navires de systèmes de traitement des eaux (lampes à ultraviolets ou systèmes électrolytiques), avec un calendrier de mise à jour des équipements qui court jusqu'à 2016.

Un million d'euros pour mettre les navires en conformité 

La Convention entrera en vigueur un an après avoir été ratifiée par au moins 30 pays représentant 35% du tonnage brut de la flotte de commerce mondiale. Aujourd'hui, 40 pays, représentant 30,25% du total, l'ont ratifiée. Manquent toujours à l'appel le gros des principales flottes du monde: Panama, Grèce ou encore Chine. "Il y a certainement une pression des armateurs, c'est une Convention qui va coûter de l'argent", avance Damien Chevalier, chef du Bureau de la réglementation et du contrôle de la sécurité des navires en France. "Ca représente un surcoût important de l'ordre du million d'euros pour mettre en conformité les navires existants", estime-t-il.
 

"Encore une dizaine d'années"

Simon Wasley du WWF veut néanmoins rester optimiste. "Il y a un nombre réduit, mais constant, de pays avec des petites flottes qui ratifient. A ce rythme, le compte pourrait y être dans 2 ans", estime-t-il. Restera alors à équiper les navires. Et, selon M. Chevalier, vu les capacités des chantiers des équipementiers, "mettre en conformité toute la flotte prendra encore une dizaine d'années".