République dominicaine : des dizaines de milliers de personnes devenues "citoyens fantômes", selon Amnesty International

Le 25 juin 2015, des ouvriers de la canne d'origine haïtienne, qui ont travaillé toute leur vie en République dominicaine, marchent en direction de la Cour constitutionnelle pour faire valoir leur droit à demeurer dans le pays.
Dans un rapport publié le 19 novembre, l’organisation de défense des droits humains Amnesty International épingle durement la République dominicaine. Amnesty accuse ce pays de priver arbitrairement de nationalité des dizaines de milliers de personnes nées sur son sol de parents haïtiens.
Le rapport d’Amnesty, intitulé « Sans papiers, je ne suis personne : l’apatridie en République dominicaine », est un désaveu cinglant aux affirmations des autorités dominicaines, qui ont toujours soutenu que nul n’était privé de nationalité dans le pays. L'organisation américaine Human Rights Watch avait également dénoncé en juillet l'attitude du gouvernement dominicain.   
 
« D'un coup de crayon, les autorités dominicaines ont rayé de la carte quatre générations de Dominicains » a martelé Erika Guevara-Rosas, directrice du programme Amériques d’Amnesty International. « Les efforts entrepris par le gouvernement pour remédier à la situation des apatrides sont insuffisants. Prétendre que le problème n'existe pas ne le fera pas disparaître. »
 

"Labyrinthe juridique"

Le rapport détaille le « labyrinthe juridique » élaboré par le gouvernement dominicain depuis les années 90 pour restreindre et finalement priver par une décision de 2013 des milliers de personnes nées de parents haïtiens sur le sol dominicain. En septembre de cette année-là, la Cour constitutionnelle dominicaine avait statué que les enfants nés dans le pays à partir de 1929 de parents étrangers sans papiers n'ont pas droit à la nationalité dominicaine. De fait, cette décision a rendu la grande majorité d’entre eux apatrides, relève Amnesty.
 
Pour l’organisation de défense des droits humains, ce jugement de la Cour constitutionnelle est tout simplement discriminatoire. Par ailleurs, le rapport souligne que le programme de naturalisation mis en place dans la foulée pour atténuer les effets du jugement, et qui a expiré en février 2015, s’est avéré globalement, et volontairement, inefficace. « Le gouvernement a créé des procédures et des catégories de personnes d'une complexité telle qu'il est difficile de s'y retrouver. (…) Des centaines de personnes affirment n'avoir jamais reçu d'informations à ce sujet et n'avoir appris son existence qu'après son expiration », écrit Amnesty.
 

Problème d'apatridie

« Les Dominicains d’origine haïtienne doivent faire face à une série d’obstacles pour jouir pleinement de leurs droits humains à une nationalité, à être reconnu en tant que personne devant la loi et à une identité. Le déni de ces droits est de plus en plus incorporé dans la législation et la réglementation dominicaine, créant un réseau encore plus complexe de restrictions, enracinant et institutionnalisant des comportements et pratiques discriminatoires » poursuit le rapport.
 
Amnesty explique que sans accès automatique à la nationalité haïtienne, un grand nombre de personnes nées en République dominicaine de parents haïtiens finissent par se retrouver apatrides. En conséquence, l’organisation demande aux autorités dominicaines de reconnaître ce problème d’apatridie, et, entre autres recommandations, de « mettre en place une procédure simple et accessible, sans limite de temps, permettant d'accorder la nationalité dominicaine à tous ceux qui en sont privés depuis le jugement rendu en 2013 ». 

Lire la totalité du rapport d'Amnesty International ici 

Rapport Amnesty République dominicaine, novembre 2015