En ce début 2016, La1ere.fr a proposé à six écrivains antillais de formuler leurs souhaits et leurs réflexions sur l'année écoulée. Ils nous ont répondu. Voici leurs paroles en toute liberté : Mérine Céco, Raphaël Confiant, Gerty Dambury, Suzanne Dracius, Dominique Lancastre et Ernest Pépin.
Au premier janvier 2016, nous avons contacté les écrivains en ces termes. « Comme d'habitude, nous avons beaucoup entendu les traditionnels voeux des politiques, qui n’ont pas grand chose à dire. Et dans tout ce fatras audiovisuel, pas une parole d’écrivain(e). Aussi je vous propose de présenter vos vœux, vos souhaits, pour 2016, qui seront publiés sur notre site. Votre parole est libre. Un paragraphe, 1000 signes, soit environ 160 mots. » Voici leurs réponses.
« Ce 2015, annum horribilem, on l’a écrasé, pilé, comme on dit en créole, en dansant à qui mieux mieux jusqu’au bout du petit matin, en l’arrosant de 2016 bulles de bonheur, pour que l’An Neuf exauce nos vœux. Alors, entrons dans 2016 d’un bon pied, en poésie créatrice et émancipatrice, en illuminations triomphant de l'obscurantisme ! À l'orée de cette nouvelle année, me parviennent des photos souvenirs d'une soirée parisienne : à la Sorbonne, la remise du Prix Césaire, dont j'étais présidente du jury, avec l'Association des étudiants africains de la Sorbonne, l’ADÉAS. Habeas corpus et courage, ô Paris ! Vive l'intensité de ta vie culturelle, littéraire et artistique ouverte au monde, à tout moun, au Tout-Monde, dans la liberté d’expression et la liberté tout court ! Fluctuat nec mergitur ! Sursum corda, haut les cœurs ! D’une fête à l’autre, le Carnaval a commencé aux Antilles, en exutoire… Puisse continuer à s’épandre tous azimuts l’esprit de Noël, fors toute hypocrisie, faisant fi des fanatismes, dans le respect des diversités ! »
« A demain de nous regarder bien en face
Comme des hommes et des femmes de bonne volonté
Pour tous j'ai choisi de réinventer la vie
et de partager la belle amour humaine
Nous flotterons sur l'année 2016
Avec nos paniers d'îles insubmersibles
Et nous forgerons la clé du beau temps
BONNE ANNÉE à tous ! »
« Les années se suivent mais se ressemblent-elles ?
Non... si nous croyons que nous pouvons changer les choses et créer autour de nous un monde empreint de plus de lumière et de douceur. Si chacun de nous se retient de commettre le geste qui fait mal et accepte de prononcer volontiers le mot qui réconforte et encourage, alors oui, nos bons voeux et nos bonnes résolutions pour 2016 ne seront pas vains. Alors, en cette nouvelle année, faisons, au quotidien et sans prétention, ces petits gestes de partage, anodins mais si terriblement puissants, car ce ne sont jamais que les minuscules grains de sable, invisibles, qui font masse et créent l'immensité de la dune, si visible.
Et quand nous oublierons la force tranquille de ce petit geste, par amertume ou déception, quand nous croirons que toutes les années se ressemblent et que rien ne changera, ni en 2016, ni jamais, alors pensons aux étoiles qui continuent de briller, même quand le temps paraît s'arrêter, que la lune se cache et que tout semble perdu. Nous sommes les étoiles de 2016 : devenons qui nous sommes tout simplement ! Des êtres doués pour la joie de vivre et de partager, et qui, en toute humilité, savent recevoir des autres la petite étincelle du bonheur fraternel.
Bel épi dous lanné 2016 ! An bel lanné épi zétwal nou kay fè nou mèm kléré ! »
« Les années se suivent mais ne se ressemblent pas. Ce fut indéniablement le cas pour 2015 qui nous réserva des surprises à tous les niveaux et particulièrement en politique où nous assistons à une véritable volte-face et au rejet de personnalités considérées comme des mammouths. Je ne peux qu’espérer que les nouvelles équipes en place impulsent du dynamisme à notre jeunesse à la dérive en réveillant les consciences. Un bon programme politique est un programme qui met l’accent sur sa jeunesse en lui permettant d’accéder à un niveau de vie social honorable auquel aspire tout jeune dans une société normale.
Les Antilles sont par ailleurs aux premières loges pour le réchauffement climatique, un réchauffement qui d’année en année implique des conditions météorologiques désastreuses pour notre population. Il est impératif que nos politiques prennent des décisions urgentes en la matière. Il est temps de réveiller l’inconscience collective entretenue et voulue par un système corrompu dont certains ont profité en toute impunité. Que l’année 2016 nous sorte de cette obscurité et de cette léthargie qui durent depuis trop longtemps ! Bonne année à tous et à toutes et vous jeunesses des Antilles n’oubliez pas que vous êtes l’avenir du pays. Soyez fiers et dignes de ce que vous êtes et pour reprendre Nelson Mandela "soyez le capitaine de votre âme, soyez le capitaine de votre bateau". »
« Que la justice française fasse son travail en Outre-mer et singulièrement en Martinique où la corruption a régné en maître ces dernières années ! Les voyous en col blanc qui ont pompé 10 millions d'euros dans les caisses de notre université, ont, en effet, un sentiment d'impunité qui scandalise les citoyens honnêtes, ce qui explique en partie le vote de décembre dernier pour la Collectivité territoriale de Martinique. Que ceux qui ont combattu ces dérives se tiennent prêts à affronter de nouvelles batailles et ne baissent jamais les bras ! 2016 nous donnera raison d'avoir résisté à l'ignominie. »
« Nouvel an ? Quoi de nouveau dans ce défilement d’heures qui n’a pas même changé la couleur du ciel entre minuit moins une et minuit une ? Quelle est cette croyance à laquelle nous consacrons tous, même les laïques, les athées, les agnostiques, les furieusement libres ? Cette religion de la boustifaille et des cadeaux ?
Que c’est difficile et long, et fastidieux, de se creuser les méninges pour trouver un vœu, ah, non ! Un ne suffit pas, il en faut au moins trois car nous ne nous contentons plus du peu… Alors ? Amour… Non, Santé, la santé avant tout « et le reste suivra… ». Mais Amour tout de même… Oui, il faut bien cela. N’est-ce pas le Graal après lequel il convient de courir ? Bon, déjà deux de gagnés : « santé et amour », cela seul devrait concourir au bonheur, mais il convient tout de même d’ajouter « Bonheur »… Alors, celui-là, il a été petit bonheur au fond d’une poche dans une chanson célèbre, puis il s’est multiplié, désormais souhaité au pluriel… « Bonheurs ». Petits, ils sont la marque d’un contentement de ce qui advient, on les accueille comme ils arrivent. Grands — non graannds ! — ils sont la preuve d’un déploiement du désir, de rêves immenses, parfois trop…
Mais ce n’est pas terminé, il manque un souhait qui souvent s’accompagne d’une pensée pour la descendance et les proches de celui à qui l’on s’adresse : Succès, autrement appelé réussite, quoique… pas tout à fait identiques… « Succès dans tes entreprises » « Réussite pour les enfants »… Ce vœu est toujours très bien accueilli. Normal. Mais tous les vœux sont bien accueillis pour l’année nouvelle qui n’en est pas une, puisque le jour n’a pas changé, qu’on tourne toujours dans le même sens et que, ma foi, dans quelques heures, on enverra joyeusement promener le ou la collègue qui a été l’objet de toutes ces petites attentions aux premières heures de bureau. « Oh, bonne année, tout le monde ! Bonne santé » et tout le reste, je ne vais pas recommencer…
Alors, si j’avais des vœux à formuler, je prononcerais ceux dont je rêve chaque jour. D’abord, je souhaite pour 2016 que la peur du lendemain ne soit plus qu’un souvenir. Ça implique que nous travaillions tous à sécuriser les lendemains de tous ceux qui nous entourent. Je souhaite que la passivité et l’indifférence soient déchus de… Ah, ne commençons pas l’année en reprenant les faux débats… Je souhaite que les promesses cessent d’être creuses et que, nous, sachant à quel point elles sonnent creux, ces promesses, nous les débusquions et les renvoyions à la figure de ceux qui osent encore nous prendre pour des gogos.
Je souhaite que l’insolence soit célébrée car sans l’insolence qui a poussé de tous petits hommes à se tenir debout devant plus forts et plus affûtés qu’eux, l’humanité n’aurait pas survécu. Pour 2016, de l’insolence en toutes choses ! »
« Entrons dans 2016 d’un bon pied, en poésie créatrice et émancipatrice »
Suzanne Dracius (Martinique). Dernier ouvrage paru : « Déictique féminitude insulaire », éditions Idem, 2014.« Ce 2015, annum horribilem, on l’a écrasé, pilé, comme on dit en créole, en dansant à qui mieux mieux jusqu’au bout du petit matin, en l’arrosant de 2016 bulles de bonheur, pour que l’An Neuf exauce nos vœux. Alors, entrons dans 2016 d’un bon pied, en poésie créatrice et émancipatrice, en illuminations triomphant de l'obscurantisme ! À l'orée de cette nouvelle année, me parviennent des photos souvenirs d'une soirée parisienne : à la Sorbonne, la remise du Prix Césaire, dont j'étais présidente du jury, avec l'Association des étudiants africains de la Sorbonne, l’ADÉAS. Habeas corpus et courage, ô Paris ! Vive l'intensité de ta vie culturelle, littéraire et artistique ouverte au monde, à tout moun, au Tout-Monde, dans la liberté d’expression et la liberté tout court ! Fluctuat nec mergitur ! Sursum corda, haut les cœurs ! D’une fête à l’autre, le Carnaval a commencé aux Antilles, en exutoire… Puisse continuer à s’épandre tous azimuts l’esprit de Noël, fors toute hypocrisie, faisant fi des fanatismes, dans le respect des diversités ! »
« Nous forgerons la clé du beau temps »
Ernest Pépin (Guadeloupe). Dernier livre paru : « Le Griot de la peinture », Caraïbéditions, 2014.« A demain de nous regarder bien en face
Comme des hommes et des femmes de bonne volonté
Pour tous j'ai choisi de réinventer la vie
et de partager la belle amour humaine
Nous flotterons sur l'année 2016
Avec nos paniers d'îles insubmersibles
Et nous forgerons la clé du beau temps
BONNE ANNÉE à tous ! »
« Devenons qui nous sommes tout simplement ! »
Mérine Céco (Martinique). Dernier livre paru : « La Mazurka perdue des femmes-couresse », éditions Ecriture, 2013.« Les années se suivent mais se ressemblent-elles ?
Non... si nous croyons que nous pouvons changer les choses et créer autour de nous un monde empreint de plus de lumière et de douceur. Si chacun de nous se retient de commettre le geste qui fait mal et accepte de prononcer volontiers le mot qui réconforte et encourage, alors oui, nos bons voeux et nos bonnes résolutions pour 2016 ne seront pas vains. Alors, en cette nouvelle année, faisons, au quotidien et sans prétention, ces petits gestes de partage, anodins mais si terriblement puissants, car ce ne sont jamais que les minuscules grains de sable, invisibles, qui font masse et créent l'immensité de la dune, si visible.
Et quand nous oublierons la force tranquille de ce petit geste, par amertume ou déception, quand nous croirons que toutes les années se ressemblent et que rien ne changera, ni en 2016, ni jamais, alors pensons aux étoiles qui continuent de briller, même quand le temps paraît s'arrêter, que la lune se cache et que tout semble perdu. Nous sommes les étoiles de 2016 : devenons qui nous sommes tout simplement ! Des êtres doués pour la joie de vivre et de partager, et qui, en toute humilité, savent recevoir des autres la petite étincelle du bonheur fraternel.
Bel épi dous lanné 2016 ! An bel lanné épi zétwal nou kay fè nou mèm kléré ! »
« Il est temps de réveiller l’inconscience collective »
Dominique Lancastre (Guadeloupe). Dernier ouvrage paru : « Retour à la Grivelière », éditions Fortuna, 2014.« Les années se suivent mais ne se ressemblent pas. Ce fut indéniablement le cas pour 2015 qui nous réserva des surprises à tous les niveaux et particulièrement en politique où nous assistons à une véritable volte-face et au rejet de personnalités considérées comme des mammouths. Je ne peux qu’espérer que les nouvelles équipes en place impulsent du dynamisme à notre jeunesse à la dérive en réveillant les consciences. Un bon programme politique est un programme qui met l’accent sur sa jeunesse en lui permettant d’accéder à un niveau de vie social honorable auquel aspire tout jeune dans une société normale.
Les Antilles sont par ailleurs aux premières loges pour le réchauffement climatique, un réchauffement qui d’année en année implique des conditions météorologiques désastreuses pour notre population. Il est impératif que nos politiques prennent des décisions urgentes en la matière. Il est temps de réveiller l’inconscience collective entretenue et voulue par un système corrompu dont certains ont profité en toute impunité. Que l’année 2016 nous sorte de cette obscurité et de cette léthargie qui durent depuis trop longtemps ! Bonne année à tous et à toutes et vous jeunesses des Antilles n’oubliez pas que vous êtes l’avenir du pays. Soyez fiers et dignes de ce que vous êtes et pour reprendre Nelson Mandela "soyez le capitaine de votre âme, soyez le capitaine de votre bateau". »
« Que la justice française fasse son travail en Outre-mer »
Raphaël Confiant (Martinique). Dernier livre paru : « Madame St-Clair, reine de Harlem », éditions Mercure de France, 2015.« Que la justice française fasse son travail en Outre-mer et singulièrement en Martinique où la corruption a régné en maître ces dernières années ! Les voyous en col blanc qui ont pompé 10 millions d'euros dans les caisses de notre université, ont, en effet, un sentiment d'impunité qui scandalise les citoyens honnêtes, ce qui explique en partie le vote de décembre dernier pour la Collectivité territoriale de Martinique. Que ceux qui ont combattu ces dérives se tiennent prêts à affronter de nouvelles batailles et ne baissent jamais les bras ! 2016 nous donnera raison d'avoir résisté à l'ignominie. »
« Pour 2016, de l’insolence en toutes choses ! »
Gerty Dambury (Guadeloupe). Dernier livre paru : « La Sérénade à Poinsettia », Les éditions du Manguier, 2015.« Nouvel an ? Quoi de nouveau dans ce défilement d’heures qui n’a pas même changé la couleur du ciel entre minuit moins une et minuit une ? Quelle est cette croyance à laquelle nous consacrons tous, même les laïques, les athées, les agnostiques, les furieusement libres ? Cette religion de la boustifaille et des cadeaux ?
Que c’est difficile et long, et fastidieux, de se creuser les méninges pour trouver un vœu, ah, non ! Un ne suffit pas, il en faut au moins trois car nous ne nous contentons plus du peu… Alors ? Amour… Non, Santé, la santé avant tout « et le reste suivra… ». Mais Amour tout de même… Oui, il faut bien cela. N’est-ce pas le Graal après lequel il convient de courir ? Bon, déjà deux de gagnés : « santé et amour », cela seul devrait concourir au bonheur, mais il convient tout de même d’ajouter « Bonheur »… Alors, celui-là, il a été petit bonheur au fond d’une poche dans une chanson célèbre, puis il s’est multiplié, désormais souhaité au pluriel… « Bonheurs ». Petits, ils sont la marque d’un contentement de ce qui advient, on les accueille comme ils arrivent. Grands — non graannds ! — ils sont la preuve d’un déploiement du désir, de rêves immenses, parfois trop…
Mais ce n’est pas terminé, il manque un souhait qui souvent s’accompagne d’une pensée pour la descendance et les proches de celui à qui l’on s’adresse : Succès, autrement appelé réussite, quoique… pas tout à fait identiques… « Succès dans tes entreprises » « Réussite pour les enfants »… Ce vœu est toujours très bien accueilli. Normal. Mais tous les vœux sont bien accueillis pour l’année nouvelle qui n’en est pas une, puisque le jour n’a pas changé, qu’on tourne toujours dans le même sens et que, ma foi, dans quelques heures, on enverra joyeusement promener le ou la collègue qui a été l’objet de toutes ces petites attentions aux premières heures de bureau. « Oh, bonne année, tout le monde ! Bonne santé » et tout le reste, je ne vais pas recommencer…
Alors, si j’avais des vœux à formuler, je prononcerais ceux dont je rêve chaque jour. D’abord, je souhaite pour 2016 que la peur du lendemain ne soit plus qu’un souvenir. Ça implique que nous travaillions tous à sécuriser les lendemains de tous ceux qui nous entourent. Je souhaite que la passivité et l’indifférence soient déchus de… Ah, ne commençons pas l’année en reprenant les faux débats… Je souhaite que les promesses cessent d’être creuses et que, nous, sachant à quel point elles sonnent creux, ces promesses, nous les débusquions et les renvoyions à la figure de ceux qui osent encore nous prendre pour des gogos.
Je souhaite que l’insolence soit célébrée car sans l’insolence qui a poussé de tous petits hommes à se tenir debout devant plus forts et plus affûtés qu’eux, l’humanité n’aurait pas survécu. Pour 2016, de l’insolence en toutes choses ! »