De l'autre côté du Covid : la productrice guadeloupéenne Laurence Lascary toujours sur le pont

Laurence Lascary, à la tête de la société de production DACP
La productrice guadeloupéenne Laurence Lascary n’a pas trop souffert de la crise sanitaire. Alors que le déconfinement entame sa deuxième phase, elle nous fait part des projets de sa société de production De l’Autre Côté du Périph et de son association Dans Mon Hall.
"Je ne sais pas de quoi l’avenir sera fait, mais c’est sûr il va y avoir des zones de turbulence à traverser." Laurence Lascary ne panique pas pour autant. La productrice guadeloupéenne née à Bondy (93) s’estime même chanceuse : certes, l’activité de sa société de production De l'Autre Côté du Périph (DACP) n’a pas encore réellement repris, mais “contrairement à d’autres producteurs", elle n’avait pas de tournage en cours qui auraient pu être interrompus par le confinement. Une chance : "ça, c’est très violent, ça peut virer à l’accident industriel. Pour une petite boite comme la mienne, une interruption de tournage aurait été très difficile à gérer." 
 

En 2017, "L'Ascension" 

Laurence Lascary a notamment fait parler d’elle en 2017 pour le film "L’Ascension" avec Ahmed Sylla ou l’histoire d’un jeune homme des cités qui, par amour, se lance un défi : gravir l’Everest. Le film s’inspire d' "Un tocard sur le toit du monde", récit autobiographique de Nadir Dendoune, aussi originaire du 93.
Au cinéma, le film dépassera le millon d’entrées : pas mal pour DACP, la société de production fondée par Laurence Lascary en 2008. Être partie prenante de ce projet a évidemment aidé la société à “grandir”.

Cela m’a permis de me faire connaître et de m’imposer en tant que productrice. "L’Ascension", c’est un film à plus de 5 millions (d'euros ndlr), ça marque les esprits.
- Laurence Lascary, productrice


Femme d'entreprise face à la crise

Pour cette cheffe d’entreprise qui aura 40 ans dans quelques jours, le confinement a été, comme elle le dit elle-même, une sorte de "révélation" : " j’ai réalisé qu’on pouvait aussi réussir à fonctionner à distance avec les nouvelles technologies, ça m’a poussé à réfléchir à d’autres voies."

Sa société DACP fait travailler trois salariés (deux en CDI et une apprentie) et deux stagiaires. Alors, vu le contexte, la Guadeloupéenne s'est évidemment posé des questions de "structure", elle se demande "comment s’adapter à la récession", etc. Mais elle avoue "ne pas avoir encore les réponses." La crise sanitaire a généré, il est vrai, une grande incertitude.
 

Le confinement, un impact limité

Cela dit, Laurence Lascary l'admet volontiers : "il y a encore de l'espoir". Pendant ces derniers mois, "j'ai plus ressenti de l’angoisse qu’autre chose. Finalement, le confinement a juste retardé des projets en développement."  La productrice se veut optimiste : 

Soit on se tétanise, soit on va de l’avant, moi, j’ai décidé d’aller de l’avant.


La conséquence directe du confinement est donc le report des tournages prévus au second semestre, à l'image du prochain documentaire de Rokhaya Diallo, "La parisienne démystifiée", bientôt rebaptisé "La parisienne, mode d'emploi". Le tournage initialement prévu en mai a été reporté au mois de juillet.

Normalement, la crise n’aura pas trop d’incidences sur sa réalisation, mais il y a quand même une incertitude : “est-ce qu’on va avoir la matière pour le faire, c’est-à dire assister à des événements, des tournages, des défilés de mode?” Sinon, comme Rokhaya Diallo réalise un documentaire, "ce sera une équipe légère, donc pas de problème de ce côté-là". Mais Laurence précise, incrédule : "Après sur les images, je préférerais qu’il y ait des gens sans masque qu’avec masque..."
 

L’après-covid, work in progress

"Sur les fictions en revanche, je ne vais pas reprendre tout de suite, souligne Laurence Lascary, c’est insécurisant pour un producteur cette période, il doit gérer beaucoup de choses. J’envisage de patienter un petit peu. J'espère qu’au printemps de l’année prochaine, les choses seront rentrées dans l’ordre." Parmi les projets en cours, il y en a un pour lequel le confinement a eu du bon : il s'agit du long métrage Sound System, en phase d’écriture. Le film, réalisé par Sébastien Tulard, parlera du retour sur la scène musicale underground d’un DJ rentré dans le rang.

affiche du film "Sound System", en phase d'écriture.


En effet, la période du confinement “a donné de la disponibiltié aux auteurs”. C’est ainsi qu’une nouvelle scénariste est entrée dans la boucle pour ce film. Le projet n’en est qu’à ses prémices mais la productrice a déjà quelques idées concernant le casting : “On aimerait que Stéfi Celma fasse partie de l’aventure, elle est déjà au courant. Il y a aussi Fabrice Eboué qui nous fait bien rire.” Pour Laurence, "l'ambition du film est de mettre en avant  la musique reggae et le dancehall, toute cette culture du Sound System au cinéma ."

Autre projet en cours : un film sur l’histoire de Yazid Ichemrahen, ce jeune pâtissier qui a grandi dans les foyers et vécu dans la rue avant de remporter, en 2014, le prestigieux Championnat du Monde des Desserts Glacés. Le tournage d’"Un rêve étoilé", réalisé par Cédric Ido, est prévu pour l’année prochaine.
 

En août, la Guadeloupe

Laurence Lascary n'a en revanche pas prévu de pause dans son action associative : “avec Dans Mon Hall, on a hâte de reprendre", confie-t-elle.  Dans Mon Hall, c'est une association qui mène des projets artistiques à vocation sociale. Laurence en est la présidente. Le but : "offrir un peu de rêve à des familles qui ne partent pas en vacances", dans différentes villes, différents quartiers, en organisant des tournages de courts-métrages avec l’aide des associations locales. Et la prochaine destination est déjà planifiée: c'est la Guadeloupe. "On espère retourner aux Abymes en août pour deux semaines de projet", nous raconte Laurence ( le tournage en lui-même durera 2 jours, ndlr).
Photo du tournage du court-métrage "La Reine de l'Evasion " à Petit Canal en Guadeloupe en 2018
Comme un retour aux sources pour la Francilienne d'origine guadeloupéenne : le début de l'aventure Dans Mon Hall remonte à 2013 et le premier court-métrage avait justement été réalisé là-bas, en Guadeloupe. Depuis, l’association a sillonné l’Hexagone et est même passée par la Guyane.
Si certains courts-métrages peuvent prétendre à des prix en festival, ce n’est toutefois pas le but premier de l'association : "ce qui compte pour nous, c’est l’aventure avec les habitants. Ces projets peuvent créer des vocations chez les jeunes et c’est positif pour la vie de quartier."

Après la Guadeloupe, l'association Dans Mon Hall est déjà attendue à La Courneuve, au Kremlin-Bicêtre ainsi qu'à Marseille. Finalement, un planning de déconfinement bien chargé !