Avec Nèg Maron, plongée dans le "ghetto antillais" (série d'été : le cinéma des Outre-mer 2/3)

L'affiche du film.
Le film de Jean-Claude Flamand Barny explore une jeunesse antillaise exclue de la société moderne de manière crue et réaliste. À (re)voir.
Depuis le début des années 2000, la Guadeloupe a été le théâtre de quelques rares tournages. Pour la plupart des films d’actions ou des comédies. Pour la quasi-majorité d’entre-eux des fiascos aussi. On pense notamment à  Speed 2 : Cap sur le danger ou à Antilles sur Seine, avec Pascal Légitimus.
 
Mais dans le lot, Nèg Maron, l’œuvre de Jean-Claude Flamand Barny, mérite que l’on appuie sur le bouton pause. Pour prendre le poul d'une époque. 
 
Sorti en 2005, ce film qui raconte les aventures de deux amis d’enfance à la dérive dans les rues de Pointe-à-Pitre a été plutôt bien reçu par les critiques à l’époque de sa sortie. Les revues spécialisées comme les mass média saluent « un documentaire qui laisse volontiers place à la fiction », comme l’écrit alors le site Africultures.com.
 
C’est que l’histoire où l’on suit Josua et Silex, deux amis d’enfance désœuvrés, exclus modernes aux familles explosées, est une plongée crue dans une jeunesse antillaise à l'écart de la société et de ses codes. Pour Africultures.com, c’est même "une plongée dans le ghetto antillais". Si le scénario est plutôt convenu, Nèg Maron expose au spectateur le contraste de la vitalité débordante des Antilles et la face sombre d’une pauvreté bien présente.

Par son aspect sociétal, le film de Jean-Claude Flamand Barny a même fait l’objet d’une étude de Patricia Donatien-Yssa, spécialiste de littérature et de l’art caribéens et maître de conférence à l’Université des Antilles et de la Guyane.
 
"La Guadeloupe qui est dépeinte dans Nèg Maron prend souvent des allures caricaturales : rixes dans la rue, foule surexcitée, bagarres enflammées ; et la population semble en parfaite contradiction avec des paysages souvent trop idylliques", théorise t-elle. 
 
Mais pour Patricia Donatien-Yssa, "les jeunes délinquants dépeints dans Nèg Maron ne sont pas des jeunes de banlieue. Dans leur Guadeloupe natale, ce n’est ni la discrimination, ni la perte d’identité qui les a détourné d’un devenir lumineux (…) Le crime est approché de manière la plus objective possible en essayant d’établir les corrélations éventuelles entre la délinquance et les stigmates de la société coloniale : la dislocation, le déséquilibre, le chômage."
 
Tourné en créole, Nèg Maron est doublé en français. On y découvre ainsi de nombreuses expressions de la jeunesse guadeloupéenne. Comme la "drive", mot créole qui signifie errance, vagabondage. Un terme qui résume à lui seul la dérive sociale de Josua et Silex dans Nèg Maron.