Avenir de la Nouvelle-Calédonie : à Paris, les franges modérées des indépendantistes et des non-indépendantistes prônent la "voie médiane"

Philippe Gomès (Calédonie ensemble) et Jean-Pierre Djaïwé (UNI-Palika).
Si certains mouvements politiques calédoniens se montrent intransigeants sur leurs revendications, rendant les discussions compliquées, les représentants de l'UNI-Palika et de Calédonie ensemble appellent à trouver un compromis.

Souveraineté pleine et entière pour les uns. Autonomie des provinces au sein de la République pour les autres. Après plus d'une semaine de rencontres bilatérales avec le ministre des Outre-mer Manuel Valls, les partis les plus radicaux des indépendantistes et des non-indépendantistes calédoniens n'ont pas adouci leurs revendications. Entre ces deux camps, d'autres acteurs tentent de faire entendre leurs voix. La voix de la conciliation. La voix du compromis. La possible voix vers la paix et un accord global sur l'avenir de la Nouvelle-Calédonie. 

Mercredi 12 février, Manuel Valls, à la manœuvre sur ce dossier, recevait, pour la deuxième fois en une semaine, les représentants de l'UNI-Palika au ministère des Outre-mer. Cette formation indépendantiste, à la tête de la province Nord, fut pendant longtemps une composante du Front de libération nationale kanak et socialiste (FLNKS). Mais le parti a suspendu sa participation au Front depuis la montée en puissance de l'Union calédonienne et de la CCAT, qui dominent le groupe.

Contrairement au FLNKS qui revendique un accès à la "souveraineté pleine et entière" de la Nouvelle-Calédonie, l'UNI-Palika prône le dialogue avec les non-indépendantistes et défend un modèle de souveraineté partagée avec la France. "Il faut qu'on arrive à trouver une voie entre ceux qui veulent l'option de l'indépendance et l'option du maintien dans la République", résume Jean-Pierre Djaïwé, porte-parole du Parti de libération kanak (Palika).

Cette invitation du ministre était très attendue parce que la situation au pays est difficile, nos populations vivent des moments difficiles... Il est important de trouver une solution, de parvenir à une solution négociée.

Jean-Pierre Djaïwé, porte-parole du Palika

La méthode Valls saluée

Or, la radicalisation des opinions politiques, qui s'est accentuée depuis les émeutes du 13 mai 2024, amenuise les chances d'un accord global entre l'ensemble des forces politiques calédoniennes.

Dans le camp indépendantiste, l'UNI-Palika se montre ouverte au dialogue. Pas l'Union calédonienne, qui ne désire parler qu'avec l'État. Dans le camp non-indépendantiste, les Loyalistes et le Rassemblement-Les Républicains veulent acter les désaccords politiques et sont peu enclins au compromis. Le parti de droite modérée, Calédonie ensemble, est bien seul à tenter de chercher une solution.

Son fondateur, Philippe Gomès, était à Paris pour porter cette "voie médiane". "Il faut à la fois répondre aux attentes des indépendantistes (...) et en même temps donner aux non-indépendantistes (...) des éléments qui leur garantissent la protection de la France", expose-t-il.

Les manifestants des Loyalistes et du Rassemblement et de la Cellule de coordination des actions de terrain, mobilisés à Nouméa ce samedi 13 avril 2024.

Que ce soit l'UNI-Palika ou Calédonie ensemble, mais aussi le parti Éveil océanien, les franges modérées des mouvements calédoniens se disent satisfaites des échanges avec Manuel Valls, un ministre "à l'écoute", qui a "la volonté de parvenir à un résultat" sans détricoter les acquis des accords de Matignon (1988) et de Nouméa (1998).

"Sa méthode est empreinte de modestie (...). Il travaille de manière souterraine, de manière progressive, avec beaucoup d'écoute", salue Philippe Gomès. "L'État est d'accord pour aller de l'avant", applaudit Jean-Pierre Djaïwé.

"On va mourir ensemble"

Et maintenant ? Les discussions à Paris ont permis à chacun d'exposer sa vision sur la Nouvelle-Calédonie et son avenir. Manuel Valls doit se rendre sur le Caillou le 22 février pour une semaine afin de faire avancer le dossier. "La seconde séquence doit être une séquence où, une fois les projets exposés, les formations doivent essayer de les conjuguer", dit Philippe Gomès.

Un compromis est-il possible ? Même les modérés en doutent. Le fondateur de Calédonie ensemble parle de "Graal inaccessible" pour évoquer un accord. L'UNI-Palika estime que les positions des uns et des autres sont "diamétralement opposées". L'affaire est compliquée.

Pourtant, il y a urgence. Il faut sortir la Nouvelle-Calédonie de la crise. Le gouvernement s'est fixé jusqu'au 31 mars pour trouver un accord. En cas d'échec, la suite est incertaine. D'autant que les élections provinciales devront obligatoirement se tenir avant la fin du mois de novembre. "Si on ne va pas les uns vers les autres, on va mourir ensemble", prédit avec gravité Philippe Gomès.