Son nom n’est pas forcément connu du grand public. Pourtant Célia Wa appartient à cette jeune et remuante génération d’artistes antillais qui réussit à imposer sa musique sur la scène parisienne. C’est ainsi qu’en octobre dernier, elle se produisait au théâtre du Châtelet au sein du projet Expéka (un hymne au gwo-ka), avec Casey, Sonny Troupé, et Stéphane Castry notamment pour dérouler les multiples déclinaisons de cette musique née dans les Caraïbes. Ces jours-ci, c’est un autre projet qui l’accapare : son tout premier album Fasadé (faire face en créole) composé entre Marseille où elle retrouvait David Walters pour la composition et les arrangements, l’Hexagone, et la Guadeloupe pour l’inspiration. "À la différence des EP que j’ai réalisés jusqu’à présent, je l’ai pensé de façon globale. Je choisis une émotion puis je passe à un rythme. J’ai voulu équilibrer les choses pour que ce soit un beau voyage."
Les 9 titres constituent une plongée dans son univers musical que Célia a fini par conceptualiser car, souvent, on lui demandait : c’est quoi ton style de musique ? "On me classait dans le jazz, dans la soul, et en réfléchissant, j’ai créé le concept de Karibfutursound." En fait, un néologisme qui raconte ses influences multiples. Le jazz, la soul, le reggae, le hip-hop. Et bien sûr le gwo-ka. "Ce sont des musiques qui ont la même racine. C’est pour ça que c’est assez facile de les combiner. Chez nous, il est difficile d’échapper à ces mélanges forcés. Quand je compose, c’est juste naturel pour moi d’emprunter à toutes ces références musicales."
Sa formation musicale y est aussi pour beaucoup. On le sait dans les Outre-mer, il n’y a pas de conservatoire de musique. En revanche, en Guadeloupe, il y a la célèbre école Marcel Lollia créée par Feu Georges Troupé, le père du batteur et percussionniste Sonny Troupé, d’où est sorti aussi Arnaud Dolmen, "mon frère de son." "Il fallait que l’on sache jouer du tambour, chanter, ensuite seulement, on pouvait jouer d’un autre instrument", se souvient Célia. Elle a embrayé sur la flûte traversière, faute de place dans la classe de piano. "L’esthétique et le son m’ont plu tout de suite. Ce qui était cool est que j’ai pu jouer des morceaux très rapidement. J’avais dix ans. Cela m’a motivé pour continuer."
"L'apprentissage du gwo-ka m'a beaucoup apporté côté rythmique et improvisation"
La Guadeloupéenne garde un excellent souvenir de cet apprentissage. "Dans l’Hexagone, on n’accorde pas la même importance au rythme comme chez nous ou comme au Brésil. Ça nous donne pourtant une base solide et l’on peut aller vers d’autres styles de musique. Par la suite, j’ai fait une école de jazz à Paris. Le gwo-ka m’a beaucoup aidé, en termes de rythme et d’improvisation." Et même si l'on ne l'entend pas formellement, le rythme du tambour est toujours à l'origine de ses créations.
Le 6 février, l’artiste se produira dans le cadre du festival Au fil des Voix, au 360 à Paris. Elle, l’introvertie, n’hésitera pas à se dévoiler. Sur ce premier album (déjà présenté en Guadeloupe), elle parle de son fils, de ses émotions et des problématiques qui "influencent nos vies personnelles", allusion à l’aliénation et à la colonisation. Mais rassurez-vous, elle fera preuve aussi de beaucoup de légèreté sur scène : Célia n’oublie pas que c’est grâce à la danse qu’elle a obtenu son premier cachet d’artiste.