Censure du gouvernement : après deux mois au ministère des Outre-mer, quel est le bilan de François-Noël Buffet ?

François-Noël Buffet en visite en Nouvelle-Calédonie.
François-Noël Buffet sera resté à peine 11 semaines en poste au ministère des Outre-mer, non pas éjecté à l'issue d'un énième remaniement mais après l'adoption ce mercredi 4 décembre d'une des deux motions de censure à l'encontre du gouvernement Barnier. Que peut-on retenir de son passage express ?

À la suite de la motion de censure votée ce mercredi par l'Assemblée nationale, Michel Barnier a présenté la démission de son gouvernement ce jeudi matin à Emmanuel Macron qui doit, lui, s'exprimer ce soir à la télévision.

Parmi les membres démissionnaires, François-Noël Buffet, chargé des Outre-mer. Dans un communiqué envoyé ce jeudi en fin de journée, il a souhaité "personnellement remercier Michel Barnier pour la confiance qu'il [lui] a accordée" pendant ces presque trois mois de fonction.

Nommé le 21 septembre dernier au ministère des Outre-mer, il était un peu connu des politiques ultramarins et notamment des Calédoniens : président de la commission des lois du Sénat depuis 2020, ce sénateur LR du Rhône avait notamment dirigé une mission d'information de la Chambre haute consacrée à la question calédonienne.

C'est en Nouvelle-Calédonie que le nouveau locataire de la rue Oudinot avait fait son premier déplacement du 16 au 18 octobre 2024, pour se rendre compte de la situation cinq mois après le début des émeutes qui ont meurtri le Caillou.

À l'issue de cette visite marathon, François-Noël Buffet avait botté en touche sur la question du corps électoral, prônant "le retour au dialogue" : "Vous dire maintenant ce qu'il en sera ? Non, je ne peux pas. Ce n'est pas comme ça que nous voulons fonctionner." Il avait néanmoins fait des annonces d'ordre financier :

  • la prolongation du chômage partiel jusqu'en décembre ;
  • la prise en charge à 100 % par l'État de la reconstruction des écoles ;
  • 500 millions d'euros de garantie de l'État sur le prêt demandé à l'agence française de développement (AFD), une somme rehaussée ensuite à 770 millions puis un milliard sous réserve que le budget 2025 soit adopté ;
  • dans un second temps, la création d'une enveloppe de 80 millions d'euros pour financer la reconstruction des bâtiments publics.

"Pas le luxe d'attendre"

Le monde économique avait été déçu de ses déclarations. "Les annonces sans l’argent, malheureusement, ça restera des annonces", avait nuancé Stéphane Yoteau, vice-président de la Chambre de commerce et d'industrie de Nouvelle-Calédonie.

Quant à la sphère politique, elle avait déploré une réponse "insuffisante" voire humiliante : "En réalité, ce qui est prévu, c'est de nous prêter de l'argent pour rembourser ce que l'État nous a avancé l'année dernière. Ce n'est pas sérieux", avait ainsi lancé Philippe Gomès de Calédonie ensemble (parti non indépendantiste de centre-droite).

Ce déplacement avait en tout cas permis au ministre des Outre-mer de prendre conscience de la gravité de la situation calédonienne puisque le 19 novembre dernier, auditionné par la commission des lois du Sénat, il avait tenu à faire passer un message en prévision des débats sur le budget 2025.

Je vous en conjure, faisons fi des problèmes de personnes et soucions-nous prioritairement de l’intérêt de la Nouvelle-Calédonie et de nos compatriotes. Nous n’avons pas la possibilité de commettre une erreur, [ni] d’avoir le luxe d’attendre.

François-Noël Buffet

Au Sénat

 "Faut pas me mettre la pression"

C'est depuis la Nouvelle-Calédonie qu'il avait abordé l'autre dossier ultramarin brûlant : la mobilisation contre la vie chère en Martinique. C'est en effet pendant son déplacement sur le Caillou qu'un accord avait été signé pour baisser de près de 20 % les prix sur l'alimentation.

On se souvient certes de sa réponse sèche, par caméra interposée, aux membres du RPPRAC qui l'appelaient à venir sur l'île : "Faut pas me mettre la pression, c'est en général un effet opposé qui se produit".

©nouvellecaledonie

Bien entendu, vu l'urgence de la situation, il s'était déplacé en Martinique du 11 au 14 novembre. Marqué par les images d'extrême violence, il avait été à la rencontre du président de la collectivité territoriale de Martinique Serge Letchimy et des maires, qui étaient ressortis satisfaits de ces échanges, constructifs selon le premier, opérationnels selon les seconds. Il avait aussi écouté les doléances des agriculteurs et des pêcheurs sans faire d'annonce.

François-Noël Buffet avait surtout confirmé la mise en place de la baisse des prix de 20 % à partir du 1er janvier 2025 et que les discussions pourraient s’étendre à d’autres articles. Sensible à la question du pouvoir d'achat, il s'était par ailleurs prononcé, lors de son audition par la commission des lois du Sénat, en faveur de la tenue d’un "Oudinot de la vie chère".

"Je fais tout pour sauver le budget"

Malgré lui, François-Noël Buffet est aussi le ministre qui a dû affronter les coupes budgétaires. En effet, dans le projet de loi de finances (PLF) pour 2025, le gouvernement comptait diminuer de 250 millions d'euros les crédits Outre-mer, soit une baisse de 9 %, alors que ces derniers augmentaient depuis quatre ans. À la question d'Outre-mer la 1ère lors d'un entretien exclusif, "Arriverez-vous à sauver votre budget ?", le ministre des Outre-mer avait répondu : "Je l'espère, en tout cas, je fais tout pour." Ce projet devait être présenté le 20 décembre, reste à savoir s'il le sera vraiment et par qui.

Le bilan de François-Noël Buffet n'est donc pas si maigre au regard de la durée pendant laquelle il est resté en poste : deux visites en deux mois. C'est le deuxième ministre de l'ère Macron à être resté aussi peu de temps en poste, juste derrière Yaël Braun-Pivet qui a juste passé un mois à l'hôtel Montmorin avant de briguer la présidence de l'Assemblée nationale en 2022.

Hormis Elisabeth Borne qui a assuré la transition quelques jours entre Yaël Braun-Pivet et Jean-François Carenco, ils sont déjà sept ministres en charge des Outre-mer à s'être succédé sous Emmanuel Macron. Et sauf démission de ce dernier, un 8e devrait bientôt être nommé sous sa présidence. Du jamais vu sous la cinquième République.