Ne pas créer d'interférence, c'est le maitre-mot du début de cette séquence de discussions bilatérales sur l'avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie. Du côté du ministère, motus et bouche cousue, l'objectif affiché est de créer un climat de discussions le plus serein possible, quitte à ne même pas rendre publics les horaires des rencontres.
La tâche qui incombe au nouveau Ministre d'État chargé des Outre-mer est en effet immense. Voilà plusieurs années que les deux camps, divisés en autant de mouvements internes, ne se sont pas officiellement parlé pour trouver un compromis politique de sortie de l' Accord de Nouméa.
Deux projets s'opposent encore
La délégation non-indépendantiste des Loyalistes que Manuel Valls a rencontré ce matin était composée de la présidente de la Province Sud Sonia Backès, du député Nicolas Metzdorf, de Gil Brial et du contesté Brieuc Frogier. Le fils de l'ancien sénateur Pierre Frogier avait porté les idées d'Eric Zemmour sur le "Caillou" lors de la dernière élection présidentielle. À la sortie de leur rencontre avec Manuel Valls et les conseillers de Matignon, Gil Brial président du Mouvement populaire calédonien, se satisfait de la reprise des débats et de la méthode Valls : "C'est le départ d'un nouveau cycle. C'est le premier round de négociations. La méthode est bonne puisque le ministre prend le temps." La seconde réunion fera délégation commune entre le Rassemblement et les Loyalistes, "Nous portons le même projet" rappelle Gil Brial, celui d'un fédéralisme local.
Au-delà des discussions formelles planifiées par Manuel Valls et son équipe, d'autres rencontres informelles sont prévues. "On a des échanges, relate Gil Brial. J'étais avec l'Éveil Océanien la semaine dernière. On va revoir certainement les indépendantistes en dehors de la présence de l'État, donc il y a des échanges. Après, il y a des moments où on se confie au ministre sur ce que l'on souhaite pour la Nouvelle-Calédonie et ce que l'on n'acceptera pas."
C'est dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale que s'est quant à lui exprimé le député indépendantiste Emmanuel Tjibaou ce mardi. Lors des questions au gouvernement, le fils de Jean-Marie Tjibaou a questionné Manuel Valls sur le postulat et la méthode adoptée : "Aujourd'hui, nous interpellons l'État dans la nécessité de poursuivre dans cette voie. Nous savons que cette relation entre la Nouvelle-Calédonie et la France post-accord de Nouméa soulève des interrogations. C'est ensemble que nous devons bâtir ce nouvel équilibre." Cette prise de parole est aussi l'occasion de rappeler la position officielle de la délégation du Front de libération nationale kanak et socialiste (FLNKS). "Nous entendons les analyses de nos partenaires Loyalistes. Après quarante ans d'histoire politique commune, nous ne sommes pas prêts à revenir en arrière. Nous redoutons que la vision proposée par certains qui prônent un fédéralisme interne exacerbé finissent par institutionnaliser une fracture territoriale et ethnique."
Un positionnement de l'État ?
"Les fractures sont profondes, elles paraissent même irréductibles", a rappelé Manuel Valls à l'Assemblée nationale en réponse à Emmanuel Tjibaou. "Les accords de Matignon et de Nouméa avec la perspective du processus de décolonisation sont le socle de nos discussions, elles sont même mon ADN."
Manuel Valls a rappelé ce mardi après-midi sa ligne et sa volonté de travailler à un accord. "Nous ne devons rien oublier de Michel Rocard, et de Lionel Jospin, de Jacques Lafleur et de Jean-Marie Tjibaou. Comme eux, il nous faudra être inventifs, courageux, ambitieux pour bâtir un compromis et sortir des positions radicales, de toutes les positions radicales."
Un positionnement de l'État, c'est également ce qu'ont demandé les membres de la délégation Loyaliste ce mardi matin. "On veut une méthodologie et un positionnement de l'État, qu'il nous dise comment lui, il voit les choses, relatait à la sortie Gil Brial. Qu'il soit un vrai partenaire et pas simplement un observateur." Les discussions se poursuivront à partir de jeudi et devraient durer encore tout le week-end.