Pas assez d’ARM
Les assistants de régulation médicale (ARM) sont nos premiers interlocuteurs lorsque nous composons le 15 (ou le 112) pour une urgence. A la suite de plusieurs cas de défaillances graves, dans l’Hexagone, le ministère de la Santé a décidé en 2019 de mettre en place, pour ce métier, une formation diplomante d’un an, dispensée dans des centres agréés. Notre région n’en est pas encore pourvue.Ces professionnels sont donc difficiles à trouver aujourd’hui, alors que les effectifs au SAMU 971 sont insuffisants. "Nous fonctionnons avec vingt ARM, alors qu'il nous en faudrait plus de trente, en dehors même de la crise Covid-19", souligne le Docteur Popotte. L'arrivée du coronavirus a fait exploser les appels au 15. Et comme dans d’autres régions de France, le salut est venu des étudiants en médecine, sollicités sur la base du volontariat et du bénévolat. « La faculté des Antilles les a mis à disposition du SAMU, qui les a formés », indique la cheffe de la régulation médicale.
Des étudiants très motivés
Dans l’Hexagone, le renfort est assuré par des étudiants de 4ème ou 5ème année. En Guadeloupe, les volontaires sont des étudiants de 3ème année. Des jeunes très motivés, qui ont immédiatement répondu présents, à travers Medik West Indies, la très dynamique association des étudiants en médecine de l’université des Antilles.« De nombreux étudiants se portent volontaires, car nous souhaitons aider la population et les professionnels de santé -nos futurs collègues- à faire face à cette situation sanitaire inédite »,
confie Titouan Vinglassalon, président de Medik West Indies, qui a immédiatement pris les choses en main et organise aujourd’hui le planning de ses camarades au sein du SAMU.
Ils sont 18 à se relayer actuellement pour renforcer le centre 15. Ces étudiants ont d’abord été formés, courant mars, par les docteurs Hélène Durizot et Esther Popotte. Une formation par groupe et en trois temps, comme l’explique le Dr Popotte : « ils ont d’abord reçu un enseignement théorique de deux heures, par visioconférence. Ensuite, ils ont suivi sur place un stage technique et pratique pendant un après-midi, pour connaître le fonctionnement du logiciel, avec également des simulations d’appels. La dernière étape, enfin, leur a permis de s’entraîner en réel, sous le tutorat d’un ARM sénior ».
Gérer les émotions
Depuis la semaine du 23 mars, ces jeunes futurs médecins ont donc intégré les équipes de régulation médicale du SAMU. Ils sont en service de 8h à 20h, à deux par créneau de 4 heures, aux côtés des assistants confirmés, qui eux assurent des vacations de 12 heures. Les étudiants sont « aides ARM ».« Ils sont bien sûr encadrés, tout en étant autonomes », assure la responsable de la régulation. « Ils font partie de ce que l’on appelle le « front office » : ils reçoivent les appels et en fonction de chaque situation, les orientent, en les transférant soit vers le médecin régulateur urgentiste, soit vers le médecin régulateur libéral (ADGUPS). S’agissant des appels pour le COVID, ils savent déceler les urgences liées à une détresse respiratoire, mais en l’absence de signes cliniques, ils savent aussi très bien informer les patients et les mettre en relation avec la plateforme RIPOSTE ».
Les étudiants, âgés d’environ 22 ans, peuvent également -et certains l’ont été ces derniers jours- être confrontés à des situations dramatiques, toutes urgences confondues. « C’est pourquoi ils ont aussi été préparés pour savoir gérer leur propre état émotionnel », ajoute Dr Popotte.
Jusqu’à 600 appels par jour
Le renfort de ces étudiants s’avère plus que bienvenu. « Ils nous aident vraiment, car les ARM étaient débordés par le nombre d’appels et commençaient à être surmenés », confie le médecin. « Nous avons atteint un pic la semaine du 23 mars, avec 180 à 200 dossiers à gérer en 24h ; un « dossier » étant un appel nécessitant un traitement médical. En nombre d’appels, il faut multiplier ce chiffre par trois. Du jamais vu en régulation ! ».Ils effectuent un travail excellent et sont très appréciés dans nos équipes".
Près de 50% des appels étaient alors liés au coronavirus. « Au début de l’épidémie en Guadeloupe, les gens appelaient beaucoup pour avoir des renseignements, ou parce qu’ils étaient inquiets ». L’ouverture, depuis le 24 mars, de la plateforme RIPOSTE COVID-19, mise en place par l’Agence régionale de santé (numéro de téléphone unique 0590 99 14 74), a permis de soulager quelque peu le 15. « Aujourd’hui, la population a très bien compris qui appeler et à quel moment appeler », relève le Dr Popotte.
« Nous avons encore besoin d’eux »
COVID, AVC, accidents domestiques (en hausse avec le confinement…), ce sont toutes ces urgences qu’ont appris à gérer les jeunes étudiants en médecine. « Et le résultat est époustouflant ! », s’exclame la responsable de la régulation au SAMU. « Ils font partie de l’élite, et ils apprennent très très vite. Ils effectuent un travail excellent et sont très appréciés dans nos équipes. Ils réaliseront sans doute dans quelques années seulement, lorsqu’ils seront médecins, l’importance de leur rôle dans la gestion de cette crise sanitaire. Et cette expérience de contact avec les patients leur apporte beaucoup ».Les 18 étudiants en renfort au centre 15 seront encore présents au moins jusqu’à la fin avril. « J’espère pouvoir prolonger leur mission, car nos avons encore besoin d’eux », confie Esther Popotte en saluant encore l’implication de ses protégés.
Les étudiants nous parlent de leurs motivations et de leur expérience
Au cours des 2ème et 3ème années de leur cursus à la faculté des Antilles, les étudiants en médecine effectuent une série de stages d’une semaine dans les hôpitaux, et notamment dans les services des urgences (adultes ou pédiatriques). Mais cette mission de renfort à la régulation du SAMU leur apporte une expérience nouvelle et inédite, dont ils témoignent.
Maud De Gerin-Ricard :
« Nous sommes les premiers à devoir être volontaires
Maud De Gerin-Ricard
« Notre présence au SAMU nous permet de participer à l’effort de tous face au virus "
Pauline Lombard
Maïk Canneval :
« Nous devons laisser le patient s’exprimer avec ses propres mots »
Savoir identifier une urgence vitale, de manière rapide, tout en gardant son calme… La bonne gestion des appels reçus au 15 a un enjeu essentiel pour la prise en charge des patients. « Il faut savoir bien écouter le patient, en le laissant employer ses propres mots, et les retranscrire tels quels dans la fiche transmise au médecin régulateur, sans chercher à les traduire avec des termes médicaux », explique Maïk Canneval. « Nous devons obtenir les bonnes informations et vite, à commencer par l’adresse précise », poursuit la jeune étudiante. « Le plus compliqué, c’est lorsque le patient est très angoissé et en panique. Il ne vous écoute pas ! Il faut savoir le raisonner ».
Amandine Bertrand :
« Il faut beaucoup rassurer les patients non COVID, qui ont souvent peur de venir aux urgences »
Amandine Bertrand :
Maéva Allusson :
« Nous avons été très bien intégrés par l’équipe, qui nous guide ».
Maéva Allusson
Des étudiants aussi au Centre médical de l’aéroport
Outre le centre 15 du SAMU, six étudiants travaillaient déjà depuis juillet 2019 au Centre médical de l’aéroport (le CMA). Et aujourd’hui, avec l’épidémie de COVID-19, leur mission a évolué, comme l’explique Titouan Vinglassalon, président de Medik West Indies :
Titouan Vinglassalon
"Nous apprenons à identifier par téléphone les douleurs d’un patient »
Titouan Vinglassalon
Dispositifs de protection
Masques, gel hydroalcoolique, casque audio pour recevoir les appels au SAMU… Les étudiants sont équipés des mesures de protection adéquate face au COVID-19. Les conditions de travail sont optimales, estime Titouan Vinglassalon :
"Nous nous protégeons"
D’autres étudiants participent eux aussi à l’effort de crise, en assurant la garde des enfants de personnels soignants. Depuis la fermeture de l’université, les étudiants en médecine ne peuvent, comme les autres, suivre leurs cours qu’en ligne. Ils sont également privés de leurs semaines de stages dans les hôpitaux, pourtant obligatoires pour valider leur cursus, en plus des examens, sur lesquels pèsent une autre incertitude…