Le Consortium international des journalistes a mis en ligne les noms des bénéficiaires de comptes offshore dévoilés par les fichiers Panama Papers et Offshore Leaks. Des bénéficiaires ultramarins y apparaissent. Pour lutter contre la fraude, les services fiscaux vont être renforcés dans les DOM.
Serge Massau •
C’est un petit cercle très fermé, désormais accessible d’un simple clic. Depuis trois semaines, la base de données des évadés fiscaux, révélée par le Consortium international des journalistes (ICIJ) à partir des fichiers Offshore Leaks et Panama Papers, est disponible en ligne par ici.
Pour des raisons de respect de la vie privée, il ne s’agit que d’une infime partie des 11,5 millions de documents réunis par les journalistes d’investigation. En recherchant un pays ou un nom, on trouve les montages financiers et l’identité des bénéficiaires qui se cachent derrière les prête-noms. Selon les services de Bercy, près de la moitié des noms figurant sur ces fichiers font déjà l’objet d’un contrôle fiscal. Si l’évasion fiscale en outre-mer n’a pas fait les gros titres de la presse nationale, celle-ci est pourtant bien présente. Explications.
En métropole comme dans les départements d’outre-mer, la législation est la même en matière fiscale. La loi exige de connaitre le bénéficiaire d’une société et interdit les trusts. Les sanctions pénales peuvent aller jusqu’à 7 ans d’emprisonnement et un million d’amende. En théorie. Car un procureur ne peut pas décider seul de déclencher des poursuites pénales pour fraude fiscale. Il faut d’abord passer le « verrou de Bercy ». En clair, c’est le ministre des Finances, secondé par une commission des infractions fiscales, qui décide d’ouvrir une enquête judiciaire. Dans le cas contraire, la fraude reste secrète entre l’administration et le fraudeur, qui devra s’acquitter des impôts non payés et des majorations.
Si l’évasion fiscale fait rarement les gros titres de l’actualité ultramarine, cela ne signifie pas que ce délit n’existe pas. Ainsi, à partir du 1er septembre prochain, des antennes interrégionales vont être créées pour la Guadeloupe et la Martinique, qui seront rattachées à une Direction spécialisée de contrôle fiscal (Dircofi) dans l’Hexagone. De même, la brigade de contrôle fiscale de la Réunion doit être également « renforcée » dans les prochaines semaines.
Et dans les collectivités d’outre-mer à fiscalité propre ?
Les gouvernements de la Polynésie française et de la Nouvelle-Calédonie disposent de la compétence fiscale. En Polynésie, il n’y a pas d’impôt sur le revenu. Il n’est donc pas possible de poursuivre quelqu’un pour le délit de fraude fiscale. En revanche, en ayant échappé à l’impôt sur les transactions ou sur les sociétés, ceux-ci peuvent être poursuivis pour blanchiment, faux et usage de faux.
Et si le nom d’un élu ou de l’un de ses proches apparait ?
L’exemple de Jérôme Cahuzac est resté dans les mémoires. Lorsque l’existence de son compte secret caché en Suisse puis dissimulé à Singapour a été révélée, il a dû quitter immédiatement son poste de ministre du Budget. Depuis, la Haute autorité de la transparence de la vie publique cherche à prévenir les conflits d’intérêts et vérifie notamment le patrimoine du foyer fiscal des élus. Mais plus largement, que pourrait-il arriver si une personne intimement ou familialement proche d’un élu se révélait être détenteur d’un compte dans un paradis fiscal ?
Ecoutez les explications de Raphaël Dupenloux, inspecteur des impôts