Depuis Annick Girardin, plus aucun ministre en charge des territoires d'Outre-mer n'est resté plus de trois ans à son poste. Encore plus étonnant : depuis juillet 2022, le ministère des Outre-mer, situé rue Oudinot dans le 7ᵉ arrondissement de Paris, aura vu passer quatre ministres. Un record. Et vu l'instabilité politique dans laquelle la France s'enfonce, il n'est pas impossible qu'un nouveau remaniement vienne encore une fois bouleverser la composition du gouvernement.
Après des semaines de tractations et d'incertitudes, la France a enfin un Premier ministre et des ministres. Le sénateur Les Républicains (LR) du Rhône François-Noël Buffet, président de la commission des Lois du Sénat depuis 2020, a été nommé pour récupérer le portefeuille des Outre-mer. Il est rattaché directement au Premier ministre, Michel Barnier.
Lors de sa passation de pouvoir, lundi, cette figure de la droite sénatoriale l'a dit : il veut inscrire sa politique vis-à-vis des Outre-mer dans la durée. Comprenez : il compte bien rester à son poste plus longtemps que ses prédécesseurs.
Un premier quinquennat stable
Pour la première fois sous la cinquième République, le ministère des Outre-mer a connu un va-et-vient inédit de ministres sous un même président. La valse des locataires de la rue Oudinot s'est déroulée en deux temps. D'abord, lors du premier quinquennat d'Emmanuel Macron, le ministère est resté relativement stable. Pendant trois ans, de 2017 à 2020, la Saint-Pierraise Annick Girardin s'est occupée des dossiers ultramarins.
Après le départ d'Edouard Philippe de Matignon et un vaste remaniement du gouvernement, c'est Sébastien Lecornu, fidèle macroniste, qui récupère la clef de la rue Oudinot, où il s'illustrera particulièrement pour son implication dans le dossier calédonien. Mais le ministère des Outre-mer n'est qu'un tremplin pour ce jeune politique ambitieux. Après un peu moins de deux ans à son poste et malgré un désaveu électoral en Outre-mer à la présidentielle et aux législatives, il est promu à la tête du ministère des Armées en 2022, rôle qu'il occupe encore aujourd'hui.
Le deuxième mandat d'Emmanuel Macron marque un tournant dans la valse des ministres. Yaël Braun-Pivet, récompensée pour son rôle en tant que présidente de la commission des Lois de l'Assemblée entre 2017 et 2022, est nommée au gouvernement. Elle récupère le si lourd portefeuille des Outre-mer. Mais la députée a de plus grandes ambitions. À peine nommée ministre, elle quitte son poste pour occuper la présidence de l'Assemblée nationale.
La mise sous tutelle
En attendant de retrouver un remplaçant, Elisabeth Borne, alors Première ministre, récupère le rôle de ministre des Outre-mer. Mais la cheffe du gouvernement a d'autres dossiers à gérer. Début juillet 2022, elle parvient enfin à réussir à former son équipe gouvernementale. Alors que Gérald Darmanin se voyait bien monter à Matignon, le président lui étend son portefeuille : il devient ministre de l'Intérieur et des Outre-mer.
Il hérite par la même occasion de plusieurs ministres délégués, dont un en charge des dossiers ultramarins. Le premier à se coller à cette fonction est Jean-François Carenco, qui a fait carrière dans le corps préfectoral et connaît bien les territoires d'Outre-mer. Il contribue à la mise en place du Comité interministériel des Outre-mer, qui comprend plus de 70 mesures pour améliorer la vie quotidienne des Ultramarins.
Mais l'homme, septuagénaire, ne convainc pas par son style et sa communication. Dès le remaniement suivant, en juillet 2023 (soit un peu plus d'un an après sa nomination), il est remercié. Un inconnu, le député Philippe Vigier, lui succède en juillet 2023. Comme pour son prédécesseur, il hérite des dossiers techniques. Les gros sujets politiques et économiques sont gérés directement soit par Gérald Darmanin (opération Wuambushu à Mayotte, avenir de la Nouvelle-Calédonie...) ou par Bruno Le Maire à l'Économie (réforme de l'octroi de mer, crise du nickel...). Philippe Vigier perd lui aussi son poste de ministre délégué dès le remaniement suivant, en janvier 2024. Il ne sera resté au gouvernement qu'un peu moins de cinq mois.
Elisabeth Borne débranchée de Matignon, c'est Gabriel Attal qui reprend les rênes du gouvernement. Avec le président, il nomme une fidèle de la Macronie au ministère des Outre-mer : Marie Guévenoux, elle aussi inconnue au bataillon. Mais, une fois de plus, elle est éclipsée par son ministre de tutelle. La dissolution de l'Assemblée nationale et les élections législatives surprises en juin et juillet lui coûtent sa place au Palais Bourbon et au gouvernement.
Après sept mois passés rue Oudinot, elle vient de laisser sa place à François-Noël Buffet, dont le nom a été proposé par le nouveau Premier ministre LR Michel Barnier. À noter un changement de taille sous ce premier gouvernement de cohabitation sous la présidence d'Emmanuel Macron : le ministre des Outre-mer n'est plus sous la tutelle du ministère de l'Intérieur, mais est rattaché directement à Matignon. "Je vais faire de mon mieux", a promis François-Noël Buffet aux équipes du ministère venues l'accueillir au ministère des Outre-mer, lundi. Son temps au sein du gouvernement est peut-être compté.