Cybèle Plichart : Que pensez-vous du déplacement d'Emmanuel Macron et de ses ministres ? Est-ce la meilleure chose à faire selon vous ? Cela ne va pas enflammer à nouveau la situation ?
Tepuaraurii Teriitahi : On entend que le président de la République se déplace, ça peut être un signe fort qui est envoyé, un signe de respect. Après, du côté du Tapura Huiraatira, nous n'avons jamais voulu faire d'ingérence dans ce qui se passe au niveau institutionnel dans la Calédonie. Ce qui se passe en Calédonie au niveau institutionnel en tout cas, appartient aux Calédoniens. Ce qu'on peut effectivement regretter, ce sont les accès de violence qu'il y a eus. Ce sont nos concitoyens polynésiens qui sont bloqués et pour qui on ne fait rien. On entend la détresse des Polynésiens qui sont actuellement bloqués, qui voient effectivement les Australiens, les Néo-zélandais être évacués alors que finalement ils ont l'impression d'être oubliés. Nous regrettons sincèrement qu'effectivement notre gouvernement ne fasse rien dans ce sens-là. On a des initiatives privées comme celle de Mr Malmezac, qui sont relayées par les Églises également, mais ce n'est pas à des particuliers à gérer ça. Le Pays a le pouvoir de le faire. Il est temps pour notre gouvernement d'agir et de montrer des signes dans ce sens au lieu de trouver tous les moyens pour arriver jusqu'à Singapour. On peut également trouver des moyens pour rapatrier nos concitoyens.
Cybèle Plichart : Vous étiez aux côtés d'Edouard Fritch lors de la conférence de presse, pour évoquer le bilan des un an du gouvernement Brotherson. Vous n'y êtes pas allée de main morte, des mots comme mensonge, incompétence, amateurisme... Vous avez vraiment décidé de sortir de votre réserve ?
Tepuaraurii Teriitahi : Depuis un an, on a laissé travailler le gouvernement de Moetai Brotherson. On a même essayé souvent d'aider ce gouvernement en faisant des propositions qui sont bien sûr restées la plupart du temps lettre morte. Aujourd'hui, on doit réagir à ce qui se passe. Quand on entend la conférence de presse donnée par le président en fin de semaine dernière, les bras nous en tombent, parce qu'à force de ne pas trouver de solution, à force de n'avoir aucun bilan finalement à dresser... Alors il cherche des coupables, des coupables à son inaction. On a identifié deux coupables : vous les journalistes, parce que de plus en plus, vous montrez la réalité du mensonge, et nous finalement, le Tapura Huiraatira, que le président accuse d'être à l'origine de tous les maux de ce pays.
Cybèle Plichart : Vous auriez laissé un héritage difficile à assumer...?
Tepuaraurii Teriitahi : Il va jusqu'à dire qu'on a laissé un fossé de 34 milliards de Fcfp. Moi, je veux juste rappeler à chacun que lorsqu’effectivement, il y a eu la transmission entre le gouvernement Fritch et le gouvernement Brotherson, il y a un compte administratif 2022 qui a été voté en 2023, qui était de l'ordre de plus 25 milliards de Fcfp avec une trésorerie à hauteur de 40 milliards de Fcfp. Très bientôt, on va voter le compte administratif de l'année 2023 et vous verrez, je vous l'annonce en exclusivité, qu'il atteindra plus 33 milliards de Fcfp. Des engagements financiers, oui, il y en a eu... Une dette soi-disant, qui est par ailleurs jugée plus que correcte par des agences internationales comme Moody's, mais aujourd'hui, le Président Moetai Brotherson n'a plus d'autre moyen que de trouver des excuses, justement pour pallier l'absence de bilan. Ce n'est pas un bilan qu'il nous a adressés vendredi dernier.
Cybèle Plichart : Justement, vous contredisez plusieurs points. Selon vous, les chefs d'entreprise sont inquiets. Le président, lui, rencontre des chefs d'entreprise épanouis. Pour lui, les carnets de commandes du bâtiment sont pleins alors que vous, de votre côté, vous dites que les entreprises licencient. Alors qui dit vrai ?
Tepuaraurii Teriitahi : En tout cas, nous, on sait qui on rencontre, on sait ce qu'on entend. Donc effectivement, on a multiplié les rencontres avec les différents organismes qui représentent les patrons. On a entendu également les bureaux d'études parce qu'effectivement, jusqu'à aujourd'hui, il y a encore des travaux qui sont engagés, mais ce sont des travaux qui ont été initiés il y a deux ans, trois ans... Donc, à l'époque du gouvernement Fritch. Aujourd'hui, il est l'heure d'initier des travaux pour l'année prochaine, pour l'année suivante. C'est d'abord par les bureaux d'études que ça commence. Quand vous avez les bureaux d'études qui vous alertent et vous disent on a un problème, c'est qu'aujourd'hui on ne nous a sollicités pour aucun projet. Donc on peut s'attendre à ce que les années qui viennent vont être des années qui vont être très maigres au niveau investissement. Quand on voit que le gouvernement renvoie 6 milliards de Fcfp du PGE, le prêt garanti par l'État que nous avions destiné au plan de relance, il y a de quoi s'interroger sur l'avenir des investissements dans ce pays.
Cybèle Plichart : En ce qui concerne le tourisme, l'ISPF, l'Institut de la Statistique de Polynésie française, a publié de bons chiffres aujourd'hui. Les chiffres de ce mois de mars sont encore meilleurs que ceux de l'année dernière. Donc pour l'instant, "tout ne va pas si mal" comme le dit Moetai Brotherson ?
Tepuaraurii Teriitahi : Nous avons rencontré les hôteliers parmi ceux que nous avons concertés, qui nous disent qu'effectivement, si pris par mois, par mois, il y a de l'amélioration depuis le début de l'année, on a quand même une tendance à la baisse et une baisse qui va s'accentuer. Effectivement que tout ne va pas si mal. Heureusement d'ailleurs pour notre Pays parce que le Tapura Huiraatira n'a jamais souhaité que le Pays aille mal, au contraire. Mais nous souhaitons simplement que le gouvernement fasse preuve de réalisme et qu'il évite de jeter de la poudre aux yeux pour faire croire que tout va très très bien et qu'il se prépare également pour les années à venir, par anticipation. Et surtout, il nous fixe un cap, cap qu'on ne voit pas aujourd'hui. On navigue à vue et c'est là le plus grand problème aujourd'hui de notre pays.