À ECOUTER. "Profits suspects" du Groupe Bernard Hayot aux Antilles : les dessous de l’enquête du journaliste Emmanuel Fansten

Des militants contre la vie chère de Guadeloupe ont mené une action de sensibilisation, à destination des consommateurs, au niveau du rond-point de Destreland - 30/11/2024.
C’est une enquête édifiante pour ceux qui n’ont jamais vécu en Outre-mer. Mais, pour ceux qui y vivent, l’article de Libération dépeint une réalité qu’ils vivent au quotidien. L’auteur de l’article sur les "profits suspects" du Groupe Bernard Hayot aux Antilles, Emmanuel Fansten, était l’invité du journal radio de Guadeloupe La 1ère.

On reparle de l’enquête signée Emmanuel Fansten, journaliste au sein du quotidien national "Libération", sur les "profits suspects" du Groupe Bernard Hayot (GBH). Depuis sa publication, le groupe s’est fendu d’un communiqué pour se défendre et dénoncer des attaques "infondées et approximatives".

L’auteur de l’article intitulé "Vie chère aux Antilles : les profits suspects du groupe Bernard Hayot en Outre-mer", daté du 9 janvier dernier, était en direct dans le journal radio de 13h00 de Guadeloupe La 1ère, ce lundi. Il était interrogé par Peggy Robert.

Emmanuel Fansten a expliqué pourquoi, selon les renseignements qu’il a obtenus d’informateurs (des salariés du groupe), GBH est si puissant aux Antilles et omniprésent dans la grande distribution, l’automobile, l’industrie, ou encore l’agriculture. Il détaille aussi comment ce groupe parvient à maîtriser toute la chaîne de production, malgré le contrôle de l’Autorité de la Concurrence.

Des marges exorbitantes

Pour une fois, les soupçons de pratiques douteuses et les marges exorbitantes de GBH sont documentés avec précisions, grâce à des dossiers internes jamais diffusés auparavant.

Ce sont des chiffres absolument faramineux, puisque les concessions de GBH réalisent une marge nette comprise entre 18 et 28%. C’est 3 à 4 fois celles pratiquées en métropole. Je donne, à titre d’exemple, qu’un véhicule neuf vendu environ 20.000 euros, une concession peut gagner plus de 5.000 euros nets, même après d’éventuelles promotions et efforts commerciaux. Donc c’est absolument énorme.

Emmanuel Fansten, journaliste à "Libération"

Une "véritable toile d’araignée"

Cette problématique peut être élargie à la grande distribution.
Et, par un jeu de filiales (Emmanuel Fansten parle d’une myriade de sociétés écrans), traitant avec la maison mère, les chiffres disponibles peuvent ne refléter qu’une partie de la vérité. Les marges sont ainsi ventilées et le système mis en place masque les bénéfices réels enregistrés.

Une des autres caractéristiques du groupe Hayot, c’est très précisément son opacité. Je rappelle qu’il [NDLR : Bernard Hayot] a été assigné récemment devant le tribunal de commerce de Fort-de-France, pour le contraindre à publier ses comptes. Il l’a fait juste avant Noël, mais uniquement pour les comptes sociaux et pas les comptes consolidés qui seraient seuls susceptibles de prendre la mesure de l’ampleur du système Hayot.

Emmanuel Fansten, journaliste à "Libération"

Des sources traquées

Depuis ces révélations, les dirigeants de la holding mèneraient une traque dans ses rangs, afin d’identifier qui a laissé fuiter les documents compromettants. Les salariés sont sous surveillance et soumis à une "pression importante", selon Emmanuel Fansten.

Le journaliste reconnaît le mérite de ces personnes qui ont pris des risques pour "faire avancer un débat qui est trop sclérosé", dans un contexte où les "consommateurs trinquent".

D’où viendra le changement ?

Les initiatives des parlementaires et les services préfectoraux n’ont pas réussi à changer la donne.
Proche du pouvoir (il est venu 8 fois, en un an, s’entretenir avec le président de la République), élevé au rang de Grand officier de l’ordre national de la Légion d’honneur en juillet dernier, Bernard Hayot semble intouchable.

J‘ai entendu, sur votre antenne, le préfet dire qu’il allait saisir justement, l’autorité de contrôle de l’Etat et de voir si ça justifiait des investigations plus poussées. Je suis curieux de voir ce qui va se dérouler sur ce plan-là.

Emmanuel Fansten, journaliste à "Libération"

Côté politique, un projet de loi visant à lutter contre la concentration économique pourrait amorcer le changement nécessaire, pour que les consommateurs antillais ne pâtissent plus de la vie chère.

Peut-être qu’on est à un point de bascule. Peut-être que les choses pourraient enfin bouger. En tout cas, je pense que, dans le contexte social actuel, les pratiques de GBH apparaissent d’autant plus scandaleuses.

Emmanuel Fansten, journaliste à "Libération"

Emmanuel Fansten le dit : il a lui-même été choqué par ce système tentaculaire qu’a pu déployer GBH afin de s’enrichir sur le dos des Ultramarins, qui réclament plus de justice économique.

À (RE)ECOUTER : L’interview complète d’Emmanuel Fansten, journaliste à Libération

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