C’est en voyant les images de son île dévastée par le cyclone Chido que Djadaoui Abdou-Razack, interne en réanimation au CHU de Guadeloupe, se décide à rejoindre les siens, profondément touché par ce drame que vivent les habitants. Il doit les rejoindre, à tout prix… Le jeune homme quitte l’archipel, par ses propres moyens, début janvier 2025, avec l’autorisation de son chef de service.
Arrivé sur place, c’est le choc. Djadaoui réalise le décalage entre les propos tenus dans les médias et la réalité du terrain.
« On parlait d’aller vers les patients. Mais sur place, aucun médecin n’allait vers les patients, les premières semaines. Le 15 et le 18 étaient indisponibles. La population était démunie.
Djadaoui Abdou-Razack, interne en réanimation
Malgré la proposition de travail à l’hôpital qu’il reçoit, il préfère se rendre dans un village du nord de l’île, où des patients fragiles étaient en manque de soins, depuis le passage du cyclone.
Nous avons retrouvé des patients en lits médicalisés avec des escarres, les lits ne fonctionnaient pas à cause des coupures d’électricité, des patients en manque de médicaments. J’ai choisi de rester avec eux et non d’aller travailler en hôpital.
Djadaoui Abdou-Razack
Pendant 10 jours, Djadaoui, infatigable, travaille sans relâche, soigne, panse, assure un suivi… Il dort chez la famille, là où il peut… Mais déjà, il faut penser au retour.
Un moment difficile pour le jeune médecin, déchiré à l’idée de quitter sa communauté, conscient que le travail était loin d’être achevé. Mais il se raisonne.
C’était dur de partir et de laisser les gens, en sachant qu’il y avait encore du travail à faire. J’ai fait ce que j’ai pu. Je me suis dit que la meilleure chose à faire était de continuer le travail, continuer les études pour pouvoir, plus tard revenir chez moi, avec toutes les compétences et de bonnes dispositions pour aider l’île sur le long terme.
Djadaoui Abdou-Razack
Revenu en Guadeloupe, il suit de près l’actualité de son île et les progrès réalisés, jour après jour…
Au bout de cinq semaines, dans ma commune, il y a de l’électricité et il y a de l’eau trois à quatre jours dans la semaine.
Djadaoui Abdou-Razack
En attendant ce retour chez lui, c’est auprès des patients guadeloupéens que Dajdaoui Abdou-Razack œuvre, chaque jour.
C’est aussi le cas de Marion Subiros, docteur en pharmacie spécialisée en santé publique. Son collègue et elle n’hésitent pas à retourner sur celle île où ils ont vécu pendant 8 ans, en voyant l’étendue des dégâts. "Il nous tenait à cœur d’y aller" explique la soignante.
Mis à disposition par le centre hospitalier de Guadeloupe, ils arrivent sur place 15 jours après le passage destructeur de Chido. La situation est encore difficile et tout reste à faire… Et les premiers jours sont complexes en raison de la destruction des logements de fonction de l’hôpital et des infrastructures.
Quand on est arrivés sur l’île on a vu une situation de désolation. Les paysages avaient complètement changé. Et puis quand on est arrivés dans l’hôpital, on a vu des équipes très fatiguées, psychologiquement épuisées mais qui étaient malgré tout là et essayaient de faire tenir l’hôpital.
Dr Marine Subiros, docteur en pharmacie spécialisée en santé publique
L’un des plus grands défis était la destruction de la plateforme logistique de l’hôpital, ce qui compliquait l’approvisionnement en médicaments et matériel. Avec leurs anciens collègues, ils ont donc dû réorganiser un espace de stockage de fortune, dans en entrepôt pour reconstituer une pharmacie fonctionnelle.
Au-delà des difficultés matérielles, Marion Subiros a été marquée la logistique, sur place.
On a vu énormément d’acteurs impliqués, de personnes volontaires pour aider mais difficultés de coordination, à structurer la réponse.
Dr Marine Subiros
Mais déjà arrive le retour… Un moment amer, malgré l’immensité du travail accompli.
On rentre avec un sentiment de frustration parce qu’on a apporté une toute petite goutte dans l’océan des renforts qui sont nécessaires aujourd’hui à Mayotte. Néanmoins, cela donne envie de repartir aider les collègues qui restent en souffrance. Même si deux mois se sont écoulés, cela reste très difficile pour eux sur place et si on peut apporter, ne serait-ce qu’une aide psychologique pour eux, c’est déjà ça.
Dr Marine Subiros