Polliniser les fleurs de pitaya : des agriculteurs se font la main

Pollinisation manuelle de fleurs de pitaya
Chaque année, l’ASSOFWI organise, sur son site à Vieux-Habitants, une formation sur la culture de la pitaya, pour des agriculteurs ou futurs exploitants qui souhaitent se lancer dans la production de ce fruit. Parmi les techniques incontournables : la pollinisation manuelle des fleurs. Une séquence terrain à écouter dans le podcast du magazine Kamannyòk.

C’est l’étape la plus délicate et la plus coûteuse dans l’itinéraire technique de la pitaya : la fécondation, qui, pour les principales variétés cultivées en Guadeloupe, doit se faire de façon manuelle, si l’on veut obtenir des rendements corrects. La maîtrise de cette pollinisation figure au programme de la formation sur la culture de la pitaya, assurée chaque année par l’Association des producteurs de fruits de la Guadeloupe, sur son site, section Bel Air à Vieux-Habitants. Le verger de l’ASSOFWI abrite la plus ancienne plantation de pitayas de Guadeloupe, puisque c’est sur cette ancienne station expérimentale que les chercheurs du CIRAD avaient introduit le « fruit du dragon » en 2007. 

Le stage de 22 heures s’adresse à des agriculteurs déjà installés, qui veulent diversifier leurs cultures, et à de futurs exploitants qui souhaitent intégrer cette production dans leur projet. Tous sont avant tout charmés par l’originalité du fruit. Parmi les stagiaires de la session 2024 : Jérôme Darin, exploitant agricole à Marie-Galante, qui souhaite lancer la culture de la pitaya sur son île ; Anne Buton, productrice de vanille à Bouillante ; ou encore Harry Kancel, un jeune ingénieur en informatique, qui a un projet de reconversion. 

 

C’est un fruit qui a une forte valeur marchande : il se vend actuellement autour de 7 ou 8 euros le kilo. Et puis, c’est un cactus, donc censé pouvoir résister à la sécheresse. C’est pourquoi beaucoup de gens sont incités à planter de la pitaya.

Youri Uneau, responsable technique à l’ASSOFWI et formateur

 

Pollinisation croisée

En Guadeloupe, trois grandes variétés de pitaya sont cultivées : la « rouge », la « blanche" et l’ « hybride ». Toutes ont la peau rose. La couleur de la chair, elle, est soit blanche, soit d’un rouge intense, pour les variétés « rouge » et « hybride ». La plante offre de magnifiques fleurs blanches, d’une trentaine de centimètres. Mais la position des étamines (organe mâle produisant le pollen), situées très en dessous du pistil (organe femelle) rend très difficile la pollinisation naturelle, par les abeilles. Il faut donc une intervention humaine, qui doit se faire, dans l’idéal, pendant la nuit, juste après l’ouverture de la fleur. En outre, les fleurs d’une variété de pitaya ont besoin, pour fructifier, du pollen d’une variété différente. C’est ce qu’on appelle la pollinisation croisée.

 

Des rendements en chute 

La floraison de la pitaya s’étend de mai à septembre. Et il faut compter 28 jours entre la fécondation et le stade de fruit mûr. Mais le « fruit du dragon » n’aime pas l’eau. En cas de grosse pluie au moment de la floraison, la pollinisation est vouée à l’échec : les fleurs tombent. Donc pas de production. La saison 2024 en est l’illustration, avec de grosses pertes. La culture de la pitaya subit aussi depuis plusieurs années les effets du réchauffement climatique. Conséquence : les rendements à l’hectare sont en chute libre. 

Jean-Marc Petit en fait le constat sur son exploitation. Installé sur les hauteurs de Tarare à Vieux-Habitants, il a été le premier agriculteur, en 2009, à cultiver le « fruit du dragon » en Guadeloupe et reste aujourd’hui le plus gros producteur, avec 2,4 hectares. Mais sa production annuelle, qui par le passé atteignait 25 à 30 tonnes, ne dépasse pas aujourd’hui les 5 tonnes. 

 

La fécondation doit être faite sur une fleur sèche. Cette année, ça a été catastrophique : à chaque floraison, il y avait de la pluie. Je pense qu’on est à 95% de pertes, en termes de fleurs qu’on n’a pas pu féconder.

Jean-Marc Petit, producteur de pitayas à Vieux-Habitants

 

La plantation de pitayas de Jean-Marc Petit s’étend sur 2,4 hectares.

Une des solutions pourrait venir des variétés de pitaya dites « auto-fécondes », comme celles qui sont cultivées en Guyane. Jean-Marc Petit et d’autres producteurs les testent. Mais la quantité en plants, à l’échelle de la Guadeloupe, est pour l’instant insuffisante, et la profession manque de recul sur le comportement et la  productivité  de ces variétés. 

La version complète de ces reportages est à écouter en podcast, en cliquant ici  ; deux épisodes de la collection « Kamannyòk »