Mais ici, le client est roi. Les boîtes de conserves de légumes qui cohabitent avec les sachets de riz, de pâtes, de pois rouges, les briques de lait, les paquets de biscuits ou de corn-flakes, sont à la portée des menues bourses.
Ici, les prix sont divisés par 2 ou par 3.
Et pourtant, pas un seul produit n’affiche sur ses flancs « Premier prix ». Les marques les plus courtisées par les consommateurs s’étalent sur tous les rayons.Depuis le confinement, les rayons se vident à vue d’œil avant d’être réapprovisionnés.« Ce sont des produits de la ramasse de la banque alimentaire collectés dans les centres commerciaux partenaires. Nous, nous achetons ces produits. Hier, nous avons eu des ouassous, du poisson, des légumes surgelés. Mais rarement, nous avons des produits premiers prix ».
explique Christian Jacquin, vice-président de l’association « On pal pou vansé ».« Au début du confinement, 560 familles étaient inscrites sur nos registres. Aujourd’hui, elles sont 650. Et une trentaine de dossiers sont en attente. Nous avons vu arriver chez nous, des étudiants, des retraités et mais aussi des familles monoparentales, déjà fragilisées et dont les revenus ont dégringolé avec la perte d’un emploi »
s’inquiète t- il.« Nous achetons la plupart de nos denrées alimentaires à la banque alimentaire. Mais avec le confinement et la crise sanitaire, elle n’a pas pu organiser sa collecte du mois de mai. Nous craignons que les denrées alimentaires viennent à manquer. Pour le moment, rien n’a été prévu ou anticipé pour éviter cette crise alimentaire alors que le nombre de bénéficiaires est en augmentation »
Ce jour-là, un homme d’une cinquantaine d’année franchit le seuil de l’épicerie avec deux cabas en main. En moins de 15 minutes, il fait le plein. « Je suis venu faire les courses du mois. Pas plus de 30 euros vous verrez » clame t-il sourire aux lèvres. A quelques centimes près, et avec les deux kilos de viande congelée proposés par l’employé de l’épicerie, le compte est bon. Patrice n’est pas un des nouveaux venus contraints de pousser la porte de l’épicerie solidaire depuis l’épidémie du Covid.
Les anciens bénéficiaires se raccrochent à l’aide de l’association.
Dominique, 48 ans, survivait avec son RSA et sa passion pour la cuisine. Mais depuis le confinement, elle perd pied.« Je fondais du boudin noir et du boudin à la morue fraîche, je préparais des punchs, des confiseries au coco puis je les livrais aux clients. Avant le confinement, lorsque mes factures
étaient réglées, il me restait 40 à 50 euros pour faire mes courses. Mais, du jour au lendemain, avec le confinement, les clients n’ont plus passé commande. Aujourd’hui, à la moitié du mois, mon compte est à découvert de 70 euros. Je n’ai pas acheté mon gaz. Et avant la fin du mois, je dois changer les pièces de ma voiture pour le contrôle technique. Je roule avec la peur de me faire arrêter. Le fait de penser à toutes ces dépenses que je ne pourrai régler, j’en perds le sommeil et mes problèmes de santé s’aggravent. Je souffre maintenant d’apnée du sommeil. Mais grâce à l’épicerie solidaire, j’arrive à faire mes courses. Dans les autres hypermarchés, pour 20 euros on a quasiment rien dans son panier. Et puis, le personnel de l’épicerie nous soutient moralement. J’ai pu participer à des ateliers d’estime de soi. C’est d’ailleurs là que j’ai appris à faire du boudin, moi qui ai toujours voulu faire de la cuisine mon métier ».
Les clients se font encore rares mais Dominique ne perd pas espoir. Elle attend qu’ils reviennent avec les lendemains meilleurs. Elle sait aussi qu’à quelques kilomètres de chez elle…l’épicerie solidaire reste son refuge de coeur.