Gustavo Petro a fait le déplacement pour rencontrer des responsables et discuter d’éventuels projets communs dans les secteurs de l’agriculture, la technologie et l’économie, selon un communiqué du bureau de Petro.
Le président colombien est arrivé à Jacmel, ville côtière du sud, en contournant la capitale haïtienne de Port-au-Prince. Le trafic aérien commercial reste suspendu à l'aéroport international depuis que des gangs ont ouvert le feu sur plusieurs compagnies en novembre.
Sa visite intervient alors que le Premier ministre haïtien et un conseil présidentiel de transition continuent de tendre la main à plusieurs pays, tandis que les policiers haïtiens et une mission soutenue par l'ONU et dirigée par le Kenya luttent pour contenir la violence des gangs.
"À un moment crucial pour la stabilité d'Haïti, la Colombie réaffirme son engagement en faveur du renforcement de la démocratie et du développement de la région", a déclaré le bureau de Petro.
Avant d'arriver en Haïti, Petro a rencontré des responsables de la République dominicaine voisine, qui partage l'île d'Hispaniola avec Haïti.
Le président colombien est l'un des rares chefs d'État à s'être rendu récemment en Haïti, compte tenu de la recrudescence de la violence des gangs qui a incité un nombre croissant de dirigeants de la communauté internationale à appeler à une mission de maintien de la paix de l'ONU dans le pays. Ces pays ont souligné que le la mission actuelle dirigée par le Kenya manque de fonds et de personnel.
Des dépenses qui passent mal auprès d'une partie de la population
Le gouvernement haïtien a dépensé plus de 3,8 millions de dollars pour rénover les infrastructures en ruine de Jacmel en prévision de la visite de Petro. Les projets comprenaient le rétablissement de l'électricité, la rénovation de l'hôtel de ville et le doublement de la longueur de la piste de l'aéroport local pour accueillir des avions militaires colombiens.
La rapidité avec laquelle l'argent a été trouvé ainsi que les nombreux chantiers de réhabilitation de la ville ont laissé de nombreux Haïtiens stupéfaits.
"Le gouvernement n’a pas d’argent pour nous sortir des camps de fortune ou assurer la sécurité du pays, mais il a 500 millions de gourdes à dépenser pour quelques jours ?" se demandait Antoine Jean-Baptiste. Cet électricien de 44 ans au chômage vit dans un abri comme des milliers d'autres Haïtiens à Port-au-Prince après que des gangs ont rasé leurs quartiers. "Ils ne peuvent pas payer les enseignants. Les hôpitaux sont fermés. Était-il nécessaire de dépenser tout cet argent pour un président en visite ?" continua Baptiste.
Mercredi soir, le président colombien Gustavo Petro a atterri sur la piste prolongée et a été accueilli par un tapis rouge, des soldats armés et des dizaines de petits drapeaux colombiens flottant au-dessus des rues qu'il a traversées pour rencontrer des responsables haïtiens dans un hôtel haut de gamme.
Sa visite a duré environ quatre heures.
Alfred Métellus, le nouveau ministre haïtien de l’Économie et des Finances, a déclaré que l’extension de la piste contribuerait à stimuler l’économie de Jacmel. Il a déclaré que la prison de Jacmel était également en cours de rénovation et que les touristes revenaient dans les hôtels situés dans la zone.
Mais ceux qui vivent à Port-au-Prince et dans d’autres villes et villages se demandent pourquoi les Haïtiens ne sont pas une priorité.
"Nos enfants ne peuvent pas aller à l’école, nous ne travaillons pas, les familles ne peuvent pas manger et nous n’avons pas les produits de première nécessité pour survivre ici" a déclaré Mario Jean-Pierre, 40 ans.
À Jacmel, certains ont célébré avec prudence ces améliorations, notamment le retour de l'électricité.
Wood-Jerry Gabriel, un journaliste multimédia qui vit à Jacmel, a déclaré que les habitants étaient privés d'électricité depuis trois à cinq ans et que tout le monde n'avait pas pu voir rétablir son électricité.
Il a ajouté que les routes ont également été pavées, que la mairie a été repeinte et qu'un parc voisin a été décoré et nettoyé. "C'était juste du show-business", a-t-il déclaré. "Je ne suis pas sûr que ça va durer."
Certains ont également noté que tout le monde à Jacmel n’a pas bénéficié de ces sommes.
L’ancien législateur local a déclaré au journal Le Nouvelliste que le personnel de nettoyage de la ville n’était pas payé depuis des mois.
Une année 2024 marquée par la violence
Plus de 5 600 personnes ont été tuées en Haïti l'année dernière, soit une augmentation de plus de 20 % par rapport à 2023, selon l'ONU. En outre, plus de 2 200 personnes auraient été blessées et près de 1 500 kidnappées, selon l'ONU.
Les violences ont déplacé plus d'un million de personnes ces dernières années dans un pays où près de 2 millions de personnes sont au bord de la famine.