Carnaval de Guyane 2025. "Le carnaval de rue, c’est ma passion" : Thayan’ 17 ans, musicien depuis déjà 10 ans

Thayan' en 2021 lors d'un défilé de carnaval avec Mayouri Tchô Nèg.
Thayan’ Vérin joue de la tome dans un groupe de carnaval en Guyane. Depuis trois ans, c’est avec Mayouri Tchô Nèg que le jeune lycéen s’épanouit à chaque saison. Rencontre.

"Le carnaval de rue, c’est ma passion" commente Thayan’. Il faut dire que le jeune homme de 17 ans n’en n'est pas à son premier défilé carnavalesque en Guyane. Déjà 10 ans qu’il joue d’un instrument : la tome.

Pour les néophytes, Thayan’ s’explique : "la tome, c’est une caisse claire sans la peau et sans les bruits d’une caisse claire. Si je devais changer d’instrument je passerais en caisse car la sonorité m’attire. Sinon, la trompette ça peut être bien mais il faut avoir du souffle" s’exclame le musicien, sourire aux lèvres.

C’est de l’amusement, un moment pour moi de décompression. Ça me permet de respirer et de penser à autre chose. Je m’amuse sans me prendre la tête.

Thayan’, 17 ans

"J’ai commencé à jouer au CM1"

Ses débuts dans le carnaval de rue, c’était au CM1 dans le groupe "Vibration". "On voyait M. Jean-Charles dans un groupe. Un jour, Thayan’ nous a dit : "je veux être dans le groupe". À l’époque, il jouait du tambour puis il a basculé sur la tome" se souvient sa mère Jéhanne. "Quand j’ai essayé, j’ai adhéré ! On a acheté mon instrument et j’ai commencé à jouer" ajoute le jeune passionné.

En 2017, Thayan' avec la tome, lors de ses débuts à Vibration.

Sa première répétition ? Thayan’ s’en souvient comme si c’était hier. "Je me rappelle certains détails, notamment de la personne qui m’a appris à jouer et avec qui je garde d’ailleurs contact. C’est elle qui m’a montré comment faire. Les répétitions se faisaient en ville, le soir. J’ai commencé à jouer sur son instrument. Au début, c’était compliqué mais une fois que je connaissais, je pouvais jouer les yeux fermés". Pour l’anecdote, c’était d’ailleurs sa mère la couturière du groupe. De quoi rassurer Thayan’ à l’époque. "Elle faisait nos costumes et savoir quelle était là avec moi, qu’elle me soutenait, ça me rassurait".

Aujourd’hui, le groupe "Vibration" n’existe plus. "Quand il a cessé d’exister, j’ai arrêté de faire le carnaval. Ensuite, par le biais d’un ami de ma mère, j’ai pu entrer dans le groupe Mayouri Tchô Nèg. J’ai toujours voulu y entrer. Voilà 3 ans que j’y suis" raconte Thayan’, les étoiles pleins les yeux.

La rigueur, maître-mot des répétitions

Les groupes s’entraînent dur pour offrir au public un spectacle qu’il n’oubliera pas. Cela implique trois heures d’entraînements par semaine, "de 20h30 à 22h, chaque mercredi et chaque vendredi" détaille Thayan’ et cela, depuis le mois d’août jusqu’au mois de janvier de l’année suivante.

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Pour garder cette rigueur, "il faut aimer ce que l’on fait. Quand on te dit qu’il y a répétition, il ne faut pas râler. Moi, à 19h15 je suis déjà prêt : mon instrument est déjà dans la voiture et mes baguettes sont sur moi. J’attends juste que ma famille soit prête pour me déposer. Je mets la pression à tout le monde en leur disant qu’il faut y aller sinon je serai en retard" rigole timidement Thayan’.

Thayan' en 2025 lors d'un défilé de carnaval avec Mayouri Tchô Nèg.

"En répétitions, soit on essaie de nouveaux morceaux sinon on fait ce qu’on sait déjà. Le plus dur ce sont les arrêts. Il faut savoir quand s’arrêter et quand commencer. Il faut rester concentré" explique ce dernier.

Le plus compliqué c’est de garder le bon tempo.

Thayan’, 17 ans

"Si on commet des erreurs, ce n’est pas grave. C’est surtout lors des prestations pendant le carnaval que l’on ne doit pas en faire. Pendant le carnaval, on se donne rendez-vous et depuis 17h on est prêt. On est comme une famille. On se regarde, on rit, on s’amuse, on danse tout en étant appliqué".

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Avant de défiler, on se dit qu’il faut qu’on fasse ça bien. Je fais le vide, je ne pense à rien. Les musiques sont dans ma tête : ça se fait tout seul, c’est automatique. Je suis comme un robot.

Thayan’, 17 ans

"Les parents préfèrent que leurs enfants soient aux répétitions plutôt que dans la rue"

L’année dernière, Thayan’ a un accident. "J’ai pleuré car on m’a dit que je ne pourrai pas faire carnaval cette année-là" se souvient le lycéen. Et pour cause, il ne pouvait pas rester debout et marcher avec son instrument, à cause de son attelle. "Malgré tout, j’assistais quand même à toutes les répétitions. Je prenais ma chaise et j’écoutais" commente le jeune homme. "C’était au cas où on lui enlevait l’attelle et qu’on lui disait c’est bon, tu peux jouer" complète sa mère. "Ma maman était fatiguée mais je lui disais non, il faut qu’on y aille. Je filmais et j’écoutais pour ne pas perdre le fil des morceaux".

Être dans un groupe de carnaval permet aux jeunes de faire autre chose.

Jéhanne Jasawant, mère de Thayan’

"Je pense que beaucoup de parents préfèrent que leurs enfants soient là aux répétitions entre 20h30 et 22h plutôt que dans la rue. On ne peut pas retirer ça aux groupes de carnaval : les jeunes sont obnubilés par quelque chose et c’est mieux que d’être dehors" reconnaît Jéhanne.

Thayan' en 2021 lors d'un défilé de carnaval avec Mayouri Tchô Nèg.

 

Thayan' n’ayant pas le permis, aller aux entraînements nécessite de la disponibilité de la part de ses parents. "C’est quelque chose pour nous de l’accompagner. Parfois, je suis fatiguée. Je lui dis : tu es sûr que tu veux y aller ? Et lui, bien sûr qu’il veut y aller. Je ne peux pas forcément rester aux répétitions les mercredis car il y a aussi sa sœur. Mais tous les vendredis soir, je suis là à regarder, écouter".

Quand ce sont de jeunes adultes avec permis, ils font leur vie. (…) Après, avec son père Thierry, on partage sa passion alors autant le faire à fond.

Jéhanne Jasawant, mère de Thayan’

La transmission de la tradition

Le jeune musicien pense déjà à la transmission de sa passion. "On est déjà venu me demander si je pouvais montrer à d’autres comment jouer d’un instrument. J’ai appris cette année à quelqu’un comment faire. Ça s’est très bien passé. Il reste avec moi, c’est mon poulain. Si quelqu’un aime le carnaval, je vais le pousser vers l’avant. S’il n’aime pas, pas de souci" confie Thayan’.

Je ne vais pas arrêter le carnaval maintenant, je compte bien continuer !

Thayan’, 17 ans

"Comme je suis antillaise, le carnaval de rue est quelque chose de bien ancré chez moi. Son père est guyanais et c’est vrai que pour lui c’est surtout les bals parés-masqués" commente sa mère, originaire du Raizet en Guadeloupe.

Pour moi, c’est une continuité dans la tradition antillaise même si ce n’est pas la même chose.

Jéhanne Jasawant, mère de Thayan’

"Quand on lui a fait cette proposition de défiler avec Vibration, je me suis dit super on va pouvoir faire un peu de ce type de carnaval aussi. (…) Le dimanche, on était au début peu nombreux avec quelques personnes à peine dans le groupe mais c’était sympathique" se remémore Jéhanne.

En 2017, l'un des premiers défilés de Thayan' à Vibration.

Quand je le vois défiler, je suis une maman groupie. Il peut y avoir des gens que je ne connais pas à côté de moi et je crie : c’est mon fils ! (…) Je suis fière de lui car ce n’est pas donné à beaucoup de jeunes de son âge d’avoir une passion qu’ils affectionnent et dans laquelle ils perdurent.

Jéhanne Jasawant, mère de Thayan’

Finalement, "tant qu’il est heureux dans ce qu’il fait, c’est ce qui compte" souligne Jéhanne. De son côté, Thayan’ a un conseil à donner à ceux qui n’oseraient peut-être pas se lancer : "il ne faut pas hésiter, il faut essayer. On va te prêter un instrument, tu vas faire deux répétitions pour savoir si tu aimes ou non".