A la veille du Congrès des élus de Guyane, les populations autochtones de Guyane ont présenté chacune leur positionnement. Pas de position commune, mais deux voix distinctes. Chacune a fait prévaloir sa vision du rôle des populations autochtones au sein du débat politique sur l’évolution statutaire.
Marie-Claude Thébia •
Ils veulent être les acteurs de leur avenir. C’est ensemble mais séparées que les populations autochtones de Guyane ont décidé de faire leurs propositions à l'exécutif de la CTG, concernant leur intégration au sein du processus d’évolution statutaire. Déjà, le Congrès avait été à plusieurs reprises reporté en raison de divergences soulevées par les autorités coutumières. Ce jeudi soir, leurs représentants ont pu exposer leurs intentions.
Un Sénat coutumier
Dans l’avant-projet de changement institutionnel, le Grand Conseil Coutumier des populations amérindiennes et bushinenges devient le Sénat coutumier. Il est composé de 18 membres désignés pour un mandat d’une durée de six ans.
Il exerce des fonctions délibératives et consultatives : "L'Assemblée de Guyane met les services du Territoire ou une partie de ceux-ci à la disposition du Sénat à titre permanent ou temporaire, notamment pour lui permettre de réaliser ces études ou projets. Le Sénat coutumier peut également, à son initiative, saisir le Gouvernement du Territoire de tout projet ou proposition de délibération intéressant directement l'environnement, le cadre de vie ou les activités culturelles des populations amérindiennes et bushinenges".
Un rôle pleinement consultatif montré du doigt par les deux communautés, qui souhaitent être décisionnaires. Les populations amérindiennes et alukus ont présenté deux projets bien distincts, « Orientations politiques des peuples autochtones de Guyane » et « Autorités coutumières de la communauté des Aluku de Guyane ».
Dans le document remis à l’exécutif, les autorités amérindiennes émettent un avis réservé sur le Sénat coutumier. Ils préfèrent mettre en place une Assemblée des hautes autorités autochtones de Guyane. Une instance avec de vrais pouvoirs de décision sur les affaires et l’identité autochtone ainsi que l’assurance que les délibérations soient effectivement prises en compte par la gouvernance de la collectivité autonome : "L’assemblée des hautes autorités autochtones de Guyane sera une véritable chambre parlementaire et donc en possession d’une pleine et réelle compétence législatives administrative consultative propositionnelle et décisionnelle sur les affaires et l’identité autochtone. Ses délibérations prises doivent revêtir une force contraignante et ne pas être soumise à la tutelle de l’organe en charge de proposer les loi peyi »
De plus, la Haute Assemblée devra avoir les moyens de ses ambitions à savoir une autonomie financière et administrative.
On a présenté nos propositions qui viennent proposer autre chose que le Sénat coutumier avec des dispositions qui s’inspirent de la Nouvelles Calédonie. Le collège amérindien a ses propositions le collège bushiningue a ses propositions. C’est ce que nous avons voulu marquer dans le projet qui sera voté ce samedi. Au niveau de l’exécutif ils vont modifier le projet initial. Il y a une proposition de rédaction autre se basant sur la charte des Nations-Unies. Ce sont les élus de Guyane qui vont trancher. Il s’agit non pas d’une scission mais d’une évolution de rapport de travail. Ce sont des peuples qui sont différents, qui ont des fois des intérêts communs. Aujourd’hui la cohabitation décidée par l’Etat ne favorise pas un travail en cohésion en tout cas efficace pour nos communautés. Il ne s’agit pas de se séparer ou de faire une scission mais de réinventer une autre manière de travailler ensemble.
Christian Pierre membre du Grand Conseil coutumier
Le document remis à la Collectivité territoriale de la Guyane par la communauté Bushininge s’intitule Positionnement de l'association coutumière des autorités coutumières de la communauté des Alukus de Guyane. La décision s’intéresse d’abord au projet actuel qui porte, selon le document remis à la CTG, un certain nombre d’angles morts qui ne conduisent pas à émettre un avis favorable au changement de statut… pour le moment "Le projet porte un certain nombre d’angles morts qui ne conduisent pas, nous chefs coutumiers bushinenge, à émettre un avis favorable au changement de statut, pour le moment. A titre d’exemple, l’absence de charte qui règlementerait le fonctionnement du droit coutumier : la problématique du foncier, la fiscalité, le développement économique de la Guyane et de nos espaces de vie, la distribution géographique du pouvoir en district paraît inquiétant ; la nature de l’organisation des pouvoirs par la future Collectivité Pour cela, il faut reconnaitre le mode de gouvernance des populations coutumières avec une indemnité à hauteur de la charge des autorités de régulation que sont les autorités".
Deuxième élément, c’est l’autorité coutumière qui doit déterminer le droit coutumier et aussi la maitrise complète du foncier et les ressources qu’elles recèlent.
C’est une réunion de concertation, une réunion pour échanger. Chacun a sa position puisque nos frères amérindiens dans le futur souhaitent faire quelque chose seuls. Nous ne pouvons pas dire le contraire, nous prenons acte. Il ne faut pas penser que cela va se faire tout de suite. Si nous devons créer un Sénat coutumier bushiningue nous le ferons, si il faut continuer pareil, nous le ferons, comme nos collègues amérindiens sont décidés de poursuivre un autre chemin nous respectons leur avis. Ce sont des propositions, il s’agira aux élus d’accepter ou pas. Les Amérindiens nous ont annoncé que les chemins se séparent dans l’avenir. C’est eux qui le souhaitent mais pour l’instant nous n’y sommes pas encore. C’est un long processus.
Bruno Apouyou président du grand Conseil coutumier
Ces documents seront débattus ce samedi 13 mai en Congrès à l'hôtel territorial de Guyane. Les populations autochtones sont déterminées à faire entendre leurs voix dans le processus d'évolution statutaire.