Les Impatientes, son roman le plus connu, multi-primé, auréolé du Goncourt des lycéens en 2020, dénonce la polygamie et le mariage forcé. Un sujet sérieux. Pourtant, ce mercredi soir, la bibliothèque de Rémire-Montjoly a régulièrement résonné des rires de Djaïli Amadou Amal et du public.
Habituée à ce genre d’exercice, l’écrivaine camerounaise a régalé son auditoire. Avec un talent certain pour l’auto-dérision, elle a raconté son parcours avec ce point de départ « dans ma culture, dès sa naissance la petite fille n’est pas égale au petit garçon ». Suivront ensuite quelques souvenirs d’enfance et celui qui a marqué un tournant dans sa vie : sa découverte de la lecture. « Chez une amie de ma mère, je tombe sur un livre de la bibliothèque rose. Je découvre que je sais lire autre chose que le livre de l’école et que ce livre raconte une histoire, comme les contes de ma grand-mère ! Mais pour les contes, il fallait supplier pour en avoir un. Je découvre qu’avec un livre, on peut se raconter des contes tout seul ! »
Mariée sans son accord à 16 ans
Elle développera alors des trésors d’imagination pour se procurer de la lecture. Mariée sans son accord à 16 ans à un homme âgé de 55 ans, Djaïli Amadou Amal divorcera avant de se remarier. Lorsqu’elle fuit ce second époux violent avec ses filles, celui-ci finira par les kidnapper. « Je n’ai pas cédé. J’ai vendu tous mes bijoux en or, je me suis acheté un ordinateur et j’ai écrit mon premier roman. »
Dénonçant la condition des femmes ce premier ouvrage lui offre déjà une renommée internationale. Lorsqu’elle est en lice pour le Goncourt des lycéens pour Les Impatientes, réédition sous un autre titre de son troisième roman, les réactions de sa communauté sont mitigées. « Les gens disaient, "elle a écrit un livre, c’est sérieux quand même. Est-ce qu’on doit être fiers d’elle ?" A ce moment-là, mon mari, le troisième, celui que j’ai choisi, a écrit sur ses réseaux sociaux que le Goncourt, c’était la Coupe du Monde des livres. Alors, ils ont dit que le Cameroun allait gagner ! »
« On buvait ses paroles »
Face à l’autrice, le public buvait du petit lait, tour à tour hilare, étonné, révolté. Aurélie Duro, qui animait la rencontre, partage l’enthousiasme de l’auditoire. « J'ai apprécié son humour, son humilité, son authenticité. J’ai aussi aimé ce partage à cœur ouvert qui nous a permis de découvrir certains aspects sa culture et les réalités des femmes du Sahel en particulier. On buvait ses paroles. Elle est passionnante et touchante. »
Moïra Syl, autrice elle aussi, était parmi le public. « J’ai aimé son franc-parler et sa façon de prendre parti tout en étant aussi capable de dire qu’elle a changé d’avis. Elle fait preuve d’une réflexion intéressante sur tout ce qui lui est arrivé et sur la position actuelle que lui confère son statut d’écrivaine. Je pense qu’il faut être capable d’une grande humilité pour parler de la façon dont être le fait car elle semble avoir conscience de ses forces et faiblesses. »
A la fin de la rencontre, nombreux sont ceux qui ont attendu pour obtenir une dédicace, notamment de son livre Les Impatientes. « Ce que j’ai apprécié dans ce livre, indique Moïra Syl, c’est qu’on a un récit fictif, imaginaire, empreint d’une grande émotion au vu des faits racontés. On retrouve la réalité des femmes peules du nord du Cameroun et une distance avec les faits racontés malgré tout. On a vraiment le sentiment qu’elle comprend chacun de ses personnages. Elle n’excuse rien, ne justifie rien mais on comprend simplement les faits plus en profondeur quand on ne connaît pas. J’ai eu accès à une réalité qui me dépasse. »
Djaïli Amadou Amal sera présente au Festival du livre qui se poursuit ce samedi au Zéphyr, à Cayenne.