A environ 600 mètres de la route, des agents de l’ONF, l’Office National des Forêts, et du Cirad, le Centre de coopération Internationale en Recherche Agronomique pour le Développement, sont à pied d’œuvre. Equipés d’échelles, de machettes et autres outils, ils s’enfoncent dans la forêt. Au sol, des décamètres de couleur jaune quadrillent cette parcelle de six hectares.
Une cartographie des arbres
"Nous sommes en train d’installer de nouvelles parcelles dans l’Est guyanais, explique Laëtitia Proux, responsable technique de la station de Paracou, du CIRAD (UMR ECOFOG). Nous allons géolocaliser tous les arbres de plus de 10 cm de diamètre, nous allons prendre précisément sa circonférence à 1m30 environ à l’aide d’une échelle".
Regardez le reportage de Guyane La 1ère :
L’identification par les botanistes
Une fois géolocalisé et mesuré, l’arbre va être identifié de son nom scientifique ou vernaculaire. Soit à l’œil nu grâce à la connaissance des botanistes, soit en faisant un prélèvement de son écorce.
"Ici, nous sommes à côté d’un Talisia, admire Jean-Martin Odan, agent forestier au Cirad. On le reconnait par rapport aux feuilles et au tronc, celui-ci a au moins 400 ans !"
300 hectares étudiés en Guyane
Sur les huit millions d’hectares de forêt primaire que compte la Guyane, 16 sites sont étudiés, environ 300 hectares. "Quand on change de site, on trouve de nouvelles espèces, remarque Michel Baisie, technicien forestier, et chef de l’équipe Paracou au Cirad. Toutes les espèces ne sont pas représentatives de la forêt. Ici par exemple, on a trouvé tout ce qui est de la famille des sapotacées".
Jusqu’à 50 arbres sur un hectare
Sur un hectare, les agents répertorient jusqu’à 500 arbres. En un peu plus de 20 ans, ils en ont inventorié 260 000. L’identification des espèces passe aussi par le prélèvement des feuilles.
Prélever des feuilles
"Pour cela on a différents matériels, présente Joryan Octavie, technicien forestier au Cirad. Le big shot c’est un poids et une ficelle. On lance une pierre au travers les branches, pour faire descendre les feuilles, qui seront envoyées à Kourou où le botaniste fera les comparaisons pour savoir à quelle espèce on a affaire".
Et lorsque cette technique ne permet pas de récupérer des feuilles, Antoine Lobi entre en action. Il est le chef de l’unité de production des travaux à l’ONF. "J’interviens au fusil pour faciliter la détermination des espèces, explique Antoine Lobi. Ici c’est très couvert au niveau de la canopée d’où le besoin du fusil pour les échantillons".
Lorsque les feuilles retombent au sol, les agents s’en saisissent pour y inscrire les numéros de l’arbre et de la parcelle étudiée.
Mieux comprendre la forêt face au climat
Toutes ces données permettent de suivre la croissance des arbres, leur évolution et les causes de leur mortalité. Elles sont récoltées grâce au dispositif Guyafor.
"Ce dispositif forestier vise à étudier la forêt, comprendre sa diversité, le carbone, toute la biomasse qu’elle comprend et surtout ces évolutions dans le temps et en prenant en compte les changements climatiques", détaille Caroline Bedeau, responsable du pôle RDI, Recherche Développement Innovation de Cayenne pour l’ONF en Guyane.
Les scientifiques ont déjà remarqué que les périodes de sécheresse ralentissaient la croissance de certains arbres et notamment celle des essences commerciales. Ces informations sont cruciales pour aller vers une gestion forestière durable, estime l’ONF.
Et face à l’exploitation
"Sur cette parcelle, nous sommes sur un dispositif qui vise à être exploiter pour la production de bois d’œuvre, donc l’objectif sera aussi de voir la réponse de la forêt à cette exploitation forestière", ajoute Caroline Bedeau.
Avant d’installer cette parcelle, les agents avaient déjà effectué un premier inventaire des espèces qui pourraient être intéressantes pour la filière. Ils ont aussi déterminé si les volumes étaient suffisants pour mettre en œuvre une future exploitation.
Vers une gestion forestière plus durable
D’ici deux ou trois ans cette parcelle sera exploitée, les bois seront coupés, puis les agents reviendront étudier la repousse des espèces. Selon eux, l’exploitation peut se faire à faible impact et sans engendrer de perte de biodiversité. Ils tentent ainsi d’aller vers une nouvelle gestion plus durable de la forêt.