Maladie du manioc en Guyane : un an après le plan de relance, où en sont les agriculteurs de Saint-Georges ?

Jacob Jutte, coordinateur de l’association autochtone Panakuh.
La maladie du manioc, un champignon venu d’Asie, a décimé des centaines d’hectares de plantations de manioc en Guyane, et notamment à Saint-Georges de l’Oyapock. Un an après la mise en œuvre du plan de relance, des agriculteurs de Saint-Georges ont réussi à faire pousser des boutures saines de manioc. En attendant leur mise en terre, le couac du Brésil a déjà envahi les étals de l'Est guyanais.

Le manioc est la base alimentaire de milliers de personnes en Guyane. Il est aussi la source de revenus pour des dizaines d’agriculteurs.

Deux ans après le début de la crise, Steve Norino, agriculteur, veut trouver des solutions pour sauver cette plante. Sur son abattis à l’entrée de Saint-Georges, il a construit une petite serre sous laquelle des pousses de manioc sortent de terre.

Steve Norino, agriculteur, produit du manioc à Saint-Georges.

Des boutures saines nées sous serre

"Ce sont des boutures mises sous une serre thermique pour pouvoir éliminer des champignons s’il y en a, explique Steve Norino. L’objectif est de faire des boutures saines que l’on mettra ensuite en terre".

Regardez le reportage de Guyane La 1ère :

La lutte contre la peste du manioc à Saint-Georges

Steeve fait partie des agriculteurs qui participent au plan Sanimanioc. Il y a deux ans, ses champs, comme d’autres en Guyane et dans l’Etat voisin de l’Amapa, ont été touchée par le ceratobasidium.

Steve Norino, agriculteur, produit du manioc à Saint-Georges.

Un champignon dévastateur

Ce champignon présent en Asie depuis 2009, a été découvert pour la première fois sur le territoire sud-américain en 2022. Les premiers dégâts ont été constatés sur le Maroni, puis à Saint-Georges, mais aussi de manière moins prononcée à Iracoubo et Cacao. Partout, les plants de maniocs des agriculteurs ont été touchés de plein fouet.

Steve Norino, agriculteur, produit du manioc à Saint-Georges.

"On est toujours dans une période de turbulences avec des phases expérimentales, explique Steve Norino. Le Cirad et la Fredon travaillent ensemble pour trouver des alternatives". 

Il faut des études et des mesures concrètes pour sauver le manioc et ne pas en faire un bouc émissaire.

Steve Norino, agriculteur

Un an après le plan de relance

En janvier 2024, le plan Sanimanioc a été mis en place par la CTG, Collectivité de Guyane et le Cirad. Des serres thermiques ont été installées à Saint-Georges et dans neuf autres communes, dont Kourou, Iracoubo, Saint-Laurent, Maripasoula ou encore Camopi. Coût de l’investissement : 200 000 euros.

A Saint-Georges, le principal groupement d'agriculteurs de l'Est, l’association Panakuh a formé des exploitants à ce procédé thermique, avec l’espoir de voir pousser une plante saine. Pour l’instant, les boutures ont pris, elles semblent saines, mais rien n’est encore gagné.

Jacob Jutte, coordinateur de l’association autochtone Panakuh.

Des boutures saines, mais encore des incertitudes

"Nous ne savons pas du tout comment le pathogène se propage, si cela se fait par les airs, par les outils utilisés dans les abattis ou si c’est dans le sol, raconte Jacob Jutte, coordinateur de l’association autochtone Panakuh. La recherche doit s’axer sur cela". 

On peut avoir des boutures saines, mais il faudra voir dans le temps si les symptômes se représentent ou pas.

Jacob Jutte, coordinateur de l’association autochtone Panakuh

Privilégier des variétés, éviter les abattis contaminés

Les agriculteurs ayant participés au plan Sanimanioc attendent désormais le feu vert du Cirad pour mettre en terre leurs boutures. La saison des pluies a commencé, le moment est idéal.

En attendant, les agriculteurs échangent entre eux. Ils ont déjà privilégié certaines variétés de manioc jugées plus résistantes. Tous ouvrent aussi de nouveaux abattis loin de ceux contaminés pour replanter du manioc. 

Jacob Jutte, coordinateur de l’association autochtone Panakuh.

Pas de manioc, pas de couac

A Saint-Georges, le champignon a détruit des parcelles entières. "Aujourd’hui, il n’y a quasiment plus de production de manioc, je dirai qu’elle a chuté de 80 à 90%", déplore Jacob Jutte. 

C’est pareil pour les produits dérivés du manioc, comme le couac ou le tapioca. Nous sommes encore en pleine crise.

Jacob Jutte, coordinateur de l’association autochtone Panakuh

Une crise qui entraîne des conséquences indirectes. Ces derniers mois, le couac du Brésil a envahi les étals dans les rues de Saint-Georges. A l’entrée de la commune, l’association Wacapou a vu sa fabrique de couac se vider. Sous le carbet d’Elsa, les platines n’ont pas servi depuis juillet 2023.

La fabrique de couac du l’association Wacapou.

Des platines à l’arrêt

"C’est difficile, sans manioc, sans couac, parce que je n’aime pas manger le couac du Brésil, je mange le couac que j’ai fait, le manioc que j’ai planté, tout bien nettoyé, car je fais du bon couac", s’exclame Elsa Batista.

La fabrique de couac du l’association Wacapou.

Ces dernières semaines, Elsa a retrouvé le sourire. Sur son abattis, quelques plantes saines de manioc ont repoussé. 

Grâce à Dieu, le manioc commence à repousser, donc aujourd’hui j’ai fait un peu de couac.

Elsa Batista

"Après deux ans sans manioc, on reprend espoir", ajoute Guillaume Paulo Emilio, président de l’association Wacapou.

Paulo Emilio, président de l’association Wacapou, et Elsa Batista.

Faire de la crise une opportunité

Dès 2022, des chercheurs ont pensé à arrêter toute production de manioc pour se débarrasser du champignon. Mais les agriculteurs, eux, veulent que la crise, se transforme en une opportunité pour développer durablement la filière.

La fabrique de couac du l’association Wacapou.

En Guyane, 7 700 hectares étaient consacrés à la culture de tubercules et principalement le manioc. La production annuelle était estimée à 35 000 tonnes.

En Amapa, l’état d’urgence phyto sanitaire a été décrété dès 2022.