Françoise, Stéphanie, Jean-Daniel : ils sont infirmiers et médecins en réanimation. Tous embarquent à bord d’une pirogue direction le village de Trois Palétuviers à une heure de navigation de Saint-Georges.
Avec les chefs coutumiers
Depuis le 20 janvier, une équipe de soignants du Centre Hospitalier de Cayenne est en mission dans l’Est de la Guyane pour sensibiliser au don d’organes, dans une zone où l’accès aux soins est difficile et où des barrières culturelles existent.
Arrivés dans ce village amérindien de près de 200 habitants, ils se présentent aux chefs coutumiers. Ils sont accompagnés par la vice-présidente du grand conseil coutumier de Guyane. "C’est important de venir apporter ces informations sur place, car ces populations sont éloignées de Cayenne, reconnaît Catherine Yapara. Quand on parle de don d’organes, on parle de la mort et ce n’est pas facile car nous avons certaines croyances".
Regardez le reportage de Guyane La 1ère :
"On ne voit cela qu’à la télé"
Sous le carbet du village, une dizaine d’habitants se rassemble pour les écouter les soignants. Le sujet bouscule un peu.
C’est la première fois que j’entends tout cela. Si cela peut sauver une personne, peut être que je pourrais le faire, mais c’est compliqué.
Martin Robert, premier adjoint au chef coutumier à Trois Palétuviers
"Ici, ce n’est jamais arrivé de donner un rein ou un autre organe, on ne voit cela qu’à la télé", poursuit Davidson Martin. De son échange avec les soignants, ce trentenaire originaire de Trois Palétuviers retient que ce "n’est pas forcé". "On peut accepter de donner ou non", insiste-t-il.
La réflexion du don
Accepterait-il de donner l’un de ses organes un jour ? Le jeune homme avoue ne s’être jamais posé la question jusqu’à présent. "Cela dépend, si ça peut sauver la vie d’une autre personne de notre famille ou du village, peut-être, il faut réfléchir, mais c’est aussi partager quelque chose qui est à l’intérieur de nous", explique-t-il.
Au-delà du don d’organes
Au-delà du sujet du don d’organes, Davidson est satisfait de son échange avec les infirmiers et les médecins de l’hôpital. "Merci à eux de venir nous éduquer sur ces sujets, j’ai appris par exemple qu’on peut vivre avec un seul rein et vivre longtemps même !", s’exclame-t-il.
Chez les palikour, le mot organe n’existe pas. "Nous les nommons, nous parlons du cœur, du foie, des poumons, des reins, nous expliquons le rôle de chaque organe", décrit Francoise Rourosse, infirmière de la Coordination du Prélèvement d’Organes et de Tissus.
Nous utilisons des termes simples. On parle aussi des maladies des reins, des conséquences pour les personnes en dialyse et on leur dit qu’offrir un organe après sa mort, peut sauver des vies et mêmes deux vies pour le rein.
Francoise Rourosse, infirmière de la Coordination du Prélèvement d’Organes et de Tissus
Uniquement les reins
En Guyane, seul le don de reins est possible. C’est le seul organe capable de rester viable plus de 24 heures et d’être transporté jusqu’au CHU de Guadeloupe où ont lieu les greffes d’organes pour la zone Antilles-Guyane.
Pour cette équipe de soignants, accompagnée du directeur général du centre hospitalier de Cayenne, Christophe Bouriat, pas question de forcer qui que ce soit. Être donneur relève du choix de chacun et selon eux, le principal est d’en parler. Tous travaillent en réanimation et ont pu constater que souvent, les familles ignorent les décisions de leur proche, car le sujet n’a pas été abordé du vivant du patient.
Regardez les précisions de Guyane La 1ère :
Une décision dès 13 ans
"Nous sommes à leurs côtés dans ces moments-là pour poser des questions et tenter de comprendre qu’elle aurait été la volonté du patient, explique Jean-Daniel Monsabert, infirmier de la Coordination Hospitalière du Prélèvement d’Organes et de Tissus. Mais c’est bien plus simple d’en parler de son vivant".
Regardez son interview sur Guyane La 1ère :
En France, chacun est considéré comme un donneur potentiel. Celui qui refuse, peut s’inscrire dès l’âge de 13 ans au registre national du refus du don d’organe. C’est pourquoi, les soignants du centre hospitalier de Cayenne se sont aussi rendus à la cité scolaire de Saint-Georges en début de semaine pour rencontrer des élèves de 4ème en âge de décider d’être donneurs. De manière ludique, ils les ont sensibilisés au sujet. En un peu plus d’un mois, les équipes de l’hôpital sont intervenus dans sept collèges sur les 35 que comptent la Guyane.
Regardez le reportage de Guyane La 1ère :
Bientôt sur le Maroni
En s’adressant aux jeunes, médecins et infirmiers espèrent qu’ils véhiculeront ensuite le message auprès de leur famille. Ces professionnels de santé sèment aussi des graines pour la suite. "On travaille pour dans 10 ou 20 ans, pour que ces adultes de demain sachent ce qu’est le don d’organe, pour peut-être un jour l’envisager", confie Stéphanie Houcke, médecin en réanimation.
Regardez son interview sur Guyane La 1ère :
Début février, les soignants iront sensibiliser les habitants du Maroni. L’an dernier, quatre personnes ont fait don de leurs reins en Guyane. Ils étaient sept en 2023.