Jean-Clair Anni raconte le retour des Mécènes au Soleil Levant : « Nana, c’est toute une vie ! »

« Nana, c’est toute une vie ! C’est là que j’ai fait mon premier carnaval avec Les Mécènes ! » A l’approche de l’ouverture du dancing, Jean-Clair Anni ne cache pas sa joie. Celui qui est désormais le doyen du groupe se souvient avec émotion du début de l’aventure pour lui. « En 1965, j’ai fait mon premier concert au Rex avec mon petit groupe, Les Jaguars. Nous avions tous 15 ans… Après, à partir de 1981, j’ai commencé à jouer avec les Mécènes. J’avais fait la tournée des communes avec eux durant les vacances pour les fêtes communales. Nous étions allés à Saint-Laurent, Iracoubo, Montsinéry… En 1982, j’ai fait mon premier carnaval avec eux. »

Nana, entre 1982 et 1994

De cette première fois chez Nana, Jean-Clair Anni se souvient des copains à ses côtés : au trombone, Alain Williams ; au saxophone, Prosper Polony, Robert Ferdinand et Mécène Fortuné, également chef d’orchestre ; au chacha, « le Père Gazelle » ; à la batterie, André Polony ; au conga Rémy Décembre ; à la basse Romule Mandé ; à la clarinette, Gilles Jonaïs et aux percussions, « le petit Polony ». Au chant, ce premier soir : Henri Henrion, Hugues Tong Lee A Taï et bien sûr Bernard Inglis. « Nous n’avions pas de chanteuse à ce moment-là. Orlane est venue quelques années après. » Après, il y aura Clara Nugent, la nièce de Jean-Clair Anni et d'autres encore. 

Entre 1982 et 1994, le groupe ne manque pas une saison carnavalesque. Parmi les moments forts dont se rappelle Jean-Clair Anni : le soir où, profitant de leur passage en Guyane pour un concert, des membres du groupe Kassav sont passés les écouter. Le tromboniste se souvient encore de la surprise et de l’intérêt de Jean-Claude Naimro lorsqu’il a entendu la mazurka comme chez eux, mais qui « ne roulait pas » comme chez eux. On pourrait s’amuser à comparer le son de Kassav avant et après, histoire de voir si le célèbre groupe antillais a puisé quelques sonorités chez le groupe guyanais !

En 1994, malgré le succès, malgré la réputation, les Mécènes choisissent de quitter Nana. À ce moment, des inquiétudes portent sur la capacité de la salle à recevoir tant de monde, selon Jean-Clair Anni.

Les fidèles de chez Nana

Le premier bal paré masqué chez Polina se déroulera en 1995. « Chez Polina, ça a commencé timidement. Des groupes d’anciens nous ont suivis : des groupes de touloulous, la famille, les copines de Maman… Nous avons aussi gagné d’autres fans, surtout chez les jeunes. » Mais malgré ce succès, Jean-Clair se souvient, avec une pointe de tristesse des autres. Ceux qui, attachés à la salle, n’ont pas suivi le groupe chez Polina.

« Chez Nana, nous avions des supporters fidèles. Les meilleurs, c’était le Vélo solex club. Ils ne sont pas venus chez Polina. Pour eux, c’était Nana et rien d’autre. Les membres de ce groupe étaient de vrais animateurs de salle. Certains me donnaient des conseils sur de petits trucs. Et puis la première soupe du matin c’était à côté, chez l’un d’eux, Félix Zaou. Parfois, j’y allais même pendant la soirée quand on jouait un morceau sans trombone ! » Ces ambianceurs, Ti Maria, Charles Armand, Champon, Ormal « un excellent danseur qui me suivait à la perfection », Henri Tong Lee A Taï… Jean-Clair Anni s’en souvient parfaitement. « C’étaient les cavaliers les plus demandés ! »

La morsure du touloulou

Si pour les touloulous et les cavaliers la piste de Nana est le théâtre de nombreux souvenirs, il en est de même pour ceux qui fréquentaient la scène. Perché sur l’estrade, le doyen des Mécènes se souvient de scènes dignes de films. « J’ai vu un directeur du Conseil général prendre une baffe ! Il a regardé autour de lui et il a cru que personne ne l’avait remarqué, mais moi j’ai vu ! Et puis il y a aussi la fois où un touloulou a mordu un cavalier. Elle l’avait déjà menacé avec son doigt deux fois. Il a continué à danser avec un autre touloulou. Elle s’est approchée, elle a soulevé sa bavette et l’a mordu dans le dos ! »

De la scène Jean-Clair peut aussi admirer l'ensemble des danseurs. Un moment qu'il apprécie particulièrement avec le morceau Kasé rin. « Il y a un vrai spectacle avec les touloulous sur ce morceau. (Il chantonne) Kasé à gauche, kasé à droite... Et puis d'un coup, sur le "wap", tout le monde descend en même temps!»

Chez Nana, les Mécènes avaient aussi une petite habitude que Jean-Clair Anni chérissait : « certains groupes de touloulous, qu’on connaissait, nous faisaient signe pour qu’on joue leur chanson préférée à leur arrivée. On a essayé de faire ça chez Polina, mais ça n’a pas pris. »

Faire revivre le centre-ville de Cayenne

En 2020, lorsqu’ils quittent Polina, une salle où, à entendre le tromboniste, le groupe a aimé jouer, c’est pour aller vers quelque chose « de plus grand ». Le Grand palace, installé au Progt permet, en plus de la salle de danse, d’avoir des loges, un espace de réparation pour les touloulous ayant besoin de reprendre une robe ou des chaussures, des navettes, un coin pour le massage des pieds… Mais le Covid arrive et y met un frein. Après, les Mécènes n’auront plus de salle fixe.

Je crois que le plus heureux de tous, c’est moi !

Jean-Clair Anni, doyen des Mécènes

« Aujourd’hui, nous avons eu cette opportunité pour revenir chez Nana. Il faut dire qu’il y a une pression du public pour ne pas laisser mourir le centre-ville, faire revivre Nana et son village », explique Jean-Clair Anni qui salue Soyana, la nouvelle équipe, « des jeunes qui ont beaucoup d’imagination » qui reprend l’organisation des bals.

Même si lui, n’a jamais vraiment quitté Nana puisqu’il y joue le jeudi soir avec la Banda Jankler, le musicien semble trépigner d’impatience. « Seuls Gaëtan Jean-Elie, Olivier Chocho, Emile Polony et moi avons déjà joué chez Nana avec les Mécènes. Tous sont très heureux, reconnaît Jean-Clair Anni. Mais vraiment… Je crois que le plus heureux de tous, c’est moi ! »

Cette année les Mécènes ont des nouveautés musicales. Peut-être les joueront-ils ce samedi chez Nana, avec leurs meilleurs morceaux? En réalité, nous n'en savons rien: le groupe ne diffuse pas son programme en amont, laissant le public le découvrir dans la salle.
Même pas quelques titres pour nous faire patienter? Jean-Clair Anni ne cèdera pas. Ne restent donc plus que quelques heures à attendre.