Journée internationale des maladies rares. Témoignage « le handicap invisible c’est la double peine »

Astrid Roura atteinte de la sarcoïdose depuis 10 ans
Ce 28 février est la journée internationale des maladies rares, elles sont qualifiées en France d’enjeu majeur de santé publique. En Guyane plus de 300 personnes sont soignées pour des pathologies rares. Astrid Roura est atteinte de la sarcoïdose, une maladie de la douleur détectée il y a dix ans. Elle témoigne de ses difficultés à se faire soigner et à gérer la maladie qui altère sa qualité de vie au quotidien.

Astrid Roura souffre d’asthme sévère depuis l’enfance. Ce qui l'oblige à suivre de nombreux traitements pour éviter les crises. En 2014, admise en réanimation suite à une énième crise, elle demeure vingt jours dans le coma. La pneumologue qui la suit décide de l’envoyer à Paris à l’hôpital Bichat pour des analyses plus poussées sur les origines de ses crises graves et à répétition.

Une sarcoïdose détectée en 2015

Les investigations révèlent qu’elle avait souffert d’un chikungunya qui serait un élément déclencheur d'autres pathologies. Commencent alors de nombreux allers-retours entre Paris et Cayenne. Astrid multiplie les crises d’asthme et de douleur. Au bout de deux ans, elle est opérée pour un prélèvement pulmonaire et on découvre qu’elle est atteinte de la sarcoïdose.

C’est une maladie rare auto-inflammatoire multisystémique de cause inconnue. Elle se caractérise par le développement de granulomes immunisés non caséeux affectant tous les organes et dont les symptômes cliniques et la sévérité sont variables.

Un coup de massue pour la jeune femme qui fréquente les hôpitaux et sanatoriums depuis l’âge de 6 ans.

« Je souffrais donc de douleurs articulaires aiguës pour lesquelles je prenais des antidouleurs qui étaient le plus souvent sans effet. Cette maladie fatigue beaucoup puisqu’elle touche les poumons et peut aussi atteindre le cœur et les yeux. Mes deux poumons sont atteints. J’ai commencé un traitement expérimental il y a quatre ans qui produit ses effets. J’ai moins de crises, les douleurs sont toujours là mais moins importantes mais cela n’empêche pas la survenue de crises d’asthme. »

Une errance médicale de six années

Avant que ne soit diagnostiquée sa maladie Astrid a dû multiplier les admissions à l’hôpital à Cayenne comme à Paris. Une période d’incertitude traumatisante où elle a souvent eu le sentiment d’être un simple objet d’expérience :

« Au CHU Bichat, j’ai souvent eu l’impression de ne pas être une personne mais un numéro sur une porte, un numéro sur un bracelet. Le professeur quand il donne un traitement n’explique pas ce qu’il y a, ce qu’il va donner, le pourquoi du traitement. Ils sont 15 dans la chambre, le professeur discute avec ses élèves mais pas avec moi. Je suis un sujet d’étude et concrètement on va réaliser des tests sur moi. Il n’y a pas de respect de la personne d’outre-mer qui a fait huit heures de vol qui attend qu’on libère sa chambre pour enfin se reposer. On commence tout de suite les examens et cela s’enchaîne… J’ai fini par changer d’hôpital. »

À l’hôpital Ambroise Paré spécialisé dans les maladies auto immunes, la patiente expérimente aussi d’autres traitements et est suivie par un rhumatologue pour la douleur. Les nouveaux médicaments lui apportent un certain soulagement.

Survient la crise sanitaire Covid 19. La Guyane étant placée en zone rouge et les voyages ne sont pas conseillés pour Astrid. La rhumatologue refuse de la suivre à distance. Il lui faut trouver un autre établissement. Cela sera l’hôpital Saint-Joseph avec un professeur qui connaît la maladie et lui prescrit un autre traitement expérimental qu’elle suit actuellement.

Des dégâts collatéraux psychologiques importants

Dans la multitude de ces expériences dans les hôpitaux, Astrid a subi aussi des chocs psychologiques comme l’annonce brutale d’une fin de vie accélérée :

« À l’hôpital Ambroise Paré on ne me donnait pas beaucoup de temps pour profiter de ma vie. Les médecins étaient certains qu’après dix ans mes poumons seraient morts. Psychologiquement, cela m’a atteint. Dans le même temps j’ai été licenciée et j’ai eu beaucoup de mal à gérer tout cela avec en plus la solitude sociale, les amis s'étaient éloignés. Heureusement, j’ai le soutien indéfectible de mes parents et de mon fils. »

Tout en gérant cette maladie, Astrid tente de rebondir professionnellement. Un cheminement difficile. Elle a été reconnue handicapée mais avec son handicap qui ne se voit pas, elle subit les désagréments d’une société souvent intolérante :
« Il faut toujours se justifier. La suspicion des autres est difficilement supportable tout cela parce que j’ai mes deux bras et mes deux jambes. Le handicap invisible dans une file d’attente c’est la guerre même en brandissant une carte d'invalidité. »

Se réinsérer socialement

Dans la vie de tous les jours, continuellement fatiguée, elle dort beaucoup. Elle a tout de même pu travailler durant six mois en 2024 grâce à la bienveillance d’une patronne. Cela lui a permis de rendre compte qu’elle pouvait encore avoir une activité professionnelle.
« Après 10 ans d’inactivité j’avais des doutes sur moi. Peut-être qu’il est plus facile d’attendre sa pension devant la télé mais ce n’est pas ce que je veux. J’ai commencé à travailler comme saisonnière à 16 ans. »

Cette réinsertion, Astrid semble sur le point de l’obtenir. Elle a trouvé un employeur qui a compris que même avec une activité en pointillé, elle peut participer à la bonne marche d’une entreprise :

« Ma maladie s’est réveillée avec le chikungunya mais elle peut s’arrêter du jour au lendemain et me laisser vivre ma vie. La question qui se pose maintenant si j’arrête le traitement est-ce que la sarcoïdose va rester au stade larvaire ne plus bouger ou carrément s’accentuer. »