Les séquelles sont visibles dans les quartiers pauvres
De nombreux vendeurs de poissons ou de légumes occupaient d'ordinaire les abords du canal Laussat, mais l'épidémie de coronavirus en Guyane a mis à genoux une grande partie de la population guyanaise.
Christian, retraité depuis 5 ans avoue ses grandes difficultés pour avoir juste de quoi se nourrir."On voit une différence ! Il y a des clients habituels qui n’ont plus aujourd’hui les moyens d’acheter mon poisson. Je négocie le prix, je conclue l’affaire de manière à ce qu’on puisse tous les 2 s’en sortir.
Je ne peux pas dire que je vis décemment. Je suis retraité depuis 5 ans, je ne bénéficie pas d’aides de l’état, de la CAF ou de l’aide au logement. Donc, on survit, on est obligé de faire du travail au black mais depuis l’arrivée du virus, on est asphyxiés. Les gens avec des petites retraites comme moi, on ne bénéficie de rien, voilà notre problème.
Femmes de ménage, jardiniers, maçons, peintres ou revendeurs à la sauvette... autant de petits boulots qui faisaient vivre des milliers de familles en situation régulière ou non sur le territoire avant la crise sanitaire. En raison du confinement, des régles sanitaires et du couvre-feu, ces petits jobs et leurs revenus ont disparu dans de nombreux foyers guyanais.
L’association AFDG (Association Franco-Dominicaine de Guyane) multiplie les maraudes au village chinois pour venir en aide aux familles dans le besoin.
L' association croule sous les demandes, précise Ines Moronta, la présidente de l’AFDG
A chaque fois qu’on fait des inscriptions, on a à chaque fois 500 personnes de plus. Chaque semaine, c’est pareil, rebelotte… encore de nouvelles personnes. On travaille 24h sur 24. Il faut savoir qu’après la crise, beaucoup ne vont pas retrouver du travail tout de suite Ces gens-là, on les aura encore avec nous pendant plusieurs mois. Le travail, il est pendant et après la crise. Heureusement l’état a mis des moyens, beaucoup de moyens.
Melania Matos Alcantara est médiatrice sociale pour l'association AFDG. Elle s'occupe des habitants du village chinois et la crise Covid a eu des impacts sur le quartier où la plupart des riverains vivant auparavant de petits jobs n'ont plus de travail.
Avant la crise sanitaire, on voyait déjà des gens en difficulté, mais aujourd’hui, c’est pire, c’est de pire en pire ! Il n’a y a plus de jobs, plus rien. On ne voyait pas autant de misère avant. Les demandes d’aides alimentaires se multiplient.
La crise Covid touche aussi des travailleuses du sexe du village chinois
La majorité d'entre elles sont arrivées de la République Dominicaine et la crise Covid a eu une lourde conséquence pour ces femmes précise en charge par l 'AFDG.
Les travailleuses du sexe, on ne les voyait pas autant avant. On les voit toutes dans la rue et multiplier leurs demandes d’aides alimentaires, c’est normal, on leur dit de ne plus sortir donc on est obligées de les soutenir.
Derrière les murs, la misère explose
C’est un immeuble abandonné depuis des années rue Ernest Prévot à Cayenne dans le quartier du village chinois.
60 appartemens qui sont tous occupés par des familles en situation irrégulière.
C’est ici que Martina Delo Santos a trouvé refuge.
Elle est arrivée de la République Dominicaine il y a 2 ans et a demandé l’asile politique.
Martina Delo Santos a 57 ans et vit seule en Guyane, dans un petit réduit installé sous la cage d'escalier du vieil immeuble.
Comme la plupart des migrants, Martina vivait aussi de petits jobs mais avec la crise sanitaire, elle ne gagne plus rien.
Je vivais avec l’aide de l’asile politique, mais maintenant, c’est terminé, on ne me donne presque plus rien. J’avais 250 euros avant, maintenant j’ai 70 euros par mois. On vit tous comme ça, plus personne ne travaille, on est tous dans la même situation, on est tous sans papier.
Luz Patria Arias est aussi arrivée de la République Dominicaine il y a 4 ans.
De la Guyane, elle ne savait rien.
Selon une étude de l'Insee de 2017, plus de 122 000 personnes vivent en Guyane avec moins de 600 euros par mois. La crise Covid a plongé d’autres familles dans une extrême précarité.On m’a dit que je venais en France, de porter des vêtements pour le froid et quand je suis arrivée, ce n’était pas la France ! On m’a vendu un rêve. Ici, avant, je faisais du ménage, du repassage, j’avais 10 euros mais maintenant il n’y a plus rien. La situation est très difficile pour avoir du travail, c’est très dur. Aujourd’hui, j’ai le soutien et l’aide de l’association dominicaine et je vis avec ce qu’on me donne.
Depuis le début de la crise sanitaire en Guyane, l’état a débloqué une aide exceptionnelle de 3,3 millions d'euros pour répondre aux situations de detresse.
Depuis début mars, 38 000 personnes sont suivies par les associations de Guyane et leur nombre augmente chaque semaine.