En 2020, 160 pontes de tortues luth constatées sur les plages de Rémire. 10 000 pontes en 2009. Pourquoi la luth déserte la Guyane ? La plus grande des tortues marines est classée espèce en danger d’extinction depuis 2019.
Un souffle rauque sur le sable de la plage des salines à Rémire-Monjoly. Une tortue d’une demi-tonne est en plein travail. C’est une tortue Luth. Sa couleur: bleu noir. La plus grosse des tortues marines. Elle mesure environ un mètre 60.
Ce spectacle impressionnant et magique est-il voué à disparaitre ?
Profitant de la marée haute, la tortue luth est venue pondre sur la plage de Rémire. Cette future maman s’affaire à creuser son trou dans le sable. Elle lance ensuite en rafale ses œufs par dizaines.
Des œufs de la taille d’une balle de ping pong.
C’est la 3ième tortue luth observée cette année sur ce site explique Benoit de Thoisy, le responsable de l’association Kwata.
C’est le tout début de la saison des pontes des tortues luth. Mais cette année encore, on craint d’en voir de moins en moins sur les plages de Rémire ou d’Awala-Yalimapo.
Marc Gilles est animateur environnement pour Kwata sur la plage d’Awala. Il scrute lui aussi l’arrivée des luth sur le site.
Les 3 premières viennent d’arriver. Elles sont un peu en avance cette année. Les luth arrivent fin avril en général.
Depuis son enfance dans son village amérindien Kalina, Marc Gilles a toujours vu ces géantes de la mer venir pondre sur les plages d’Awala-yalimapo.
Dans les années 1990, 40% de la population mondiale de tortue luth venaient pondre sur le site d' Awala-Yalimapo. On pouvait compter jusqu'à 50 000 pontes par saison. C’était le plus grand site de ponte au monde.
"On a constaté 112 pontes à Awala et 160 pontes sur les plages de Rémire en 2020. Il y en avait eu 10 000 sur les plages des salines à Rémire en 2009. C’est un déclin total" précise Benoit de Thoisy.
Les causes du déclin des tortues luth
Un des facteurs envisagés : le cycle naturel
La population de luth ayant fréquenté les plages de Guyane pourrait être vieillissante.
"Pendant plusieurs années, il y eu beaucoup de femelles sur les sites. Ces tortues ont fait leur boulot de reproductrice, y a des vieillissements de la population et le déclin de cette colonie" précise l’association kwata.
Autres raisons du déclin des Luth : les captures accidentelles de pêche
Les tortues luth sont de grandes migratrices. Elles arrivent de l’estuaire du St Laurent, dans l’atlantique nord. Un voyage de 7500 à 8000 kilomètres pour parvenir jusqu’en Guyane.
C’est la migration la plus importante pour une tortue marine. Durant leur long voyage, les luth croisent des zones de pêche dans l’atlantique nord.
La luth victime aussi des changements climatiques
Un rapport de Greenpeace de 2020 évoque les dérèglements climatiques comme cause du déclin. La raréfaction des ressources due au dérèglement climatique obligent les tortues luth à parcourir de plus en plus de distance pour s’alimenter.
Après leurs pontes, elles vont migrer à la frontière entre eau chaude et eau froide en atlantique nord. Ce front a tendance à remonter de plus en plus vers le nord.
Ca fait de longs voyages et les tortues se fatiguent. Elles puisent dans leurs réserves et cela peut entrainer une baisse d’efficacité des pontes. Elles doivent donc faire un compromis entre survivre ou se reproduire. Le Gulf Stream fait aussi clairement n’importe quoi ! Les tortues Luth doivent passer beaucoup plus de temps à trouver leurs routes.
Signe du danger : Depuis 2019, le statut de la tortue luth a été revu par l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature (UICN)
La luth est désormais classée espèce en danger d’extinction. Elle était jusque-là considérée en préoccupation mineure.