Son lien puissant avec la nature, Alvin Persaud le tient de son enfance au Guyana passé dans un village situé non loin de Georgetown. Il a été élevé par sa grand-mère venue d’Inde qui avait une connaissance parfaite des plantes. Elle lui a transmis en héritage tout ce savoir qu'elle avait, elle-même, hérité de sa culture indienne.
« On ne dépendait pas de la ville comme maintenant, nos ressources on les tirait de la terre. »
12 ans au cœur de la forêt guyanaise
Arrivé en Guyane en 1999 pour rejoindre son père, il est rapidement embauché par une entreprise pour un chantier de travaux public à Camopi. Un an après, bien intégré dans le village, comme les Amérindiens, il va à la chasse, à la pêche et dans les abattis. C’est encore là qu’il fonde un foyer. Il reste 12 ans entre Camopi et Trois Sauts. Pendant cette période, il se familiarise avec la langue wayampi, le français et le brésilien et surtout arrive à se déplacer seul dans la forêt sur le sol français ou brésilien.
Des Camopiens, il apprend leurs pratiques et leurs savoir-faire, notamment sur les essences forestières et leur exploitation durable, mais c’est avec un formateur de l’ONF qu'il intègre les techniques d’abattage, de sciage et de construction notamment pour des ponts et des carbets. Un apprentissage qui s'étale sur un an et demi et lui donne les clés du métier.
Il obtient ainsi ses premiers contrats avec le Parc Amazonien où il acquiert une expertise en abattage et sciage de bois.
Du travailleur forestier au formateur reconnu
Sa technicité et son engagement lui valent d’être reconnu comme un expert dans son domaine, jusqu'à devenir lui-même formateur en abattage contrôlé. Une formation suivie à Macouria au lycée agricole de Matiti en 2016.
« Aujourd’hui c’est moi qui assure les formations pour tous ceux qui ceux qui apprennent l’élagage. Je leur dis toujours : ce n'est pas juste un travail, c'est un engagement envers la nature »
Alvin Persaud
Alvin Persaud a une approche complètement holistique de l’abattage ou de l’élagage des arbres. Formant des professionnels comme des jeunes en insertion, il essaie de partager son savoir-faire technique et aussi son éthique.
Avant d’intervenir sur un chantier, il analyse l’environnement de ou des arbres :
« J’ai le respect des arbres, pour moi c’est primordial. Ils sont comme nous et avant de faire quoi que ce soit sur eux, il faut savoir les entendre. Nous avons cette capacité d’entendre leur âme qui nous ramène beaucoup d’informations. Je ne sais pas si j’ai un sixième sens mais moi j’entends. S’il s’agit d’abattre un arbre je sens si je dois le faire ou pas. Avant de commencer, il faut connaître son âge et fixer la période à laquelle on va intervenir. J’explique bien aux clients pourquoi il faut respecter ces règles surtout pour l’élagage des arbres fruitiers comme les manguiers qui devront cicatriser. Il faut être très respectueux de cela. Il y a des parties qu’on ne peut pas couper avec la machine, il faut utiliser la scie à main pour une coupe propre.»
Un métier de la nature à préserver
Pour Alvin Persaud, il est essentiel de faire comprendre que l’exercice de ce métier doit d’abord répondre à une éthique, à un respect des règles naturelles pour lutter contre les dérives d’une exploitation trop souvent guidée par la rentabilité au détriment du vivant.
« Cette activité, en fait, l’élagage, c'est un métier à risque. Il ne faut pas considérer que l'aspect financier et prendre son temps. Cela peut coûter très cher car il faut parfois quatre à cinq jours pour venir à bout de certains arbres énormes comme les courbarils ou les fromagers. C’est mon métier et j’ai envie de faire ça jusqu’au dernier jour mais c’est quand même très physique ».
Outre son activité d’élagueur, Alvin Persaud a acquis un terrain à Montsinéry où il cultive des arbres fruitiers et des légumes. Son épouse, enseignante, y initie les élèves à la nature et aux métiers de la forêt.
Pour Alvin Persaud la transmission est essentielle :
"Il faut que les jeunes Guyanais reprennent en main leur patrimoine forestier. C’est leur terre, leur forêt."