"Il faut continuer la lutte!" : des ultramarins moins nombreux mais toujours mobilisés pour les congés bonifiés

Neuf mois après le début du mouvement, entre 200 et 300 personnes se sont rassemblées jeudi devant le ministère de l’Économie et des Finances pour défendre les congés bonifiés réservés aux fonctionnaires originaires des DOM. Une délégation a été reçue par Bercy.
 
Ils sont, de nouveau, venus manifester leur mécontentement, à l’appel de plusieurs syndicats et associations, place du Bataillon du Pacifique, à Paris, sous les fenêtres du ministère de l’Économie et des Finances. Infirmiers, policiers, postiers, éducateurs spécialisés… ils sont agents des différentes fonctions publiques et attachés aux avantages liés à leur statut d’ultramarins.

Depuis 1978, un décret leur assure 30 jours de congés supplémentaires tous les trois ans, ainsi que la prise en charge des frais de voyage vers leur territoire d'origine et une compensation salariale de 35 à 40% pour la vie chère. Environ 35 000 fonctionnaires originaires des Outre-mer peuvent prétendre à ces avantages.
 

"Nous ne sommes pas du tout entendus"

En juin 2018, le président de la République lance officiellement une réforme du système. Elle se fera par un décret, d'abord, prévu à l’été 2019, puis reporté. Son application est annoncée pour 2020. Mais la méthode est décriée par la plupart des manifestants ce jeudi.  

Une réforme qui ne passe pas pour de nombreux fonctionnaire. Marion travaille à la  Police aux Frontières en région parisienne. Les congés bonifiés lui permettent passer Noël en famille tous les trois ans : 

Harry Sault regrette qu’il n’y ait eu aucune concertation. "On dit non !" Membre du CODIUM, collectif pour la défense des intérêts des ultramarins, le Réunionnais n’est pas prêt "à dire adieu" aux congés bonifiés. "Aujourd’hui, on veut nous le retirer pour quel motif ? Pour quelle raison ? On aimerait bien le savoir !"  

Choqués par la méthode

Pierre Neocel a, lui, répondu à l’appel de la CGT. Ce Guadeloupéen, fonctionnaire à la ville de Paris, n’a manqué aucune des manifestations organisées depuis le début du mouvement en mars 2019. L’éducateur spécialisé juge "arbitraire" la décision d’Emmanuel Macron. "Il n’est même pas passé par le Parlement !" s’indigne-t-il, regrettant des économies faites "sur le dos des Outre-mer".
Une délégation intersyndicale a été reçue pendant environ une heure par la directrice de cabinet de Gerald Darmanin, ministre de l’Action et des Comptes publics. À la sortie, les représentants syndicaux se disent déçus. "On a eu aucune réponse", expliquent-t-ils, évoquant déjà la suite de la mobilisation.
Les représentants syndicaux sont ressortis déçus de la réunion au ministère.
 

Convergence des luttes

Maguy travaille pour la mairie de Paris. Bientôt retraitée, elle tenait tout de même à être présente aujourd’hui "pour défendre les jeunes Antillais qui sont derrière" elle. Même si le nombre de personnes mobilisées est bien inférieur à la au 28 mars où 1500 s’étaient rassemblées, elle reste motivée : "Je dis aux Antillais de tenir bon et continuer la lutte !" 

A quelques mètres de là, Jocelyn Clodine-Florent est déçu. À l’appel de Force Ouvrière, ce postier s’est mis en grève ce jeudi. Il voit dans l’obstination du gouvernement à passer ce décret un manque de considération plus général des habitants des Outre-mer : "À partir du moment où les Domiens manifestent (…), ils ne sont pas écoutés", se désole-t-il, faisant référence au scandale du chlordécone aux Antilles.
Jocelyn, au centre, et ses collègues ont suivi l'appel à la grève de l'union départementale de Force Ouvrière ce jeudi 24 novembre.

Au micro, les différents représentants syndicaux invitent à continuer "la lutte". "Il faut qu’on soit visible, il faut qu’on soit réel, il faut qu’on fasse du bruit !" Déjà, une nouvelle manifestation est envisagée : un appel est lancé pour rejoindre le cortège du dimanche 24 novembre pour une marche entre République et Nation. Une marche organisée en soutien aux victimes du clordéchone aux Antilles, mais aussi de l’orpaillage clandestin en Guyane, des essais nucléaires en Polynésie…