Immigration à Mayotte, avenir de la Nouvelle-Calédonie et comité interministériel : les Outre-mer, "première préoccupation de la nation" selon François Bayrou

Pendant son discours de politique générale, François Bayrou a listé les priorités de son gouvernement dont la reconstruction de Mayotte. Tâche à laquelle a notamment été assignée Manuel Valls.
Lors de sa déclaration de politique générale ce mardi 14 janvier, le Premier ministre François Bayrou a évoqué la politique migratoire et le droit du sol à Mayotte, et l'avenir de la Nouvelle-Calédonie dont les négociations reprendront en janvier. Il a confirmé la tenue d'un comité interministériel des Outre-mer mais sans fixer de date.

Jamais un discours de politique générale n'a suscité autant d'attentes et d'interrogations. Et pour cause : depuis juin 2024 et les élections législatives anticipées par Emmanuel Macron, la France est dans une instabilité politique inédite sous la Vᵉ République.

Nommé le 14 décembre dernier, le Premier ministre François Bayrou veut éviter ce qui est arrivé à son prédécesseur Michel Barnier, à savoir tomber à cause d'une motion de censure des députés.

Pour éviter que le scénario ne se répète et faire passer le budget 2025, il a donc dressé une feuille de route présentée ce mardi 14 janvier devant l'Assemblée nationale.

"Toute première préoccupation de la nation"

Un grand oral de près d'1h30 qui a fait une large part à la question du surendettement et de la renégociation de la réforme des retraites. Il a cependant abordé les Outre-mer à plusieurs moments de son discours, d'abord dans son propos introductif en présentant son équipe gouvernementale et le ministère des Outre-mer en seconde position :

Cet engagement sur les Outre-mer n'a jamais, dans aucun gouvernement, été porté aussi haut dans notre histoire. J'ai considéré que ce sujet et nos compatriotes, à ce moment précis de notre histoire commune, avec tous les risques et tous les dangers, devaient être promus au rang de toute première préoccupation de la nation. Et je remercie Manuel Valls, ancien Premier ministre, d'avoir accepté d'en prendre la lourde et passionnante responsabilité.

François Bayrou

dans son discours de politique générale

Des négociations en janvier

Le Premier ministre est ensuite rentré dans le vif du sujet en abordant la première "urgence" : "adopter les budgets de l'État et de la Sécurité sociale". "Notre situation de blocage n'est pas seulement financière, elle est également politique", a-t-il analysé en listant les décisions suspendues et en citant "les mesures de soutien à la Nouvelle-Calédonie empêchées".

La situation du Caillou a été abordée plus tard dans le discours de François Bayrou qui a esquissé un premier calendrier. "J’inviterai en janvier les forces politiques à venir à Paris pour ouvrir ces négociations, en demandant au ministre des Outre-mer de suivre particulièrement ce dossier", a-t-il lancé.

Le Premier ministre François Bayrou a parlé de la situation en Nouvelle-Calédonie et a promis d'inviter les forces politiques à Paris fin janvier pour relancer les négociations sur l'avenir institutionnel du Caillou.

Une première réponse aux Calédoniens dont les attentes sont grandes sur l'avenir institutionnel mais aussi sur la reconstruction financière du territoire, comme le signale Nouvelle-Calédonie la 1ère.

Remise en question du droit du sol à Mayotte

Le chef du gouvernement a évoqué le second dossier brûlant, celui de Mayotte. "Nous avons présenté le plan Mayotte debout lors de notre venue sur l’île. C’est un plan ambitieux non seulement pour traiter de l’urgence mais aussi refonder Mayotte, a-t-il ainsi rappelé, après avoir salué le travail et la présence de l'État et des fonctionnaires sur l'archipel après le passage de Chido.

Mais la situation humanitaire a très vite laissé place à la question de la "crise migratoire".  Il a ainsi souligné que le débat devait "être ouvert" notamment "sur les conditions nouvelles d’exercice du droit du sol".  

Le Premier ministre s'est d'ailleurs éloigné de son texte initial pour longuement parler de l'exemple mahorais et défendre sa politique migratoire. "A Mayotte, la présence des illégaux en nombre dans des bidonvilles au nombre de 80.000 sur 300.000, c'est exactement comme s'il y avait à Paris intramuros 500.000 illégaux en bidonville, a-t-il calculé. Nos compatriotes de Mayotte ne le supportent pas et nier que cette immigration illégale soit un facteur de déstabilisation sur la société mahoraise, c'est se voiler les yeux et en réalité se mentir et leur mentir."

Mayotte est un département et nous n'avons pas le droit de laisser dans un département se développer un désordre aussi profond que celui qui déchire la société mahoraise. Voilà pourquoi il est de la responsabilité du gouvernement de maintenir et faire respecter l’ordre, à Mayotte comme en métropole. Il est donc de notre devoir de conduire une politique de contrôle, de régulation et de retour dans leur pays de ceux dont la présence met en péril par leur nombre la cohésion de la nation.

François Bayrou

dans son discours de politique générale

Rejetant la faute sur les pays d'origine des personnes en situation irrégulière qui refuseraient d'accueillir leurs propres ressortissants, François Bayrou a finalement annoncé qu'il réactiverait le comité interministériel de contrôle de l’immigration.

Dans son discours de politique générale ce mardi 14 janvier, le Premier ministre François Bayrou a évoqué la politique migratoire à Mayotte.

Réforme des statuts des territoires ?

Enfin le Premier ministre a évoqué l'ensemble des Outre-mer, "cette fenêtre ouverte sur le monde que nous vantons souvent et nous enrichissent par leur identité propre". "Nous définirons pour chacun un plan de développement et de financement dans le cadre d’un nouveau Comité interministériel des Outre-mer que le ministre d’État préparera avec les élus de ces territoires", a-t-il promis sans donner de date.

Sur ce point, il ne fait que reprendre l'idée de Michel Barnier qui, le 1er octobre dernier lors de son discours de politique générale, avait affirmé qu'il présiderait "durant le premier trimestre 2025" un nouveau comité interministériel des Outre-mer (CIOM) avec les élus et les organisations professionnelles.

Cette "identité propre" des territoires ultramarins, François Bayrou y a fait référence une seconde fois dans son discours, s'éloignant là encore de sa version initiale. Alors qu'il ne devait mentionner que le cas de l'évolution constitutionnelle de la Corse, il a glissé également un mot sur les spécificités des collectivités d'Outre-mer dont "il fallait tenir compte" : "C’est le cas qui me tient à cœur pour la Corse et c'est le cas que nous allons explorer et travailler pour les collectivités d'Outre-mer."

Si un calendrier a été fixé fin 2025 pour l'île de Beauté, les collectivités ultramarines voudront-elles ou pourront-elles en profiter ?

Motion de censure ?

La France Insoumise n'a pas attendu d'écouter la déclaration de politique générale pour annoncer qu'elle déposerait une motion de censure. Celle-ci sera examinée le jeudi 16 ou vendredi 17 janvier.

La situation n'est pas la même qu'au moment de la chute du gouvernement Barnier. La France Insoumise (LFI) a reproché à ses alliés du Nouveau Front populaire (NFP) de négocier ces derniers jours avec l'exécutif autour du budget. Quant au Rassemblement national qui avait voté la motion de censure le 4 décembre dernier, il semble moins enclin à le faire contre François Bayrou.

"Si M. Bayrou annonce des choses qui seraient déraisonnables et inacceptables pour le RN, on peut censurer immédiatement", a affirmé Jean-Philippe Tanguy sur Public Sénat en précisant néanmoins que ce n’est pas l’option retenue pour le moment. "Nous, on refuse la politique du pire, a poursuivi le député d'extrême droite. Censurer immédiatement M. Bayrou sans lui laisser le temps de prendre un certain de nombre de mesures importantes" comme pour Mayotte "aurait forcément des conséquences".