Kaldûn, spectacle de grande envergure, nous emmène d’Algérie à Brest, de Brest en Nouvelle-Calédonie, en cette fin de 19ème siècle d’une France qui menait d’une main de fer ses colonies. Tour à tour, l’auteur et metteur en scène Abdelwaheb Sefsaf nous plonge dans les révoltes de la Commune de Paris (1870-1871) en passant par Béjaïa et la révolte des Mokrani (1871), jusqu’à l’insurrection kanak de 1878.
En suivant les personnages de la révolutionnaire Louise Michel, d’Aziz fils de l’un des chefs des révoltes algériennes et du chef kanak Ataï, Kaldûn mêle trois mondes, trois peuples, trois révoltes… Théâtre et musique sont les deux crédos d’Abdelwaheb Sefsaf, visibles et audibles sur la scène de Kaldûn. L’auteur et metteur en scène nous en dit plus dans le podcast L’Oreille est hardie :
Ă€ l'origine
C’est un livre, Kabyles du Pacifique (de Mehdi Lallaoui, 1994), qui lui procure l’étincelle d’où jaillira quelques années plus tard Kaldûn Requiem puis Kaldûn, les deux versions scéniques d’une même histoire douloureuse. Histoire née des exils et des souffrances conjuguées des communards et des révoltés algériens déportés au bagne de Nouvelle-Calédonie, à laquelle s’ajoutent celles des Kanaks dépossédés de leur terre et dont la colère a été durement réprimée.
De l'intime Ă l'universel
Il y a d’abord forcément des considérations intimes dans l’envie de mener sur scène ce récit de par ses origines algériennes ; et puis petit à petit se dessine un attrait pour les idées que portaient les Communards puis la découverte de la puissance de la culture kanak ; enfin, ce lien sur le papier improbable entre son pays d’origine et la Nouvelle-Calédonie.
Pour raconter ces histoires, ces rencontres contraintes par l’Histoire et ces destins croisés, Abdelwaheb Sefsaf n’a pas choisi de s’apitoyer sur les sorts des uns et des autres - il a horreur du pathos - mais plutôt, à sa façon, de sublimer et faire œuvre - sans le dire ainsi - d’édification. À l’écriture comme à la mise en scène, c’est bien une tragi-comédie que Kaldûn nous livre avec gravité, et donc parfois humour, entre théâtre et concert mais toujours avec la vérité des faits.
Rien que la vérité
À telle mesure qu’Abdelwaheb Sefsaf, exigeant au point de vouloir à tout prix éviter de trahir les trois composantes de son récit, fera lire et relire son travail par des historiens avant de monter son spectacle. Et d’en faire d’ailleurs, dans les toutes premières minutes de Kaldûn, l’annonce au public : "tout ce que vous allez entendre est vrai", s'agissant aussi bien du récit et du décor plantés dans les années 1870 que, plus près de nous, l’évocation d’un épisode tragique de la Nouvelle-Calédonie en 1984 avec l’assassinat des "dix de Tiendanite". Épisode sanglant inséré dans le spectacle pour dire qu’aujourd’hui puise ses racines dans le passé et que les actes les plus enfouis dans le temps ont toujours des conséquences sur ce qui se déroule aujourd’hui...
La coutume avant la scène
Une des chansons du spectacle intitulée sobrement Tiendanite laisse entendre toute l’importance du message que tient à faire passer Abdelwaheb Sefsaf. Une importance qui se mesure aussi par la démarche de l’auteur et metteur en scène qui avec sa troupe s’est rendu sur place, en Nouvelle-Calédonie, et qui avant toute représentation de Kaldûn Requiem, a effectué la coutume auprès notamment de la famille de Jean-Marie Tjibaou et des dix victimes de l’attentat de Tiendanite. Un moment fort de la vie d’Abdelwaheb Sefsaf qu’il évoque dans L’Oreille est hardie.
Écoutez L’Oreille est hardie...
Et découvrez les points communs entre le spectacle signé Abdelwaheb Sefsaf et le dernier roman Frappez l’épopée d’Alice Zéniter (que L’Oreille est hardie avait reçue à la sortie de son ouvrage). Les deux se sont d’ailleurs rencontrés en Nouvelle-Calédonie lors de l’élaboration de leurs œuvres respectives. Écoutez comment se sont effectuées les rencontres et l’assemblage des musiciens (issus de l’ensemble Canticum Novum ) et des comédiens (dont l’artiste kanak Simanë Wenethem, rencontré en Nouvelle-Calédonie et dont le jeu et la danse ont impressionné Abdelwaheb Sefsaf !…)
Et allez voir sur scène Kaldûn, L’Oreille... ne saurait que trop vous le recommander pour le propos, important, instructif et nécessaire ; pour les excellentes interprétations théâtrales et musicales ; pour le soins apporté aux lumières et aux décors : scénographie riche et maligne.
Il y a des chances pour que vous en sortiez avec des airs entêtants sur le bout des lèvres et une certaine idée de la liberté et de l’égalité toujours à conquérir et de la fraternité à entretenir et chérir…
Retrouvez Abdelwaheb Sefsaf dans L’Oreille est hardie, c’est par ICI !
Ou par lĂ :
"Kaldûn" d’Abdelwaheb Sefsaf, jusqu’au 19 janvier 2025 au Théâtre de la Tempête à Paris.
Puis en tournée : Théâtre de Sartrouville et des Yvelines (78) du 30 au 31 janvier 2025. Scène nationale de Bourg-en-Bresse (01) du 5 au 6 février 2025. Théâtre du Nord, Lille (59) du 5 au 7 mars 2025…