🎧🎤Kanak, Algériens et Communards : Abdelwaheb Sefsaf croise leurs destins dans "Kaldûn"

"Kaldûn" d'Abdelwaheb Sefsaf : les cultures kanaks, algériennes et françaises se rencontrent...
Le spectacle "Kaldûn" se joue au théâtre de la Tempête à Paris jusqu'au 19 janvier 2025. Il évoque les années 1870 quand la France condamnait les révoltés d’Algérie et les révolutionnaires de la Commune de Paris au bagne en Nouvelle-Calédonie où elle faisait aussi face aux Kanak en colère. Pour Abdelwaheb Sefsaf, il s'agit d'une tragi-comédie, du théâtre en musique, spectaculaire et édifiante à plus d’un titre. Rencontre avec un auteur et metteur en scène passionné et inspiré dans "L’Oreille est hardie".

KaldĂ»n, spectacle de grande envergure, nous emmène d’AlgĂ©rie Ă  Brest, de Brest en Nouvelle-CalĂ©donie, en cette fin de 19ème siècle d’une France qui menait d’une main de fer ses colonies. Tour Ă  tour, l’auteur et metteur en scène Abdelwaheb Sefsaf nous plonge dans les rĂ©voltes de la Commune de Paris (1870-1871) en passant par BĂ©jaĂŻa et la rĂ©volte des Mokrani (1871), jusqu’à l’insurrection kanak de 1878. 

En suivant les personnages de la révolutionnaire Louise Michel, d’Aziz fils de l’un des chefs des révoltes algériennes et du chef kanak Ataï, Kaldûn mêle trois mondes, trois peuples, trois révoltes… Théâtre et musique sont les deux crédos d’Abdelwaheb Sefsaf, visibles et audibles sur la scène de Kaldûn. L’auteur et metteur en scène nous en dit plus dans le podcast L’Oreille est hardie :

Ă€ l'origine

"Kaldûn" d'Abdelwaheb Sefsaf

C’est un livre, Kabyles du Pacifique (de Mehdi Lallaoui, 1994), qui lui procure l’étincelle d’où jaillira quelques années plus tard Kaldûn Requiem puis Kaldûn, les deux versions scéniques d’une même histoire douloureuse. Histoire née des exils et des souffrances conjuguées des communards et des révoltés algériens déportés au bagne de Nouvelle-Calédonie, à laquelle s’ajoutent celles des Kanaks dépossédés de leur terre et dont la colère a été durement réprimée.

L'artiste calédonien Simanë Wenethem dans "Kaldûn"

De l'intime Ă  l'universel

Il y a d’abord forcĂ©ment des considĂ©rations intimes dans l’envie de mener sur scène ce rĂ©cit de par ses origines algĂ©riennes ; et puis petit Ă  petit se dessine un attrait pour les idĂ©es que portaient les Communards puis la dĂ©couverte de la puissance de la culture kanak ; enfin, ce lien sur le papier improbable entre son pays d’origine et la Nouvelle-CalĂ©donie. 

Abdelwaheb Sefsaf

Pour raconter ces histoires, ces rencontres contraintes par l’Histoire et ces destins croisĂ©s, Abdelwaheb Sefsaf n’a pas choisi de s’apitoyer sur les sorts des uns et des autres - il a horreur du pathos - mais plutĂ´t, Ă  sa façon, de sublimer et faire Ĺ“uvre - sans le dire ainsi - d’édification. Ă€ l’écriture comme Ă  la mise en scène, c’est bien une tragi-comĂ©die que KaldĂ»n nous livre avec gravitĂ©, et donc parfois humour, entre théâtre et concert mais toujours avec la vĂ©ritĂ© des faits.

Rien que la vérité

Ă€ telle mesure qu’Abdelwaheb Sefsaf, exigeant au point de vouloir Ă  tout prix Ă©viter de trahir les trois composantes de son rĂ©cit, fera lire et relire son travail par des historiens avant de monter son spectacle. Et d’en faire d’ailleurs, dans les toutes premières minutes de KaldĂ»n, l’annonce au public : "tout ce que vous allez entendre est vrai", s'agissant aussi bien du rĂ©cit et du dĂ©cor plantĂ©s dans les annĂ©es 1870 que, plus près de nous, l’évocation d’un Ă©pisode tragique de la Nouvelle-CalĂ©donie  en 1984 avec l’assassinat des "dix de Tiendanite". Épisode sanglant insĂ©rĂ© dans le spectacle pour dire qu’aujourd’hui puise ses racines dans le passĂ© et que les actes les plus enfouis dans le temps ont toujours des consĂ©quences sur ce qui se dĂ©roule aujourd’hui...

"Kaldûn" d'Abdelwaheb Sefsaf

La coutume avant la scène

Une des chansons du spectacle intitulée sobrement Tiendanite laisse entendre toute l’importance du message que tient à faire passer Abdelwaheb Sefsaf. Une importance qui se mesure aussi par la démarche de l’auteur et metteur en scène qui avec sa troupe s’est rendu sur place, en Nouvelle-Calédonie, et qui avant toute représentation de Kaldûn Requiem, a effectué la coutume auprès notamment de la famille de Jean-Marie Tjibaou et des dix victimes de l’attentat de Tiendanite. Un moment fort de la vie d’Abdelwaheb Sefsaf qu’il évoque dans L’Oreille est hardie.

Abdelwaheb Sefsaf et la troupe de "Kaldûn"

 Ă‰coutez L’Oreille est hardie... 

Et découvrez les points communs entre le spectacle signé Abdelwaheb Sefsaf et le dernier roman Frappez l’épopée d’Alice Zéniter (que L’Oreille est hardie avait reçue à la sortie de son ouvrage). Les deux se sont d’ailleurs rencontrés en Nouvelle-Calédonie lors de l’élaboration de leurs œuvres respectives. Écoutez comment se sont effectuées les rencontres et l’assemblage des musiciens (issus de l’ensemble Canticum Novum ) et des comédiens (dont l’artiste kanak Simanë Wenethem, rencontré en Nouvelle-Calédonie et dont le jeu et la danse ont impressionné Abdelwaheb Sefsaf !…)

Et allez voir sur scène KaldĂ»n, L’Oreille... ne saurait que trop vous le recommander pour le propos, important, instructif et nĂ©cessaire ; pour les excellentes interprĂ©tations théâtrales et musicales ; pour le soins apportĂ© aux lumières et aux dĂ©cors : scĂ©nographie riche et maligne. 
Il y a des chances pour que vous en sortiez avec des airs entêtants sur le bout des lèvres et une certaine idée de la liberté et de l’égalité toujours à conquérir et de la fraternité à entretenir et chérir…

Retrouvez Abdelwaheb Sefsaf dans L’Oreille est hardie, c’est par ICI !

Ou par lĂ  : 

"Kaldûn" d’Abdelwaheb Sefsaf, jusqu’au 19 janvier 2025 au Théâtre de la Tempête à Paris.
Puis en tournée : Théâtre de Sartrouville et des Yvelines (78) du 30 au 31 janvier 2025. Scène nationale de Bourg-en-Bresse (01) du 5 au 6 février 2025. Théâtre du Nord, Lille (59) du 5 au 7 mars 2025…

"Kaldûn" au Théâtre de la Tempête à Paris