Fayzat Djoumoi et Dounya Bourhani auront vingt ans dans quelques semaines. Des rêves plein la tête. Des joies aussi. La Mahoraise et la Comorienne évoluent en équipe de France de basket U20. Une équipe actuellement rassemblée à Voiron pour préparer le prochain Euro.
Pendant de longues années, les jeunes basketteuses ultramarines en équipe de France venaient de la Martinique. Parfois de la Guadeloupe. Mais très souvent de la Martinique. Et jamais de l'Océan Indien. Tout cela évolue. Fayzat Djoumoi est aujourd'hui la première basketteuse mahoraise à enfiler un maillot tricolore. De quoi faire parler. "Je sais bien que je suis regardée dans mon département, reconnaît Fayzat. On attend beaucoup de mon parcours. Mais cela ne me rajoute pas de pression supplémentaire. Je fais tout ça pour moi."
L'histoire se révèle un peu différente pour Dounya Bourhani-Guangia. La meneuse est née à Lyon d'un père congolais et d'une mère comorienne. "Je suis très fière de mes origines, avoue-t-elle. Mais je n'ai pas eu l'occasion d'aller souvent aux Comores. N'ayant jamais vécu là-bas, je ne pense pas être un exemple pour les jeunes basketteuses."
Dans la bulle bleue
Depuis dimanche, les deux joueuses sont à Voiron dans l'Isère. Rassemblement de l'équipe de France U20. Covid-19 oblige, ce rassemblement se fait sous bulle sanitaire. Traduction ? Hormis les membres du staff fédéral, personne ne peut approcher les tricolores. "Ça se passe super bien, lâche Dounia. À notre niveau, nous sommes plutôt épargnées par le coronavirus. Même en championnat. Aucun match reporté. Ce stage avec les Bleues se déroule donc normalement. Sous bulle sanitaire. Mais normalement."
L'équipe de France, les deux joueuses connaissent bien. Surtout Fayzat Djoumoi, championne d'Europe 2017 avec les U16 et vice-championne du monde 2018 avec les U17 : "C'est toujours un bonheur de retrouver le groupe France. Nous grandissons ensemble. C'est une expérience ultra-enrichissante." Même constat pour Dounia : "Revêtir le maillot bleu représente une fierté. Notre groupe a un vrai potentiel."
L'équipe de France féminine des moins de 20 ans a un objectif majeur en 2021 : les championnats d'Europe en Hongrie en juillet prochain. "Si la situation sanitaire le permet !" tient à préciser Jérôme Fournier, l'entraîneur national. La compétition devait initialement se tenir à l'été 2020. Avant un report d'un an pour cause de pandémie mondiale. "À l'heure actuelle, je travaille avec un groupe élargi de 21 joueuses. Mais après un nouveau stage en juin, seules douze d'entre elles partiront en Hongrie."
D'où l'importance d'être titulaire en club tout au long de la saison. Afin de ne pas freiner la progression.
Un vrai temps de jeu à Strasbourg
Pour mieux s'exprimer sur les parquets, Dounya Bourhani a ainsi quitté son club formateur de Basket Lattes Montpellier pour la SIG Strasbourg qui évolue en Ligue Féminine 2. Même choix pour Fayzat Djoumoi, prêtée au club alsacien par Villeneuve d'Ascq. "En descendant d'une division, on se retrouve avec un rôle précis, s'enthousiame Fayzat. Et des responsabilités. Le temps de jeu devient conséquent." D'où les progrès rapides. "Je confirme, lance Dounia. On travaille dur pendant la semaine à l'entraînement et le week-end, on peut s'exprimer en match. Ça fait du bien."
En venant à Strasbourg, Fayzat a aussi accepté de changer de poste de jeu. La voici désormais ailière alors qu'elle évoluait précédemment en tant qu'ailière forte. Une position plus à l'extérieur de la raquette qu'elle doit vite assimiler : "J'avoue que ça change pas mal. Il me faut gagner en mobilité et améliorer mon tir à distance. Sans oublier de me montrer plus agressive sur certaines phases de jeu." Quant à Dounia, la meneuse demeure… meneuse. Un rôle très particulier dans le basket. "On attend d'une meneuse qu'elle sache fédérer autour d'elle, raconte Jérôme Fournier. Dounia doit encore acquérir de l'expérience dans ce domaine. Changer de personnalité sur le terrain. Mais c'est normal. Elle apprend son métier."
Pas si simple de se faire une place dans le basket professionnel. Dounia Bourhani qui poursuit en parallèle des études d'informatique, refuse de viser trop haut. Pour le moment. "À moyen terme, j'aime bien le niveau de la Ligue 2. Je me verrais bien continuer à progresser dans cette division." Même prudence du côté de Fayzat Djoumoi. La Mahoraise ne veut pas se laisser griser par l'appartenance au club France. "C'est bien de rêver mais il faut être réaliste. Tout le monde n'aura pas un contrat garanti dans les meilleures équipes d'Europe. Continuons juste à travailler avec application. Nous verrons bien."
Avoir 20 ans en 2021
Impossible d'accuser la malchance. Il n'empêche que la génération 2001 du basket français n'est pas vernie. Le Covid-19 gâche la fête. L'année de leurs vingt ans. Après une année 2020 déjà interrompue. Face à cela, la Mahoraise Djoumoi se révèle plutôt sombre : "J'ai l'impression d'avoir perdu un an. En arrêtant définitivement la saison précédente en mars 2020, c'est comme si on nous avait volé une partie de notre histoire. On continue à grandir mais quelque part, on régresse aussi. Notre jeunesse s'exprime en catimini. C'est étrange."
Heureusement, les restrictions sanitaires ne privent pas les deux joueuses de petits à-côtés libérateurs. Dounia et Fayzat aiment à dévorer des séries sur une plateforme de streaming bien connue. Dounia lit également. Beaucoup. Quant à la Mahoraise, elle fait de la musique. Pour être précis, elle chante. Fayzat adore ça. Seul petit hic : "Je suis incapable de chanter en public. Ça me gêne." Les autres joueuses de l'équipe de France de basket U20 n'auront donc pas droit à un récital de la part de Fayzat Djoumoi. Si ce n'est peut-être… un récital de tirs à distance réussis. Car pour ça, elle est toujours d'accord.