La Mélipone est une petite abeille sauvage, présente dans la forêt de la Côte-sous-le Vent. Elle ne pique pas, vit en colonie et produit un miel très parfumé et réputé pour ses vertus thérapeutiques.
Quoi qu’il en soit, il est interdit de toucher tant à l’insecte qu’à sa production ! Nul ne doit détruire l’abeille, la déplacer, la détenir, toucher à son habitat, ni son miel, ni même en faire commerce.
Nous l’évoquions la semaine dernière : les inspecteurs de l’Office français de la biodiversité (OFB) ont saisi, le 16 juillet 2024, au Parc de la Source, à Bouillante, deux ruches de mélipones, dans le cadre d’une enquête judiciaire ouverte par le Parquet de Basse-Terre. Car, depuis un arrêté ministériel du 20 janvier 2020, la Mélipone de Guadeloupe, endémique du territoire (elle ne vit pas ailleurs), est une espèce protégée, parce que menacée d’extinction, selon la liste rouge de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN).
À l’origine de cet arrêté : une étude réalisée entre juillet 2017 et décembre 2018 par François Meurgey. Cet entomologiste spécialiste des abeilles s’est penché sur la biologie et l’écologie de l’espèce.
Ses recherches ont été pilotées par le Parc National et l’APIGUA. L’Association des apiculteurs de la Guadeloupe voulait savoir s’il était envisageable d’exploiter la mélipone, sans la menacer. À ce jour, ses acteurs n’ont pas obtenu les réponses attendues.
Nous n’avons pas eu accès aux conclusions. Nous le regrettons. Mais nous avons découvert, comme le grand public, que l’abeille a été protégée. C’était peut-être une étape nécessaire pour la suite, c’est-à-dire la mettre en protection avant de s’organiser pour comprendre comment elle fonctionne. Pour aller plus loin, nous sommes obligés de refaire des démarches, de nous faire accompagner de scientifiques et demander une dérogation à cet arrêté.
Tony Prudent, président de l’APIGUA
L’APIGUA estime que, bien que protégée, la mélipone de Guadeloupe n’est pas sauvée pour autant.
Or, comment la préserver ? Telle est la question qui se pose aujourd’hui, alors que son miel, que les anciens appelaient "ti poban", est convoité ; cela, à tel point que certains évoquent l’idée d’une "méliponiculture", comme cela se fait par exemple à Cuba, avec une espèce présente dans ce pays.
L’association va donc demander une nouvelle étude scientifique. Il faut, pour cela, obtenir une dérogation des services de l’Etat, dans le cadre de l’arrêté de protection de l’espèce.
Avant de se lancer dans la méliponiculture, il faut surtout essayer de comprendre comment elle fonctionne. Parce que si elle est en danger, il y a peut-être des choses à faire, comme on a pu faire avec d’autres espèces, pour lui permettre de se développer, ou l’aider à se développer. Parce qu’il est vrai que les essaims sont rares.
Tony Prudent, président de l’APIGUA
Par rapport à sa cousine de Cuba, la mélipone de Guadeloupe a-t-elle le même rendement, est-elle plus sensible, plus fragile, a-t-elle la même organisation en société ? Telles sont les questions auxquelles l’APIGUA veut obtenir des réponses, avant d’envisager une exploitation spécifique.
La priorité reste de conserver ce pan du patrimoine de l’archipel.
Ce qui est important, c’est que cette petite abeille, qu’on ne retrouve même pas sur tout le territoire de la Guadeloupe, qui est vraiment dans des zones très particulières, soit protégée. C’est en ce sens que je pense qu’il était important que cet arrêté soit pris.
Tony Prudent, président de l’APIGUA
L’abeille mélipone n’est pas la seule en difficulté, localement. D’autres espèces sont aussi concernées, comme des solitaires, qui sont aussi pollinisatrices, selon Tony Prudent. Certaines sont sensibles aux invasions de nouvelles venues comme la mélipone de Cuba, explique cet apiculteur.
L’éventuel développement d’une "méliponiculture" ne peut pas être envisagé à l’identique du modèle du pays des Grandes Antilles.
La moindre hybridation mettrait davantage en danger notre espèce endémique, à l’image des iguanes de Guadeloupe qui disparaissent peu à peu, au profit des iguanes verts, reconnus envahissants.