Il arrive au Musée du Quai Branly où nous avons rendez-vous avec lui, enveloppé dans un manteau sans doute trop fin pour pour affronter le froid glacé parisien quand on vient d’Haïti. Nous le rencontrons deux jours après une formidable prestation musicale sur une des scènes du Musée. Deux jours, il lui fallait bien ce temps-là pour se remettre de la quasi-transe musicale offerte au public…
Car Erol Josué n’est pas seulement le commissaire associé de l’exposition Zombis (dont nous vous avons amplement parlé dans L’Oreille…), il est aussi artiste chanteur, musicien, danseur et chorégraphe et… prêtre vaudou, gardien de l’ordre magico-religieux indissociable du pays Haïti.
C’est tout cela qu’Erol Josué évoque dans le cadre de l’exposition Zombis qui nous sert de décor pour cet échange riche, intime et didactique sur l’importance du vaudou haïtien aujourd’hui, sur sa survivance dans un contexte âpre et difficile actuellement (avec les violences exercées par des groupes armés), sur les conditions de vie de la culture et des artistes haïtiens.
Échange chaleureux et "mystique" à suivre dans L’Oreille est hardie :
Le "troisième œil"
Erol Josué est un initié, comprenez que très tôt, enfant, il montre des dispositions pour faire le lien entre le monde des esprits (les fameux lwas du vaudou haïtien) et le monde dit du réel. Cérémonie d’initiation à 17 ans puis plus tard, le voilà "ordonné" prêtre. Un parcours spirituel où comme il le raconte dans le podcast "le troisième œil" se porte sur lui, avec toute la bienveillance et le mysticisme ancestral qui fait partie intégrante du vaudou haïtien.
Culte du secret, secrets du culte ?
Quand on lui demande s’il n’y a pas d’antagonisme à parler vaudou ou zombification, qui ont indéniablement leurs secrets au sein d’une exposition dans un musée, le tenant de la religion qu’il est répond par la négative. Il faut montrer le vrai visage d’Haïti, dit-il en substance loin des clichés et des faux-semblants folkloriques notamment véhiculés par la culture occidentale.
Et il n’y a qu’à le suivre au sein de l’exposition et se poster avec lui devant le péristyle reconstitué du temple qui l’a vu grandir et évoluer ou devant les costumes traditionnels de cérémonies vaudous - appartenant notamment à sa propre mère - et l’entendre en parler pour se convaincre de la profondeur et de la sincérité de l’engagement d’Erol Josué.
Vaudou-sur-Seine
Et sur scène, lors du concert parisien donné au Théâtre Claude Lévis-Strauss du Musee du Quai Branly, c’est encore autre chose, c’est encore un autre homme. Le responsable culturel (il est directeur du Bureau national d’ethnologie à Port-au-Prince) s’efface et laisse la place à l’artiste. Prévue pour durer un peu plus d’une heure, la prestation-concert d’Erol Josué se déroulera finalement sur… deux heures ! Générosité de l’artiste ? Ou moment de transe musicale hors du temps ? Ou les deux ?
Hymnes à la joie sur scène
Paré de costumes lumineux et colorés - et notamment une superbe robe confectionnée dans le même plastique que les cabas-à -tout-faire qui font étonnamment partie du décorum haïtien et qui jonchent la scène -, Erol Josué déroule une partition des morceaux de son répertoire dont certains repris en chœur, tels des hymnes, par une partie du public, visiblement issu de la communauté haïtienne hexagonale venue goûter à la cérémonie concoctée par le chanteur-prêtre (des extraits de ses chansons et du concert sont à retrouver et écouter dans le podcast L’Oreille est hardie).
Écoutez L’Oreille est hardie…
Et entendez la parole et le témoignage de l’homme de culture Erol Josué, défendant bec et ongles le patrimoine matériel et immatériel d’Haïti. Contre vents et marées parfois en ce moment : la prédominance de bandes armées, incendiant et/ou pillant certains quartiers de Port-au-Prince ne rendent pas la circulation aisée pour personne, y compris les étudiants qui voudraient poursuivre leurs recherches et leur travail autour de la connaissance de leurs arts.
Moments difficiles qui n’empêchent cependant pas Erol Josué d’en appeler à la joie, au rassemblement et à l’unité pour sortir Haïti de l’ornière dans laquelle elle est malheureusement placée. Appel à la fois en tant que responsable culturel, en tant qu’artiste et en tant que prêtre responsable de sa communauté vaudou. Un vœu pieux teinté d’optimisme, de foi ou de conviction personnelle, peu importe. Erol Josué y croit : c’est sa mission, nous assure-t-il…
Retrouvez Erol Josué dans L’Oreille est hardie, c’est par ICI !
Ou par lĂ :
Pour retrouver l’univers musical d’Erol Josué, écoutez l’album "Pélerinaj".
L’exposition "Zombis" au Musée du Quai Branly-Jacques Chirac, à voir jusqu’au 16 février 2025.