Février-74 : une grève meurtrière à l’origine de la modernisation de la Martinique

Tableau montrant une manifestation d'ouvriers agricoles en février 1974
La longue grève des salariés de la banane, du 17 janvier au 19 février 1974, a marqué les esprits en même temps qu’elle a permis la modernisation de notre agriculture. La Martinique d’aujourd’hui doit beaucoup à cette mobilisation sociale soldée par la mort de deux ouvriers.
 
La longue et tragique grève de janvier-février 1974 est considérée par certains analystes comme une étape vers la transformation économique et sociale de notre société. Elle signe le renouveau des mouvements revendicatifs des ouvriers agricoles après une décennie sans lutte d’envergure. Elle est le point de départ de la modernisation accéléré de la production agricole, en signant la prééminence de la banane sur la canne à sucre.

Cette grève a duré plus d’un mois. Elle commence le 14 janvier sur l’habitation Vivé au Lorrain. La cause : des licenciements après la restructuration de l’exploitation. Elle se termine le 19 février par la signature d’un protocole d’accord. Le compromis ne satisfait pas les ouvriers, mécontent que le salaire minimum garanti ne soit pas acté. Elle ne satisfait pas non plus le patronat, réticent à augmenter les salaires, pour ne pas ruiner les habitations, soi-disant.

En parallèle à la mobilisation dans les exploitations de banane, d’ananas et d’aubergines du Nord-Atlantique, une grève générale démarre le 12 février. Elle est préparée par les principales organisations syndicales, CGTM, CFDT, Force ouvrière et Fédération de l’éducation nationale. Le malaise est perceptible dans plusieurs secteurs d’activités.
 

La grève des ouvriers agricoles rejoint une grève générale


Les revendications sont simples : refus de la cherté de la vie chère et de la baisse du pouvoir d’achat, refus du chômage massif, égalisation des prestations sociales et des salaires. La gigantesque manifestation à Fort-de-France surprend les syndicats. Ouvriers du bâtiment et des usines, dockers, fonctionnaires, enseignants, étudiants et lycéens défilent ensemble.

La convergence entre les deux mobilisations prend corps quand le drame survient le 14 février. Les gendarmes répriment méthodiquement les ouvriers du Nord. Bilan : deux morts et de nombreux blessés. Les négociations, impossibles jusque là, sont précipitamment organisées pour mettre fin à la crise.

Le travail reprend. La psychose qui s’était emparée du pays disparaît. L’agriculture va se restructurer. Les revendications anciennes sur l’égalité sociale commencent d’être satisfaites. La Martinique ouvre une nouvelle phase de modernisation et de progrès. Incontestablement, il y a un avant et un après Février-74. Et cela, grâce au lourd sacrifice de quelques ouvriers dont la mémoire mérite amplement d’être honorée.