Pourquoi cette succession de fissures entre Fort-de-France et le Lamentin ?

Les différents évènements à côté de l'entreprise à Acajou (Lamentin), sur la RN9 à Fort-de-France, derrière de centre commercial à Acajou et sur la route de Jambette au Lamentin.
Sur le pont de Chateauboeuf à Fort-de-France, à la Jambette, Acajou et l'autoroute au Lamentin, plusieurs mouvements de sol et fissures ont été relevés ces dernières semaines. Des incidents très rapprochés mais aux causes différentes. 
Fissure, faille, effondrement, en quelques semaines ces mots et les images qui les accompagnent se sont répandus sur les réseaux sociaux. Les incidents se succèdent si rapidement qu'il semble presque évident pour les habitants de l'île, de penser que tout est lié. Même s'il est très difficile de pointer du doigt "le" responsable de tous ces incidents, nous avons tenté de comprendre pourquoi ces fissures sont apparues et s'il y a un risque pour la population. 
 

Que disent les spécialistes ?


Le BRGM (Bureau de recherches géologiques et minières) est l'organisme qui étudie et conseille l'État et les collectivités sur les risques naturels. "Pour qu'il y ait un glissement de terrain il faut qu'il y ait formation géologique qui soit propice à cela, donc des caractéristiques géotechniques mauvaises. À cela doit s'ajouter de l'eau et parfois du surpoids. Un surplus d'eau pouvant faire du poids également", explique Benoît Vittecoq, le directeur régional du BRGM.
 

Les failles de la RN9


Concernant les fissures devenues véritables failles au niveau de l'échangeur de la Pointe des Sables à Fort-de-France depuis le dimanche 26 août, après enquête des services de la collectivité, il est avéré que c'est une infiltration d'eau suite à une fuite de canalisation qui serait à l'origine de l'incident.

Ici, le coupable c'est l'eau qui a donc fragilisé la zone. Une fois l'origine connue, des solutions peuvent être apportées. "Nous nous attachons à traiter avec les autres entités concernées. Arrêter l'écoulement d'eau dans ces parties et mettre en place un certain nombre de drains qui permettent d'évacuer cette eau et éviter qu'elle ne s'accumule", assure Marc Mongis, directeur général adjoint chargé des infrastructures et équipements de la CTM. "Parallèlement à cela, nous faisons des études géotechniques pour pouvoir dimensionner les éléments à mettre en œuvre et arrêter un choix de solution technique pour le rétablissement de cette voie", ajoute-t-il.
 

Des fissures sur l'autoroute


La vidéo "a fait le buzz" sur les réseaux sociaux. Elle montre de nombreuses fissures sur l'autoroute entre le pont de Californie et celui d'Acajou. Cette portion de route est également à la charge de la CTM. Marc Mongis se veut rassurant et parle d'un phénomène totalement différent à celui de la RN9. "C'est un phénomène qui est lié à l'usure de la couche de surface (de roulement). La couche de fondation de l'autoroute n'est pas affectée. Nous n'avons pas observé de déformation longitudinale ou transversale en particulier", assure-t-il. 
 

Un trou à Jambette, une entreprise déplacée à Acajou


Il est vrai que l'affaissement de la route de Jambette sous le poids d'un camion porte-conteneurs fait très peur mercredi 26 septembre 2018. Dans cette zone privée gérée par un syndic, la décision a été prise de fermer la route au niveau du trou afin de procéder aux expertises. Même procédure en cours suite aux déménagements d'une entreprise après des fissures relevées au niveau du bâtiment et du parking à Acajou au Lamentin. Mais très rapidement, l'association écologique Assaupamar avait dénoncé "la fragilité de la zone". 

Cette zone industrielle des mangles au Lamentin était auparavant une zone de mangrove. Par ailleurs ce bâtiment est construit à côté d'une rivière qui est souvent sortie de son lit en temps de pluie. Ainsi, même si l'espace a été remblayé, le terrain reste meuble.Pour ces évènements qui se produisent sur des axes routiers privés, les causes exactes ne sont pas encore connues. "On a aucune information complémentaire sur ces évènements vu qu'ils sont gérés chacun par le propriétaire du terrain ou le gestionnaire. Donc chacun gère le problème avec les experts des assurances", confirme le directeur régional du BRGM.

"Il pleut beaucoup depuis le début de l'année, les sols sont du coup gorgés d'eau. Les zones concernées sont géologiquement anciennes avec des sols altérés et argileux. Des sols argileux qui bougent, ce n'est pas surprenant. Après se rajoutent à tout cela, toutes les problématiques de construction. Chaque construction est propre. Est-ce que le bâtiment a été bien construit ? Est-ce que les fondations ont été faites dans les règles de l'art ? Est-ce qu'il n'y a pas eu une malfaçon ? Comment faire la part des choses entre quelque chose qui peut être naturel ou déclenché par l'humain. Même si c'est peut-être la pluie qui fait la différence, si le réseau pluvial est mal connecté ou s'il y a des fuites, c'est de la responsabilité de l'homme. C'est ce qui est compliqué dans tous les diagnostics de glissement de terrain", poursuit Benoît Vittecoq.

Une route fermée à Acajou


Quant au glissement au niveau de la voie de sortie du centre commercial de la Galleria à Acajou (Lamentin), l'incident date de plusieurs mois, mais est revenu sous le feu des projecteurs. Selon nos informations, la mairie du Lamentin et la CACEM travaillent sur ce dossier. 

Dans cette zone, de nombreuses constructions ont vu le jour sur des sols argileux et pentus. Par ailleurs, en amont, un problème de ruissellement d'eau avait déjà été relevé par certains riverains. 

"Nous subissons des dommages. Des dégâts des eaux et un affaissement de terrain. Et cela contamine toute la résidence dans laquelle nous vivons. Les maisons contiguës subissent également des dommages. On n’avait pas compris pourquoi de l’eau sortait de notre mur de soutènement. Depuis qu’ils ont commencé les travaux ici, les ruissellements ont cessé", assurait une riveraine en mai 2018.

Ces incidents à répétition, rappellent aux autorités publiques et aux responsables privés, l'importance du respect de toutes les règles et d'abord les règles d'urbanisme dans une île comme la Martinique qui concentre tant de risques naturels (glissements de terrain, cyclones, séismes...).