Les experts ont rendu leur rapport sur les éventuelles évolutions institutionnelles dans les Outre-mer

Le ministère chargé des Outre-mer, rue Oudinot à Paris.
Missionnés en janvier 2024 par Emmanuel Macron sur la thématique des évolutions institutionnelles dans les Outre-mer, Pierre Egéa et Frédéric Monlouis-Félicité, les deux experts mandatés, ont remis leur rapport au président de la République le 7 décembre dernier. Ayant eu accès au document, le journal Le Monde a récemment produit un article relatif à ces travaux. Plusieurs conclusions de ce rapport devraient déplaire à certains élus et acteurs économiques de Martinique.

C'est à l'issue d’une réunion de travail avec une cinquantaine d’élus d’Outre-mer à l’Elysée, en octobre 2023, que le Président de la République Emmanuel Macron, annonçait qu’il nommerait deux experts, afin de travailler sur la question des évolutions institutionnelles dans certains territoires ultramarins.

Pierre Egéa, professeur de droit public, et Frédéric Monlouis-Félicité, dirigeant d'entreprises et conseiller dans le secteur privé, étaient ainsi nommés trois mois plus tard. Les deux spécialistes devaient donc se rendre dans les territoires concernés par ces possibles évolutions, afin d’échanger avec un certain nombre d’acteurs, notamment politiques. Les rencontres et travaux visaient à évaluer la pertinence, ou pas, de ces demandes de changements.

Frédéric Montlouis-Félicité et Pierre Egéa reçus à la CTM (Collectivité Territoriale de Martinique) par Serge Letchimy, dans le cadre d'une mission sur une éventuelle évolution institutionnelle pour plus de responsabilités locales. (21 février 2024)

Une réponse à l'appel de Fort-de-France

La nomination des experts était alors présentée comme une forme de réponse à "l’appel de Fort-de-France", un texte paraphé en mai 2022 par les présidents des exécutifs de Martinique, Guadeloupe, Guyane, Saint-Martin, Mayotte et la Réunion. Cette déclaration commune plaidait notamment pour "la définition d’un nouveau cadre permettant la mise en œuvre de politiques publiques conformes aux réalités de chacune de nos régions" et pour une "réelle domiciliation des leviers de décision au plus près de nos territoires".

Ainsi, le 7 décembre dernier, après des mois de travail - et 130 auditions, indique Le Monde - un document de 150 pages a été remis au chef de l'Etat.

D'après le quotidien, ces conclusions ne devraient pas plaire aux "élus qui font de l’évolution statutaire de leur collectivité une solution", le rapport affirmant que "la priorité n’est pas là, sauf pour ceux qui revendiquent l’indépendance."

"Des économies de comptoir postcoloniales bloquées"

Certes, ce rapport indiquerait que certains élus ultramarins "ressentent une forme d’impuissance à agir, entre des normes nationales peu applicables (loi sur l’eau, loi littorale, loi mettant fin à l’exploitation des hydrocarbures, loi climat…), des réformes territoriales inadaptées et des agences de l’Etat totalement autonomes".

Certes, le document réalisé par MM Egéa et Monlouis-Félicité souligne que "la politique du quotidien - logements sociaux, problèmes fonciers, eau et assainissement, transport, pêche" serait par conséquent "directement affectée" par tout ou partie des facteurs mentionnés précédemment.

Néanmoins, et toujours selon le journal Le Monde, les deux experts considèrent que dans les territoires relevant de l’article 73 de la Constitution, de telles volontés de différenciation voire de "statut à la carte", sont entravées par "une situation économique qui a peu évolué." Dans leur document les co-rapporteurs parleraient en effet "d’économies de comptoir postcoloniales bloquées".

Des préconisations qui font écho à de récents débats

"L’autonomie politique revendiquée est difficilement compatible avec la dépendance structurelle d’économies fondées sur la monoculture de la canne et de la banane aux Antilles" rapporte le quotidien, quant aux conclusions du document. Les experts préconiseraient par conséquent de "bousculer le modèle économique de la rente qui profite aux oligopoles, dans le secteur automobile ou de la distribution alimentaire".

Les rédacteurs demanderaient ainsi à l’exécutif national "d'encadrer les marges arrière des distributeurs, qui peuvent atteindre 25 % du chiffre d’affaires et pèsent particulièrement sur les producteurs locaux". Ces préconisations font écho à des débats récents, jusqu'à ces derniers jours.

Autre piste également sensible proposée par les coauteurs : "s’attaquer au tabou de la surrémunération (de 40 % à 108 % selon les territoires) des fonctionnaires, qui joue un fort rôle inflationniste", écrit encore le quotidien.

Les conclusions de ce rapport devraient décidément faire "grincer des dents" dans les Outre-mer.