"On est arrivé à la fin d'un modèle" en Outre-mer, selon Yves Jégo, auteur du livre "C'est où la France ?"

Mardi 11 février, l’ex-secrétaire d'État chargé de l'Outre-mer entre 2008 et 2009, a été interrogé sur le réseau de La1ère depuis la Martinique par le journaliste Grégory Gabourg, à l’occasion de la sortie de son livre "C'est où la France ?".

Cet essai publié le 10 janvier dernier aux Éditions du Net, est un plaidoyer indique l’éditeur pour la "France du monde", fondé sur une certitude : "nos Outremers ne sont pas un problème, comme semble le penser trop de nos compatriotes, mais bien la solution pour un renouveau français qui ne doit plus tarder à éclore".

"Il y a évidemment des différences"

Je trouve que le terme Outre-mer qui est usuel et qui a été inventé pour débaptiser le ministère de la colonisation qui est devenu le ministère de l'Outre-mer, au fond apparaît un peu comme un sac dans lequel on mettrait tous ces territoires au même niveau. Or, il y a évidemment des différences tout à fait majeures, ce ne sont pas les mêmes problématiques même s'il y a des points communs naturellement, et moi je pense qu'il y a deux Frances : une France d'Europe, on voit bien ce qu'elle est, et puis une "France du monde" qui s'incarne dans des territoires sur trois océans, au carrefour des grands sujets du 21e siècle.

Yves Jégo

Les rapports entre l'Hexagone et les Outre-mer

Je crois qu'on est arrivé à la fin d'un modèle pour nos collectivités, départements et régions ultramarins et qu'il faut aujourd'hui refonder l'avenir, ce que j'appelle une nouvelle donne. Il faut qu'ils deviennent des territoires de production, d'exportation et de rayonnement politique, culturel, économique, dans leur zone géographique. Tout cela nécessite un grand débat et aussi pour faire prendre conscience aux Français de métropole, que ces territoires ne sont pas seulement des cartes postales, dont on parle quand cela va mal, quand il y a des épisodes climatiques dramatiques, ou quand il y a des difficultés sociales. Il y a à travers cette France du monde, un potentiel universel pour porter notre pays au plus haut, dans un monde qui se mondialise et où il faut être présent partout.

Y. Jégo

Seulement 15 mois et 5 jours à la tête du ministère des Outremer

Certaines forces ne m'ont pas laissé le temps de porter cette nouvelle vision, parce que qui dit nouvelle vision de développement, dit aussi nouveau secteur économique, dit aussi casser certaines rentes qui existent et que tout le monde connaît. Et donc effectivement, le temps politique m'a manqué ; c'est pour ça que j'ai voulu prendre du recul. 15 ans après, rien n'a changé au fond, sur les difficultés que rencontrent les habitants de ces territoires. Je pense qu'il est temps d'ouvrir un débat, de fixer des perspectives, des stratégies de développement qui seront différentes d'un territoire à l'autre. Ce sont 4 millions de nos compatriotes qui sont directement concernés par cette France du monde. Il y a à mon avis, un levier d’enthousiasme, de développement (…) et le développement c'est l'entreprise, c'est la production, c'est tout cela.

Y. Jégo

"Cette France d'Outre-mer est rayonnante"

Tout ce qui permet depuis la métropole, de mieux voir, mieux comprendre, mieux appréhender les questions ultramarines, est une bonne chose. Michel Barnier [ancien Premier ministre] avait nommé un ministre délégué à Matignon, c'était aussi une bonne chose parce que c'était très interministériel. Moi, je pense qu'il faut (c'est ce que je dis aussi dans ce livre) réapprendre à nos compatriotes ce qu'est cette France du monde, parce que beaucoup de gens ne savent pas que cette France d'Outre-mer est rayonnante, puissante, qu'elle est géographiquement extrêmement importante et qu'elle est un levier de dynamisme. Il faut montrer qu’il y a une réalité qui n'est pas celle seulement de la Une des journaux télévisés quand ça va mal, ou des images carte postale s'agissant du tourisme. Le tourisme c’est très bien, c'est nécessaire, mais ce n’est pas suffisant pour l'avenir de ces territoires.

Y. Jégo

"Le mot-clé de l'avenir pour faire baisser les prix, c'est produire"

Sur la question de la vie chère, je pense qu’il n’y a pas assez de transparence, pas assez de concurrence. Dans ce livre, je propose une chose simple, c'est qu’une loi oblige dans la grande distribution de tous les territoires ultramarins, celui qui vend le produit à afficher son prix de vente, ce qui est déjà obligatoire, mais aussi, la marge faite sur le produit. Cette mesure de transparence s'ajoutant à ce que propose Manuel Valls sur plus de concurrence, me semble être un moyen assez efficace, pour que chacun juge de la réalité des choses. Donc, la transparence est à mon avis une piste et un levier qui permettrait de régler les choses. Et puis faut qu’il y ait une stratégie de production locale qui soit beaucoup plus puissante (…). Le mot-clé de l'avenir pour faire baisser les prix, c'est produire, produire, produire, une offre de production pour la consommation locale, mais aussi pour l'exportation.

Yves Jégo,

(interrogé par Grégory Gabourg)

Yves Jégo est avocat, diplômé de droit public. Il s’est engagé en politique dès sa majorité. Élu sans discontinuer au conseil municipal de Montereau-Fault-Yonne depuis 1990, il en est devenu maire en 1995. Il a ensuite connu un parcours politique le conduisant notamment à siéger au gouvernement en charge des Outre-mer, puis est devenu vice-président de l’Assemblée Nationale.

En 2011, il fonde avec Antoine Veil l’association qui porte la certification "Origine France Garantie". Ayant quitté volontairement la vie politique nationale en 2018, il est chargé d’enseignement à l’Institut Catholique de Paris. Père de deux fils, il est aussi conférencier, auteur de romans et d’essais.