PORTRAITS CROISES. Deux femmes du Carbet : Lucette Céranus Combette, alias Mayotte Capécia, Marie Berthilde Paruta, dite Darling Légitimus

Darling Légitimus (à gauche) et Mayotte Capécia (à droite).
Cette journée du 8 mars est l'occasion de mettre en lumière deux femmes martiniquaises, originaires du Carbet. Elles ont eu des destins différents : Lucette Céranus Combette alias Mayotte Capécia, première femme noire, écrivaine récompensée par un prix littéraire en 1949. Ainsi que Marie Berthilde Paruta, dite Darling Légitimus, actrice et comédienne qui jouait "Man Tine" dans Rue case nègres, de la cinéaste Euzhann Palcy.

Quand la Martiniquaise Lucette Céranus Combette, alias Mayotte Capécia, débarque à Paris à la fin des années quarante sans savoir lire, ni écrire, elle ne pensait pas être une écrivaine première femme noire récompensée par un prix littéraire en 1949.

Lucette Céranus Combette l'auteur de "je suis martiniquaise".

Qui est Lucette Céranus Combette ?

Lucette Céranus Combette, alias Mayotte Capécia, est née au Carbet, d’une mère célibataire pendant la première guerre mondiale en 1916.

Lucette Céranus Combette ne fit jamais d’études et travaille dès son plus jeune âge (14 ans) dans une chocolaterie à Fort-de-France comme sa jumelle, Francette. Puis, elle s’adonne à  des petits métiers pour vivre : couturière, blanchisseuse, épicière.

Deux livres "Je suis Martiniquaise" et la "Négresse blanche" lui donne une visibilité. Elle reçoit son premier prix littéraire à la Rhumerie. Elle est alors interviewée par Léo Larguier, poète et membre de l’académie Goncourt. 

Frantz Fanon, l'exécute dans "Peau Noire, masques blancs"

Le psychiatre martiniquais, Frantz Fanon, parle de Lucette Céranus Combette, comme d'une personne souffrant d’un complexe de " lactification", qui rêve de se blanchir. Il fait d'elle une écrivaine oubliée dan son livre "peau noire, masques blancs".

l'écrivaine Lucette Céranus Combette

Myriam Cottias et Fabienne Kanor redonnent vie à Lucette Céranus Combette

Directrice de recherche au CNRS, l'historienne du fait colonial et esclavagiste, Myriam Cottias redonne vie à la première femme écrivaine noire. Elle raconte la vie de cette femme dans un documentaire, en partenariat avec Fabienne Kanor, romancière et femme de télévision.

Avec Madeleine Dobie (professeur de littérature à l’Université de Columbia), j’ai tiré de l’oubli les deux romans de Mayotte Capécia, "Je suis Martiniquaise" et "La négresse blanche". Nous les avons republiés dans une édition critique chez Armand Colin (2014) en recontextualisant les romans, en les historicisant et en les analysant du point de vue de Mayotte Capécia grâce aux archives personnelles de la famille.

Myriam Cottias - Directrice de recherche au CNRS

Un film va également être réalisé par Fabienne Kanor.

En lisant jusqu’au bout les deux romans de Mayotte Capécia, en partie autobiographiques, et en découvrant le reste de sa production (bribes d’autres manuscrits, œuvres plastiques, notes de chevet…), j’ai réalisé mon erreur et mesuré l’ampleur du malentendu dont avait été victime cette femme, disparue sans avoir pu plaider son cas. Contrairement à ce que je m’étais figurée trop vite, Lucette Céranus avait été une femme puissante qui, aux mépris des préjugés de race, de genre et de classe, et à force de travail, de débrouillardise et de volonté, avait su se tailler un destin exceptionnel, dans un monde où la femme noire ne détenait aucun pouvoir.

Fabienne Kanor - Réalisatrice

Ce film est très attendu, car il présente le portrait d'une femme qui s'est battue dans un monde difficile.

Marie Berthilde Paruta, dite Darling Légitimus, figure inspirante pour les jeunes comédiens

Marie Berthilde Paruta, dite Darling Légitimus, vient au monde le 21 décembre 1907, dans la ville côtière du Nord Caraïbe le Carbet, en Martinique.

Après le décès de ses parents, la jeune Marie Berthilde Paruta, est élevée à Caracas (Vénézuela) par une de ses tantes. À seize ans, elle s'installe à Paris avec comme rêve ambitieux de devenir chanteuse et danseuse.

Plus tard, elle partage la vie d'Étienne Légitimus, fils du député Hégésippe Jean Légitimus avec qui elle a cinq enfants (Quatre garçons, Théo, Gésip, Gustave, Clément et une fille, Marcelle).

Etienne et sa femme Darling

Elle fait ses débuts avec le nom de Miss Darling  

Elle danse dans la "Revue nègre" de Joséphine Baker et Sydney Bechet. Elle a une boulimie de la scène et travaille de manière intense pour être reconnue. 

Darling Légitimus est sur tous les fronts, se produit au Bal Blomet, à Paris, temple de la musique antillaise en tant qu'auteure, compositrice et interprète de biguines et de mazurkas. Elle pose pour le peintre Picasso et le sculpteur Paul Belmondo.

Evocation de Darling Légitimus par ses petits enfants ©Bo Travail !

Darling Légitimus s’ouvre les portes du théâtre et du cinéma  

Darling Légitimus a travaillé dans plusieurs pièces de Jean Genet et Aimé Césaire. Elle a côtoyé de  nombreux comédiens : Arletty, Fernandel, Joséphine Baker, Pierre Brasseur. Elle a été dirigée par des réalisateurs célèbres : Henri-Georges Clouzot, Sacha Guitry, Bernardo Bertolucci, Euzhann’ Palcy.

On garde en mémoire "Les Sorcières de Salem", de Raymond Rouleau avec Simone Signoret et Yves Montand, et "Le Salaire de la peur" de Henri-Georges Clouzot. Par ailleurs, elle s'illustre dans plusieurs productions de l’ORTF dont le téléfilm de Jean-Christophe Averty (Les Verts Pâturages).

À son actif plus d’une centaine de rôles. À 76 ans, elle décroche le prix d’interprétation féminine de la Mostra de Venise, pour son rôle dans « Rue cases nègres », réalisé par Euzhan Palcy. Elle reçoit la Coupe Volpi de la meilleure actrice.

La Comédienne Darling Légitimus, une Martiniquaise ©Pascal Légitimus

Une transmission assurée par la première actrice noire

Darling Légitimus est la mère de Théo Légitimus, comédien, de Gustave, de Clément  et notamment, de Gésip Légitimus, artiste et premier producteur noir d’émissions de télévision. Son rapport au Président François Mitterrand sur l’absence de représentation antillaise  au sein des médias nationaux a permis la création de RFO. Gesip Legitimus fut conseiller artistique auprès du PDG de la chaîne. Leurs enfants et petits enfants sont Pascal, Samuel et David Légitimus.