Mayotte : La mauvaise gestion de la crise dénoncée par les présidents des intercommunalités

La délégation des élus des intercommunalités de Mayotte présente à Paris pour faire entendre leur voix.
Une délégation d’élus de Mayotte a pris son bâton de pèlerin pour aller à la rencontre de parlementaires, de ministres et des présidents du Parlement ; leur objectif : faire entendre leur voix. Les élus veulent être associés à la (re)construction du 101ème département. Dans les locaux de l’association d'Intercommunalités de France où nous les avons rencontrés, les élus, présidents ou vice-présidents des intercommunalités de Mayotte ne mâchent pas leurs mots et dénoncent la gestion de la crise après le passage du cyclone Chido.

Discrets et silencieux depuis le début de la crise à la suite du passage du cyclone Chido sur l’île, les présidents des intercommunalités de Mayotte prennent enfin la parole à Paris. Les quatre présidents sont accompagnés de vice-présidents et d’autres élus locaux et dénoncent sans langue de bois la mauvaise gestion de la crise par les services de l’État. "Les élus mahorais sont exclus des décisions notamment sur la gestion de la distribution des aides qui se font sur le territoire. On nous informe par message que nous allons être livrés de tant de mètres cubes d’eaux, tant de denrées alimentaires, tel jour. Mais en réalité, ces marchandises sont destinées aux personnes en situation irrégulière. Peu de Mahorais en sont bénéficiaires" affirme Ibrahima Maanrifa, président de la Communauté des communes du centre ouest (3CO) et maire de M’tsangamouji.

L’élu réfute toute accusation de discrimination, et dit ne rapporter que la réalité, ce qu’il vit au quotidien auprès de ses administrés. Pour lui, les aides sont orientées vers une certaine catégorie de personnes. Ibrahima Maanrifa assure qu’alors que des distributions se font tous les jours, "de nombreuses familles n’ont pas reçu une seule bouteille d’eau depuis le 14 décembre ; nous sommes démunis et impuissants face à nos administrés". Une situation qui aurait pu être évitée si, dès le départ, les services de l’État avaient renouvelé le processus adopté lors de la crise de l’eau, souligne l’élu.

Une reprise des cours compliquée

La question de la reprise des cours a aussi été évoquée lors de ces différentes rencontres. Pour le maire de Koungou, on leur demande l’impossible, d’autant que les difficultés de scolarisation des enfants ne datent pas d’hier. "J’ai plus de mille enfants inscrits, mais qui ne sont pas scolarisés faute de place. Nous sommes déjà en rotation avec 35 élèves par classe. Comment enseigner correctement et convenablement sans ces conditions ?" interroge le maire et président de l’Intercommunalité du Grand Nord.

Depuis le passage de Chido, "sur 21 établissements scolaires dans la commune de Koungou, seules huit sont aujourd’hui fonctionnels ; les autres ont subi d’énormes dégâts, ou ont été pillées et vandalisées. Une situation qui concerne toutes les communes de l’île" précise le maire. Quelle solution alors ?

Les intercommunalités mises de côté

Face à toutes ces difficultés qui datent, pour ces élus, les Mahorais et notamment les intercommunalités, doivent être associés à la reconstruction de l’île. Pour Ali Moussa Moussa Ben, maire de Bandrélé et président de la communauté des communes du Sud, "les intercommunalités ont été mises de côté dans le projet de loi pour la reconstruction de Mayotte". Parmi les priorités, il y a le logement.  Selon ses estimations, la CC Sud doit sortir de terre 150 logements par an pour répondre aux besoins réels de la population. Mais il se heurte à la problématique du foncier comme dans les autres intercommunalités de l’île.

Pourquoi alors s’opposer à l’article qui allait faciliter l’expropriation ? Pour l’élu de Bandrélé, quand cela est nécessaire, les collectivités usent de ce droit. Mais il est hors de question d’exproprier des Mahorais pour construire des logements sociaux dont "ils ne seraient pas bénéficiaires au regard des critères d’attribution" renchérit son collègue de la 3CO, Ibrahima Maanrifa.

"Des modulaires pour qui, et sur quel foncier ?"

Et qu’en est-il des modulaires proposés ? "Ce dispositif est non adapté à la réalité du terrain ; plutôt que de penser à installer des modulaires, il faudrait trouver le moyen d’aider les Mahorais à construire leurs maisons" affirme le président de la CC Sud. Pour Ali Moussa Moussa Ben, le foncier envisagé pour ces modulaires devrait en outre plutôt accueillir des projets qui sont en attente de réalisation. Les élus font aussi part de leur inquiétude face à l’établissement public en création pour la reconstruction de Mayotte. Ils estiment que les intercommunalités n’ont pas été concertées alors même qu’elles portent des projets territoriaux qui doivent être accompagnés pour aboutir. "Les intercos doivent faire partie de la gouvernance de cet établissement" estime Ali Moussa Moussa Ben.

Tous dénoncent, au passage, la reconstruction des bidonvilles dans des quartiers informels, sur des terrains appartenant à des particuliers ou aux collectivités. "Des modulaires pour les écoles, oui, mais pas pour les logements", expliquent-ils.

En multipliant les visites, les élus intercommunautaires cherchent des soutiens et des oreilles attentives à leurs revendications."Nous voulons être écoutés dans ce processus de construction", martèle le président de la communauté des communes de Petite-terre Abassi Archadi, "et surtout faire prendre conscience au niveau national de la réalité du terrain tel que nous la vivons au quotidien avec nos administrés".