Ce samedi 8 mars, au cœur du pôle culturel de Chirongui, l’air est embaumé par les effluves de fleurs d’ylang et de jasmin. Sous les flamboyants, des chants s’élèvent, portés par le rythme envoûtant du tari. Ici, on célèbre la femme mahoraise, gardienne des traditions et moteur du quotidien.
Parmi ces femmes d’exception, foundi Talanbati Inoussa-Bounou, mère de neuf enfants, incarne la transmission et le dévouement. "J’enseigne le Coran, et pour moi, cette reconnaissance est une manière de valoriser mon travail. Je suis très, très heureuse, c’est grâce à Dieu, et je remercie Allah pour tous ses bienfaits."
Un moment fort en émotions
Dans le public, certaines larmes ne peuvent être retenues. Cette journée n’est pas seulement une célébration, c’est aussi un moment où les parcours de vie trouvent enfin une reconnaissance. "Je suis émue… Je m’occupe seule de mes deux tantes : je les nourris, je les blanchis, je les loge. Ce sont elles qui m’ont élevée, alors c’est un devoir pour moi. Mais aujourd’hui, je suis déçue de ne pas avoir pu les amener ici avec moi", confie une aidante, émue.
La solidarité est un fil conducteur de cette journée. À Mayotte, les générations s’entraident, se soutiennent, se transmettent savoirs et valeurs. Un héritage que rappelle Mariam Said-Kalam, conseillère départementale de Sada-Chirongui. "On parle souvent des femmes mahoraises dans la quarantaine, mais nous, nous n’avons encore rien fait. Tout ce que nous sommes, tout ce que nous avons accompli, c’est grâce à ces femmes qui nous ont transmis leur savoir-faire."
Un hommage aux oubliées
L’événement, co-organisé par l’association Tan Maland de Chirongui et l’Association de la Condition des Femmes et de l’Aide aux Victimes (ACFAV), a permis de mettre en lumière ces figures féminines souvent reléguées dans l’ombre.
"Aujourd’hui, nous avons récompensé 45 femmes qui ont été actives ces dernières années, mais que l’on a fini par oublier", souligne Sophiata Souffou, présidente de l’ACFAV. "On a vu des larmes, car elles se sont dit : ‘Enfin, des gens pensent à nous.’ "
Si la femme mahoraise est reconnue comme le socle de la société, des défis persistent encore.
"Il est important de rappeler les inégalités, mais aussi de célébrer les réussites", affirme Manarsala Boina, directrice régionale aux droits des femmes et de l’égalité. "Les femmes que vous avez vues aujourd’hui sont engagées au quotidien."
Un rôle clé dans une société en mutation
Mayotte évolue à grande vitesse et la solidarité intergénérationnelle demeure un rempart face aux bouleversements. Mais les défis liés au vieillissement s’intensifient : de plus en plus de seniors sont isolés à domicile et se retrouvent en perte d’autonomie.
Face à ces enjeux, la reconnaissance et le soutien offert aujourd'hui envers ces "reines de toujours" ne sont pas seulement une nécessité, mais une responsabilité collective.