La loi d'urgence Mayotte : ces mesures jugées "dangereuses" par les élus mahorais

L'examen du projet de loi d'urgence pour Mayotte a débuté ce lundi à l'Assemblée nationale et doit se poursuivre toute la semaine. Ce début de réponse pour amorcer la reconstruction du département a été vivement critiqué, certaines mesures proposées sont même jugées "néfastes" pour le territoire.

Le projet de loi d'urgence pour Mayotte est examiné depuis ce lundi 20 janvier à l'Assemblée nationale. Durant la première séance, le texte a été vivement critiqué, de nombreux députés ayant déploré ses lacunes, le jugeant "insuffisant" face aux nombreuses crises que traverse le département depuis le passage du cyclone Chido. Dans son intervention, la députée LIOT Estelle Youssouffa, rapporteuse de la commission des affaires économiques, a notamment critiqué une mesure bien présente dans le texte : les facilités d'expropriations.

"Un champ d'action bien trop large et imprécis"

L'article 10 du projet de loi autorise pendant six mois le gouvernement à prendre par ordonnance des mesures pour faciliter "la réalisation dans les meilleurs délais, des ouvrages publics, des opérations d'aménagement, d'équipement, de démolition, de construction et de relogement", comprenant notamment "des adaptations ou dérogations aux règles relatives à l’expropriation pour cause d’utilité publique, notamment en matière d’identification et d’indemnisation préalable des propriétaires."

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Estelle Youssouffa

Un champ d'action bien trop large et imprécis pour un tel pouvoir", dénonce la députée mahoraise, qui a déposé un amendement pour demander la suppression de l'article. "On ne peut pas utiliser le cyclone Chido et le prétexte de la reconstruction pour prendre les terres de Mahorais en s'asseyant sur le droit à la propriété. Le désordre foncier était antérieur au cyclone et jamais l'État n'a fourni les moyens humains et financiers pour régler le sujet." Localement, la mesure inquiète également. "Mayotte, c'est petit, si on exproprie, il nous reste quoi ?", s'interroge Saandati Abdou Hadji, la présidente du collectif des Femmes leaders, qui appelle à un rassemblement contre cette mesure ce samedi 25 janvier à Mamoudzou.

"Fixer durablement une population clandestine"

Pour Fatihou Ibrahim, le président du collectif des citoyens de Mayotte 1901, le gouvernement "se donne les moyens de multiplier les établissements scolaires pour scolariser les clandestins." Cette position semble partagée par l'ancien député Mansour Kamardine. "Le cœur même du projet de loi est de fixer durablement via l’école et le logement une population largement clandestine", a écrit l'avocat à Manuel Valls, le ministre des Outre-mer. "Les deux seuls secteurs qui bénéficient de constructions nouvelles en sus de reconstruction de ce qui existait sont les écoles et l’hébergement social. Tous les autres secteurs ne sont concernés que par une reconstruction à peu près à l’identique." L'ancien élu évoque même "un projet dangereux et nocif aux intérêts supérieurs de Mayotte et de la France."

"Il ne s'agit pas, comme vous le suggérez, de "fixer" une population clandestine, mais bien de rebâtir Mayotte rapidement et sur des bases plus saines", a répliqué le ministre, également par courrier, en rappelant la présentation d'ici trois mois d'une loi-programme pour Mayotte comprenant notamment des mesures pour lutter contre l'immigration clandestine. "Nous répondons ainsi à l'urgence sans jamais perdre de vue l'objectif de transformation profonde que mérite ce territoire de la République", conclut Manuel Valls. Les discussions autour du projet de loi d'urgence pour Mayotte doivent reprendre ce mardi 21 janvier, et se poursuivre à l'Assemblée nationale jusqu'à ce vendredi.