C'est devenu une litanie pour le géographe Said Said Hachim depuis le passage du cyclone Chido : "il fallait s'y attendre." Cette maxime est à nouveau valable pour les nombreuses inondations provoquées par les fortes pluies qui ont frappé Mayotte ce week-end. "Nous sommes en période de kashkazi et il faut encore s'y préparer pour deux facteurs : la terre s'est imperméabilisée après Chido et Dikeledi, donc l'eau se déverse rapidement vers les habitations", précise le co-auteur de l'atlas des risques naturels et des vulnérabilités territoriales de Mayotte.
"Ce qui s'est passé à Mangajou s'explique : il y a des embâcles, des matériaux qui viennent parfois boucher les ouvrages d'art, les pont et les buses", détaille l'expert. "L'eau déborde et passe là où elle peut, elle se déverse sur la route et la creuse." Selon lui, ce n'est pas un problème de dimensionnement des ouvrages, mais d'entretien : "Quand il y a une ravine, il faut s'assurer en début de saison des pluies qu'il n'y a pas d'objets qui l'encombrent. C'est ce que fait la sécurité civile actuellement."
Sans politique "ferme et volontariste, ce territoire court à la catastrophe"
Le géographe poursuit son explication en prenant l'exemple de la route entre Sada et Mangajou, qui s'est en partie affaissée. "Il y a un fossé en amont qui n'a pas été entretenu, cette route-là va partir", assène-t-il. "Ou alors il faut espérer que la saison se termine très vite, on a jusqu'en avril et il ne faudrait que de nouveaux événements se produisent." Le phénomène climatique de ce week-end "n'était pourtant pas exceptionnel."
L'auteur appelle à la mise en place d'un plan d'aménagement pour pallier les vulnérabilités de Mayotte aux risques naturels. "Il faut mettre la main à la poche, qu'est-ce que vous allez faire à Ironi avec une route qui a été construite dans les années 50 ? L'eau monte et la population augmente", s'alarme-t-il. "Le boulevard des Crabes existe depuis 1848, c'est la même infrastructure depuis !"
En parallèle le département est frappé par une série de feux de forêts, accentués par la sécheresse de la végétation dévastée par le cyclone, qui ont déjà dévasté 200 hectares d'espaces naturels. "S'il n'y a pas de politique ferme, volontariste et suivi, ce territoire court à la catastrophe et mon inquiétude, c'est que je n'en ai pas vu dans le plan d'urgence", annonce l'universitaire, avant de s'agacer : "le territoire est mal parti avec cette politique de chaos, on ne sait pas comment on s'organise, on n'a pas de schéma, personne n'est responsable de quoi que ce soit alors que les conséquences, on les a déjà aujourd'hui."