"Un certain nombre d'élus ont été poursuivis et condamnés", le procureur Yann Le Bris dresse son bilan à Mayotte

Yann Le Bris occupait le poste de procureur de Mayotte depuis 2021
À la veille de son départ pour la Martinique, le procureur de Mayotte fait le bilan de ses quatre années à Mayotte. Yann Le Bris assume d'avoir fait condamner des élus, mais l'assure : ils sont simplement "rentrés dans le pot commun de tous ceux qui, commentant des infractions, ont fait l'objet d'enquêtes et de poursuites."

Après quatre ans comme procureur de Mayotte, Yann Le Bris part occuper le même poste en Martinique. Il aura marqué la justice mahoraise en étant le premier à avoir fait condamner des élus mahorais. Cinq ont perdu leurs mandats : les maires de Chirongui, Tsingoni et Bouéni, ainsi que le président de la Cadéma et le premier vice-président du conseil départemental. Cette efficacité tient en partie de sa méthode : instruire rapidement les procédures et requérir des peines d'inéligibilités avec exécution provisoire.

Zakweli : Yann Le Bris occupait le poste de procureur de Mayotte depuis 2021

"Il y a eu des infractions commises, puisqu'un certain nombre d'élus ont été poursuivis et condamnés", reconnaît le procureur. "Je crois que c'était aussi une attente forte de la population, que le fait d'être un élu ne soit pas synonyme de passe-droit." Yann Le Bris l'assure : ils n'étaient pas "une cible privilégiée et particulière", et prend pour exemple la prison de Majicavo, qui "a entre 650 et 700 détenus et un seul élu incarcéré." Il s'agit en l'occurrence de l'ancien maire de Bouéni, Mouslim Abdourahaman, condamné le 10 décembre 2024 pour favoritisme et prise illégale d'intérêt.

Surpopulation carcérale et immigration clandestine

La surpopulation carcérale, jugée en partie responsable de la mutinerie du 28 septembre, n'incite pas la justice à plus de clémence selon Yann Le Bris. "On ne prend aucun plaisir avec un taux de surpopulation carcérale à Majicavo de 240%, mais que dirait la population si on attrapait un violeur ou un meurtrier et qu'il n'allait pas à Majicavo au motif qu'on manque de place ?", explique-t-il. "Lorsque quelqu'un mérite d'aller en prison, on ne s'en prive pas. L'administration pénitentiaire participe à l'œuvre de justice, en travaillant dans des conditions qui sont difficiles."

Ces dernières années ont notamment été marquées selon le procureur par une hausse de la sévérité contre les filières d'immigration clandestine. "On est aujourd'hui passé de peines d'emprisonnement avec sursis pour les primo-délinquants à des peines d'un an, deux ans, parfois quatre ans, sur des simples pilotes de kwassa", affirme Yann Le Bris. "Il y a quatre ans, quand on avait des peines d'emprisonnement avec sursis, il y avait énormément de pilotes récidivistes. Aujourd'hui, on en a beaucoup moins." 

Donner confiance en la justice

Si chaque année, une dizaine de crimes se déroulent à Mayotte avec un taux de résolution des enquêtes "de l'ordre de 80%", la population a parfois un sentiment différent. "On ne peut pas reprocher à la justice de ne pas avoir fait une enquête concernant des faits criminels, si personne n'est au courant de ces faits criminels", réplique le magistrat. "C'est tout le travail qu'on essaye de faire, que les habitants de Mayotte aient suffisamment confiance dans les services de police, de gendarmerie et de la justice pour aller déposer plainte."